ZEROSECONDE.COM: février 2005 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Connaissance du monde

Le commun des mortels va tout simplement affirmer ceci :
Il fait beau aujourd'hui
Dans la blogosphère, ce n'est pas vraiment plus différent :
Il fait beau aujourd'hui (via UnTel)
Les universitaires ont eux par contre un peu plus de d'embûche pour dire la même chose :
Selon Environnement Canada, sur le site de Dorval, les observations météorologiques (Goldbloom & Tardiff 2005) relève une température moyenne à 1 mètre du sol de -7 degré Celcius et un dégagement partiel à complet des nuages (pour une topologie des formations nuageuges, voir Slotzi 1996), ce qui nous permet de déclarer selon l'échelle des valeurs de LaPlane (1954) qu'il fait aujourd'hui Beau (Platon -350).

Références
Aïcha. Relevé météo et épistémologie atmosphérique. PUF, Paris, 2001
Goldbloom & Tardiff. Observation météorologique du 2005-02-26. Environnement Canada, Dorval, 2005
LaPlane. Fine structural observations on the form and distribution of appreciation in public forecast. University of Oxford, Oxford
Slotzi. Dubr z dankts u meteosky. Solidarnosc pressky, Pozdan 1996
Platon. Die großen Dialoge. dtv/Artemis, Berlin

Je faisais référence à la lourdeur des informations des académiciens dans un billet sur la montée du savoir non-académique. J'aurais pu employer le mot dense. C'est que le savoir académique s'oppose aux opinions.

En lisant Gaston Bachelard par après (je vous expliquerai pourquoi je lis des livres d'épistémologies dans le métro une autre fois) je tombe sur des idées qui expliquent cette différence de poids :

"La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion."

"L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes."

"C'est le sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique."

(G. Bachelard. Épistémologie. Puf 1980. P.159)

Hier, pour reprendre une phrase de Wolton (QuiEst?), les recherches académique étaient le seul mode d'accès à la connaissance. Aujourd'hui le phénomène est masqué par la surabondance d'informations. On accède facilement (il faudrait nuancer le mot facilement) à l'information, mais accède-t-on à la connaissance?

Connaissance vs information. Il y a un billet à faire sur le sujet.

Dans mes exemples satiriques du début à quoi se réfère-t-on? L'universitaire semble s'empêtrer d'un formalisme pour accéder à ce que le profane dit sans problème. Mais parlent-ils vraiment de la même chose?

L'un parle de ce qu'il ressent et perçoit comme vrai pour lui et incidemment aussi pour les autres (ne serait-ce que pour chercher à influencer l'opinion des autres).

L'autre définit un cadre théorique de l'objet à analyser et déclare une observation neutre.

Qui a une meilleure connaissance du monde?

365 jours et zéro seconde pile

Mon blogue souffle une bougie aujourd'hui.

Des stats?
138 billets (2-3 par semaine en moyenne)
Plus de 40 000 mots
Entre 100 et 150 abonnées/visiteurs.
Entre 50 et 100 visites par jours
Moyenne de 2 pages vues par visite
Pas beaucoup de commentaires, mais assez pour me garder stimulé ;-)


Merci de votre présence !

Développement du savoir profane

La transformation générale de la nature du savoir à l'ère du réseau passe par sa numérisation.

La recherche, l'acquisition, la transformation et la diffusion du savoir passaient autrefois par le transport et hier les médias de masse.

On peut affirmer, sans provoquer de remous, que le réseau des réseaux est en mesure de modifier cette nature même du savoir, de la même façon que les mass-média ont changé la nature de la culture.

La blogosphère comme incubateur

Dans la blogosphère une certaine connaissance profane se développe parallèlement au savoir académique : si ce dernier n'est pas traduit dans un premier temps sous forme numérique à une adresse web et dans un deuxième temps sous forme de vulgarisation, il y a peu de chance qu'elle se diffuse dans le public ou du moins qu'elle suscite l'intérêt du public. Et la connaissance profane dominera sans partage.

L'hégémonie actuelle de la blogosphère, la montée en force de ce que j'ai appelé la société des chroniqueurs, imposera un ensemble de prescriptions pour légitimer les nouveaux énoncés du savoir.

C'est un secret de Polichinelle que de révéler que les carnets déstabilisent les engins de recherche. En poids, en fréquence et en activité ils prennent de plus en plus de place. Les algorithmes des moteurs de recherche favorisent ces attributs. Les blogues sont des percolateurs d'information, pour reprendre une image que m'a transmise un jour Jean-Sébastien. Et font donc écran à des informations plus "lourdes" comme celle des académiciens.

La blogosphère des chroniqueurs agit comme les chroniqueurs des médias traditionnels, et la rejoint, en réitérant l'éternel discours sur le discours : elle relaie des opinions sur des opinions.

Les académies hors course?

Le nouveau savoir qui se développe fait fi des recherches académiques parce qu'elles ne sont pas disponibles. Particulièrement dans la francophonie. Une action sur le web est source d'expérience. Par action j'entends ici un travail de communication comme les carnets ou les messages dans les carnets.

Surfer sur le web ne modifie pas le web. Mais dès qu'on se met à réfléchir à la structure d'un billet, d'un commentaire ou d'une modif sur un wiki, on participe à ce nouveau savoir. [on le modifie, aussi].

Rappelez-vous les premiers instants dans la blogosphère : la fascination que procurent les traces résultantes des actes de communication d'internautes. Un monde s'ouvre à vous. Une sociabilité nouvelle se crée par l'intermédiaire des carnets, basée sur une volonté manifeste de comprendre la pensée de l'autre.

Alfred Schutz disait : "Toute interprétation est fondée sur une réserve d'expériences antérieures, qui sont nos propres expériences et celles transmises par nos parents et professeurs. Elles fonctionnent comme un cadre de référence sous la forme d'une ‹‹ connaissance disponible ››" (cité par Regis Bectarte (PDF de son mémoire)

Quelle est la nature de cette connaissance disponible?

François Guité mentionnait il y a quelque temps des études de type académique sur un sujet en vogue actuellement dans la blogosphère : la folksonomy. Ce type d'étude n'est pas une opinion sur une opinion, mais bien de la nouvelle connaissance et, à mon avis, montre de quelle façon les académiciens peuvent alimenter le discours dans la blogosphère : réduire [la proportion de ] la rédaction d'opinion sur une opinion [en augmentant la proportion de travaux académiques.]

On pourrait aussi argumenter que la blogosphère influence trop les sujets d'étude des académies. Si la folksonomy est un nouveau terme et que la notion de classification distribuée en ligne paraît nouvelle, la problématique théorique de la catégorisation dite "folk" [n'est pas nouvelle, loin de là, et] peut être rattachée au moins à la recherche en linguistique et en sémiologie [dans les dernières décennies].

Par exemple : l'intérêt scientifique devrait davantage porter à étudier la formalisation des négociations de sens à grande échelle. La blogosphère profane s'intéresse, elle, davantage à la catégorisation elle-même en tant que pouvoir émergent.

N'y a-t-il pas là en fait un symptôme que le statut du savoir change? Les anciennes institutions ne sont plus les seules à promulguer la légitimité d'une connaissance.

Dont acte
.

[modifications apportées entre crochets en oct. 2007]

mSpace

"mSpace is an interaction model to help explore relationships in information."

L'université de Southampton en Angleterre lance un outil sémantique d'interface pour le web qui permet de chercher et apprendre sur un sujet en ligne.

"mSpace helps people build knowledge from exploring those relationships. mSpace does this by offering several powerful tools for organizing an information space to suit a person's interest: slicing, sorting, swapping, infoViews and preview cues."

Les auteurs comparent leur outil à un @Google on iTune". La démo actuel concerne une recherche sur la musique classique.

À explorer.

La Trinité expliquée aux paiens

Comprendre la Trinité "carnet - fil web - aggrégateur" relève de la Foi. La plupart des explications sur le sujet ne sont en fait que des entrées encyclopédiques. Elle ne permettent pas de comprendre, seulement de décrire le concept.

Je suis sûr que vous avez déjà tenter l'explication auprès de novices et avez immédiatement aperçu des yeux rouler d'incrédulité : "encore des buzzwords!". Maudite bulle.

Pour l'instant la plupart des gens carnetiers utilisent trois logiciels pour faire ce qu'un centre de communication devrait faire seul : un outil de courriel, un de blog et un d'agrégation. Dans ce contexte, il est facile de tomber dans la description d'outil. Expliquer aux néophites demande une métaphore.

Voyons le tout non pas comme des outils, mais comme une fonctionnalité supplémentaire aux outils existants.

BMail comme métaphore

J'utilise Blogger et Gmail, mais en fait, je ne vois pas pourquoi ça doit nécessairement être deux logiciels à part.

J'imagine mon logiciel de courriel préféré être modifié ainsi :

TO:
CC:
BCC:
POST:


Alors publier (post) pourrait être considéré comme un message à tous. Ou plus précisément un message à qui de droit. J'écris un "courriel" à qui cela peut intéresser, sur un Dazibao numérique

Si votre message ne s'adresse à personne en particulier, vous le publiez sur votre carnet, en séparant les carnets par des virgules, si vous en avez plusieurs...

Imaginons encore mon logiciel de courriel préféré être modifié ainsi :

Liste de contacts
Liste d'abonnements


J'ai une liste de gens à qui j'écris (contacts) et j'ai une liste de gens dont je veux recevoir leur "à qui de droit" (abonnement). Il faut s'abonner parce qu' un agrégateur n'est finalement rien d'autre qu'un logiciel qui reçoit des "messages publics".

La Trinité en Un

Ma métaphore BMail permet de comprendre un concept en s'attachant à un comportement déjà existant. Je peux expliquer à ma mère, enfin, que pour lire des carnets (et ses quotidiens préférés) elle n'a pas à visiter les sites : elle peut recevoir le tout comme des messages.

Je crois qu'un plugin existe pour outlook afin d'intégrer un agrégateur.

Par contre, aujourd'hui encore, il est plus performant d'utiliser un logiciel tiers. Et, expliquer comme ça, ma mère serait prête à embarquer. Bloglines (web), Netnewswire (Mac), Lektora (PC) pourraient devenir des outils pour elle.

Elle n'a qu'à abandonner l'idée que tous les messages arrivent dans le logiciel de courriel. D'où mon insistance à préférer le vocable 'message' à celui de 'courriel'.

Et si elle veut communiquer à qui de droit, en attendant BMail, là aussi des logiciels tiers sont plus performants : Blogger, Movable Type, WordPress.

Et entre les deux, le RSS. On a réussi à ne jamais le nommer, lui. Il y a quelque mois, j'avais tenté de faire comprendre le RSS en l'abordant de front. Cette fois-ci j'ai fait le contraire.

Les fils d'abonnement ne sont que des technicalités que l'on a ressortie du concept de la Trinité. Qu'il repose en paix...

Le blog comme dazibao numérique

Dazibao. C'est le nom donné au fameux journal mural placardé sur les places publics chinoises et dans les rues des villes et villages à l'époque de Mao.

Ces journaux peu appréciés par les autorités servaient à informer des faits et gestes locaux qui ne sont pas publiés ailleurs. Le mot signifit : "grand journal mural écrit à la main".

Vous me voyez venir?

Au fond, le blog n'est en fait qu'un dazibao numérique...
Dazibao (définition de Wikipédia en date d'aujourd'hui)
"C'est en 1966 que les dazibao firent leur apparition en Chine. Entièrement faites à la main, ces affichettes couvrirent d'abord les murs de Pékin avant de gagner les provinces. Ce média illégal et spontané véhicula l'information non-officielle et eut l'audace d'attaquer les autorités du pays. La répression finit par mettre fin à cette presse libre en 1979."

PS 2005-02-26 : Lire Loïc pour voir un effet dazibao sur la "vraie" presse.

Petit lundi

Micro plaisirs pour bien commencer la semaine...

Vous aimez les minous?
Vous aimez le basket?
Vous aimez la boxe?

Révolution-s

"[D]epuis 1989, au plus tard, les intellectuels ont dû admettre qu'ils n'étaient plus utilisables comme conseillers à la révolution. Je ne veux pas dire par là que nous sommes entrés dans des temps plus calmes, au contraire, les révolutions dans lesquelles nous vivons sont devenus chroniques. Beaucoup d'éléments laissent à penser que nous avons quitté l'espace des révolutions politiques pour entrer dans celui des révolutions techniques et mentales - ce qui met obligatoirement fin au rôle classique de l'intellectuel."

Peter Sloterdijk
Essai d'intoxication volontaire, Conversation avec Carlos Oliveira.
Hachette Litératures, 2001. (Page 65)

Google maps

Imaginez une énorme carte que vous pouvez dérouler et zoomer comme bon vous semble.

Voici Google Maps (IE et Firefox)




Maintenant imaginez ce que peux faire Google Local et Google Maps avec Google AdSense: battre les Pages Jaunies en ligne.

Il manquerait seulement qu'un bouton pour contacter le magasin (un Google VoIP en quelque sorte). Oups ;-) Je crois que c'est déjà dans leur collimateur...
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Sur la téléphonie Internet (VoIP):
Le Journal du net
Le projet du centre de recherche sur les communications du Canada
VoIP How-to

Le wiki comme palimpseste technologique

[English version available here]

La définition d'un palimpseste que j'ai donné dans un billet récent pointe vers un outil qui est lui-même un palimpseste par excellence : le wiki.

Wikipedia est un encyclopédie de pages-parchemins dont on a fait disparaître l'écriture pour y écrire de nouveau...

Je vais donc vous donner in extensio ma définition d'un wiki (à partir de la définition du palimpseste de Wikipedia) sur lequel je vais aussi faire des palimpsesteries, question de montrer en quoi le wiki, comme il se doit, n'est qu'un palimpseste technologique dans la plus pure tradition des moines copistes...
Le palimpseste technologique
(nouvelle définition du wiki)

Texte sur une page web dont les copistes de l'Âge Internet ont effacé l'écriture pour y écrire un autre texte.

Le mot palimpseste vient du grec palimpsêsto (gratté de nouveau) et désigne une page web dont on a fait disparaître la contrainte read-only pour y écrire ad lib.

Cette méthode fut utilisée au début du 21e siècle par des internautes copistes qui réutilisaient la même page pour y écrire de nouveaux textes. Ils contribuèrent donc activement à la création de la culture de partage.

Méthode

Pour créer un palimpseste, on réutilisait la même technologie qu'un serveur web mais qui avait été préalablement rendu ouverte à tous pour modification sans contrainte : aucune autorisation, aucun téléchargement et aucun code HTML. Tous peuvent modifier le palimpseste.

À cause de cette méthode ouverte, plusieurs écrits ont été momentanément perdus. On arrive toutefois à retrouver l'ancien texte dans certains historiques grâce aux techniques modernes de restauration de documents (bouton "ancienne version", Google cache, agrégateur RSS).

Le palimpseste permet une écriture à plusieurs auteurs qui raffine la pensée du groupe sur un sujet particulier. Les applications vont de l'écriture de l'actualité à la création de guides d'instruction car le palimpseste profite de l'intelligence collective pour l'amélioration ou la correction factuelles du document.

Palimpsestes célèbres
  • Le Palimpseste Wikipedia: une renaissance de l'ouvrage Encyclopédique de Diderot.
  • Le Palimpseste CraoWiki: une renaissance de l'Agora athénien.
  • Le Palimpseste Wiktionnaire: une renaissance de l'ouvrage de Larousse
Ces palimpsestes sont accessibles avec n'importe quel navigateur web et attendent vos contributions.
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À lire si le sujet vous intéresse:
Texte: La mort des brouillons (Jean Véronis)
L'Internet aujourd'hui : de l'hypertexte au palimptexte (Jean-Marie Le Ray)

L'enfer plastique

Petite note pour encourager les bloggeurs québécois Valérie, Louis-René et Pascal en tournée en Afrique de l'Ouest.

Depuis novembre 2004, ils relatent leur voyage dans leur blog Baobab sur Paroles Citoyennes, un site de l'ONF (conçu entre autres par Interstructure lors de mon passage en 2004).

Paroles citoyennes

"Le royaume de l'enfer plastique est expansionniste".
"Partiellement construit sur les détritus qui s'empilent en s'avançant dans l'eau, le monstre rampe sur un tas d'ordure."

"Bienvenue dans l'enfer plastique".


Une belle utilisation du blog comme carnet de voyage....

Palimpsesteries

A.J. Liebling était un célèbre journaliste américain du siècle dernier qui a souvent écrit dans le The New Yorker. Certaines de ses citations sont tellement vraies encore aujourd'hui qu'elles méritent qu'on les reprennent ici:

  • "Freedom of the press is guaranteed only to those who own one."
  • "People everywhere confuse what they read in newspapers with news."
  • "I can write better than anybody who can write faster, and I can write faster than anybody who can write better."
Petit palimpseste pour réactualiser le tout. Vous ne m'en voudrez pas j'espère.
  • "Freedom of the speech is guaranteed only to those who own a blog."
  • "People everywhere confuse what they read in blogs with news."
  • "I can post better than anybody who can post faster, and I can post faster than anybody who can post better."
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Voir aussi:
Le wiki comme palimpseste éléctronique