ZEROSECONDE.COM: octobre 2010 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Logique éditoriale d'un blogue

La question paradoxale que l'on se pose est la suivante: si vous avez une réelle expertise dans votre domaine, et que vos clients potentiels sont des novices dans votre domaine, comment font-ils pour vous sélectionner de façon rationnelle? Comment peut-on vous sélectionner si l’on n’est pas expert dans votre domaine? A fortiori s'ils ne savent même pas qu'ils ont besoin de vous?

4 trucs pour percé dans les blogsSur Google, votre futur client va probablement chercher des mots-clefs (aura-t-il les bons?) et tombera sur une multitude de choix. S'il se fie à l'algorithme de Google, il fera un choix parmi les entreprises qui seront affichées en haut de page (à ses risques et périls : l'optimisation de mots clefs ou de la pub contextuelle est parfois un piètre indicateur de crédibilité).

Si vous êtes dans un domaine intellectuel, où vous vendez des services basés sur vos connaissances, il est probable que votre futur client voudra lire des choses de vous avant de prendre une décision.

Internet a apporté pour une majorité de gens la possibilité de pratiquer la lecture et l'écriture après leurs années scolaires -- où pouvait-on lire et écrire intensément avant Internet? À l'école seulement.

Le blogue (ou un site régulièrement mis à jour, mais c'est la même chose) vous offre d'exposer vos qualités et compétences et devient dans certaines industries une façon de se distinguer. Mais d’une certaine manière, on commence tous à zéro sur Internet. Donc les critères habituels de validation de crédibilité ne s’appliquent pas au début (la crédibilité hors réseau ne se transfert pas automatiquement sur le net pour la majorité d'entre nous, faites-vous à l'idée).

En comprenant comment émergent la qualité et l’autorité dans les réseaux sociaux, vous êtes à même de vous bâtir une crédibilité avec le temps.

La pertinence et la plausibilité de votre expertise reposent sur quatre points qui composent la logique éditoriale de votre présence en ligne :

- Susciter l'intérêt. Faites accroître l’intérêt pour votre domaine en éduquant vos futurs clients sur l’importance de votre sphère d'activité. C'est le «what's in it for me»

- Communiquer vos concepts. En favorisant le partage aisé des enjeux ou des nouvelles importants de votre domaine, vous augmentez les chances d’être pertinents pour votre clientèle cible. Pensez en terme de problématique à eux et non vos solutions abstraites à vous. [merci Éric pour ton commentaire]

- Rendez familier votre sphère. Indiquez les impacts que votre domaine provoque dans leur vie / leur travail dans la sphère de votre audience.

- Offrez des points de comparaisons. Donnez des points de références pour que vos futurs clients puissent comparer. Vos lecteurs sont eux-mêmes experts dans leur propre sphère. S’ils peuvent faire le lien entre ce qu’ils connaissent et votre réalité, ils seront enfin capables de juger de votre expertise.

Vos clients sont peut-être novice dans votre domaine, mais ils sont intelligents. Sinon, ils n'auraient pas d'argent pour vous engager.

Cela demande du temps, mais plus votre audience sera compétente, plus ils seront aptes à vous évaluer. Et il n’y a pas de meilleure position que d’être au sommet d’une sphère de connaissance pour sa propre audience. Je dis sphère de connaissance, car vous devez être en constant dialogue avec votre sphère, l'audience et les autres experts, pour continuellement maintenir votre position. Faites référence aux autres, conversez et publiez constamment (ou du moins régulièrement) devient le lot des experts sur Internet.

Et dans une monde de surabondance d'information et de rareté d'attention, assurez-vous de ne pas seulement relayer ce que les autres disent, créez du contenu vraiment original [voir le billet de Seth Godin de ce matin]. Et n'ayez pas peur de diffuser vos connaissances, ce sont pour vos compétences que l'on vous engagera.

Il ne vous reste plus ensuite qu'à trouver une balance entre quantité et qualité pour votre audience.
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Image de Francescopozzi
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Les médias sociaux 101

«Les Médias Sociaux 101: Le réseau mondial des beaux-frères et des belles-soeurs» de Michelle Blanc, assisté de Nadia Seraiocco, préfacé par Bruno Guglielminetti, Éditions Logiques, Montréal, 2010, 181pp

Médias sociaux 101Nietzsche écrivit un jour: «Ce qui ne me tue pas me rend plus fort». Le grand philosophe a su plus que tout autre réfléchir sur le «dépassement de soi par soi» comme étant «l'essence même de la vie». Il a su développer le concept, souvent mal interprété, de «surhomme» (übermensch), cet après-homme, non pas au sens d'évolution biologique, mais comme d'un nouveau type d'homme qui devient ce qu'il doit être, par son propre vouloir.

Michelle Blanc ne peut être que plus forte après toutes les épreuves qu'elle a endurées, ayant choisi de «dépasser l'homme» qu'elle était pour devenir une femme. Son cheminement n'est pas le thème de son livre, mais lire ce livre c'est quand même explorer la psychologie intime de cette femme: elle y parle des réseaux sociaux autant qu'elle parle d'elle même. Produit autant qu'actrice des médias sociaux, Michelle Blanc se révèle moins par ce qu'elle affirme que par la manière de l'affirmer.

Michelle Blanc 101

Ce livre est en fait un récit. Celui de Michelle Blanc se créant une place au soleil et établissant son territoire. En toile de fond, les médias sociaux sont comme une rumeur montante qui est un prétexte à la chronique personnelle plutôt qu'à une explication méthodique du thème des réseaux sociaux.

La narratrice nous amène faire un tour dans les sentiers boisés des médias sociaux, avançant au gré des rencontres et des bifurcations qui balisent sa vie. Cette balade plaira à certains qui ont su garder le souvenir des voyages improvisés et ennuieront assurément les plus pressés habitués aux tours guidés de masse. Plusieurs seront jaloux du pouvoir qu'elle se donne pour nous faire découvrir ses sous-bois très fréquentés des réseaux sociaux.

La «volonté de puissance» (concept clé de Nietzsche) évoque pour moi Michelle Blanc, et la sortie de son livre «Les médias sociaux 101» (livre clé pour comprendre cette femme) fait davantage rayonner son autorité souveraine --Petrowsky l'a surnommé, avec une prémonition juste, mais fortuite, la «papesse du web»--, ce qui illustre bien qu'elle tire sa légitimité affirmative de sa seule force, et ce, sans demander l'autorisation de ses titres de noblesse à la toute dominante intelligentsia médiatique.

Elle est de la trempe de ces hommes qui ne doivent pas attendre les autres pour devenir ce qu'elle est: une femme justement. Par son propre vouloir. J'y vois une manifestation d'une lutte interne qui a organisé tout son être depuis qu'elle est née pour aboutir à qui elle est aujourd'hui.

Nietzsche employait l'expression la volonté de puissance («der Wille zur Macht» [voir mon commentaire pour une explication]) pour expliquer le mouvement fondamental de la vie, plus fort encore que la volonté de vivre et qui commence par le corps (autre concept clé de Nietzsche). On peut donc être surpris de voir que le premier livre de Michelle repose sur les réseaux sociaux et non sur sa transformation en femme.

Or, au contraire, c'est exactement cette histoire de réseaux sociaux qui l'a formé et qui donne toute la dimension à sa personnalité. Je ne crois pas que beaucoup de critiques du livre ont relevé cet aspect.

Du blogue au livre, du livre au blogue

Commencer une revue de ce livre en citant Nietzsche, probablement trop absorbant pour beaucoup de malheureuses victimes envoyées ici par Google, m'accorde le loisir de conserver le ton qui est celui de ce blogue, tout en abordant celui du livre de Michelle qui est d'un tout autre ordre. L'exigence est à ce prix.

C'est qu'il faut d'abord accepter le souffle et le rythme particulier du livre. Ce sont, en fait, ceux de l'écriture "bloguesque". On peut en être étonné, un livre appelant un type particulier d'attention, que le genre n'ait pas été davantage remanié pour s'adapter au médium, malgré l'apport de Nadia Seraiocco en réécriture [voir mon commentaire pour plus de précisions]. Mais les auteurs, ni l'éditeur, ne s'en cachent et revendiquent d'ailleurs avec force la filiation avec le format d'origine.

Tout le contenu provient du blogue de Michelle où elle nous dévoile sa vision de l'impact des médias sociaux sur les domaines qu'elle aborde (journalisme, médias, marketing, politique et les rapports interpersonnels) d'une façon moins arbitraire et fugace qu'il n'y paraît, malgré le fait qu'on s'attendrait probablement à une démonstration plus substantielle dans le cadre d'un livre imprimé.

Sur les tablettes depuis 1 mois, ce livre cartonne au palmarès des ventes d'essais canadiens-français au Canada selon le palmarès Gaspard de la BTLF.

Quelques critiques sont déjà sorties dans la blogosphère (je doute de voir la presse y donner écho):
Critiques, toutes sensées, qui sont loin d'avoir épuisé ce que le livre a réellement à offrir.

Médias sociaux 101?

«L’expression "101' jumelée à un vocable laisse normalement entendre que le sujet sera développé sous forme de cours de base ou d’introduction" dit, tout de go, Mario Asselin. La table des matières, effectivement, se lit comme un syllabus d'un «cours sur les médias sociaux», surtout aux yeux de cet ancien directeur d'école (mais pas juste lui).

Même si la quatrième de couverture temporise les attentes en suggérant que le livre documente plus «les changements majeurs que le web apporte au quotidien» qu'elle documente une vision académique, l'expression 101 est tout de même très connotée «apprentissage».

Cette habile manoeuvre éditoriale de l'éditeur (comme quoi le SEO a son équivalent en édition) cache pourtant le sujet premier du livre. Si cours il y a, c'est plutôt pour apprendre à connaître Michelle Blanc. Les chapitres sont basés sur son blogue, notoirement autopromotionnel [« [J]e le répète, j'en fais ouvertement un organe d'auto-promotion» (p.105) (ce qui ne rime pas nécessairement avec le culte du moi) c'est donc de Michelle Blanc il est question dans ce livre avant toute chose.

Indubitablement, on y parle aussi de médias sociaux, et, pour qui prend la peine de lire, y trouvera les métaphores utiles pour saisir de quelles façons ils changent nos habitudes. Ne vous trompez pas, j'y ai pris des notes, comme toujours quand j'écoute Michelle. Dans mon cas moins sur le fond et plus sur la forme: son discours est parcouru par des images d'Épinal qui font percuter les Saint-Thomas du monde 1.0, et j'adore analyser la façon dont elle les bâtit.

Il faut donc comprendre que le titre met de l'avant une expression favorite de Michelle Blanc (les médias sociaux, c'est simple, c'est le «réseau mondial de beaux-frères»). Elle aurait pu titrer aussi "Youhouhou", son cri de joie sur les médias sociaux, pour nous indiquer à quel point ce livre est une invitation à découvrir de façon décontractée et amusante le phénomène.

Les beaux-frères

Pour ce qui est du contenu en tant que tel, le texte est explicitement tiré de son blogue et s'adresse à ceux qui veulent se faire extraire les meilleurs passages qu'elle a écrit durant ces récentes années. Elle a beau nous traiter de flemmards («vous êtes trop paresseux pour fouiller [vous-même sur mon blogue]» p.18), ce qui est probablement vrai pour certains, je crois au contraire que l'on voudrait acheter son livre pour les raisons tout à fait inverses de ce qu'elle prône. Expliquons ce paradoxe.

Pour trier quels billets de Michelle lire sur son site, on ne veut pas l'avis des «beaux-frères». Non. On veut au contraire un tri raisonné parmi ses «2000 billets» par des gens de l'édition (les gens de Librex et Nadia, la coauteure), recoupés de façon synthétique, afin de donner un sens qui ne se trouve pas nécessairement dans la linéarité et l'abondance de son blogue. Bref on veut une recommandation experte de ce qu'il y a à lire sur michelleblanc.com à propos de ce réseau mondial. Exactement le contraire de la sélection par un beau-frère.

Si beaux-frères et belles-soeurs il y a, c'est dans le ton général, très oral (dû à son origine «bloguesque») et des anecdotes périphériques tournées en exemples de cas d'espèce (c'est la recette de ce type de livre). Ça donne un ton léger qui ne se prend pas la tête, avec, parfois, comme dans les dîners avec les beaufs, des débordements avinés de fin de soirée (lire le passage, par exemple, sur les sulfureux échanges épistolaires par Twitter entre l'auteure et @Embruns employant certains mots tirés du vocabulaire du coït humain, ou, par exemple, la comparaison hilare d'internet comme du viagra pour entreprise).

La loi du talion

Pour en finir avec le malaise que peut générer le titre, question de l'évacuer et de se recentrer sur le vrai sujet, le titre, donc, est une boutade en forme clin d'oeil adressé aux médias, aux corporations, au marketeux et aux politiciens -- et tout le livre en est l'exemple éclatant--: vous avez perdu le contrôle face à une foule que vous méprisiez et que vous devrez tôt ou tard être forcer d'écouter. Michelle Blanc se donne en exemple et montre de quelle façon le rapport de force peut s'inverser --ou du moins comment les forces peuvent enfin s'équilibrer.

Les beaufs comme maître du réseau est une image qui réveille la nuit les dirigeants d'entreprise. Et Michelle Blanc les incarne tous, provoquant respect et crainte à la fois.

Michelle Blanc ne tend jamais l'autre joue quand on la frappe et les exemples conservés dans le livre montrent bien que nous sommes plutôt du côté de la loi du Talion, oeil pour oeil, dent pour dent. Petits ou grands, effleurez sa joue, même par inadvertance, et vous vous s'exposer à un retour de droite immédiat. Les réseaux sociaux ont des dents, et Michelle est son pit-bull. Il n'y a que les vierges offensées pour être outrées: le milieu des affaires n'offre pas davantage de sensibleries.

Michelle démontre qu'elle peut mettre à ses genoux à peu près n'importe quelle compagnie québécoise par un simple titrage adéquat de ses billets. Si ce n'est pas l'illustration de la force des médias sociaux, je ne sais pas ce que c'est. Quant à savoir si on peut, tous, reproduire ça chez nous, c'est une autre histoire. Mais en gang, les beaux-frères peuvent réussir a obtenir ce qu'ils veulent, comme on a pu le constater récemment avec le cas du logo de Gap (la compagnie a totalement reculé dans sa volonté de changer son logo face à la pression déchaînée en ligne).

Mais, attention, Michelle y réussit, car elle a su, notons-le, partir à la conquête de ces nouveaux espaces au bon moment. Comme les magnats de l'Amérique que sont devenus ces aventuriers précoces à l'ère de la découverte du nouveau continent. Quand un territoire s'ouvre à l'exploration, les plus forts qui remportent la poche sont souvent les premiers à oser s'y aventurer. Le continent numérique ne fait pas exception. (Que les suivants doivent trimer plus dur pour y arriver est aussi une autre histoire).

Et la preuve: Michelle est là pour le dire, malgré tout ce qu'elle a traversé comme épreuves et critiques. Ça ne l'a pas tuée, au contraire, elle est plus forte.

Lancement livre «Les médias sociaux 101» (le «behind the scene»):

Les médias sociaux 101 (behind the scene)
Lien vers la vidéo sur DailyMotion

e-médiocrité et élitisme

Jean-Sébastien Marsan dans le Devoir de samedi a publié un long commentaire sur Frank Zappa et son regard critique sur Internet qu'il aurait pu avoir s'il était encore de ce monde. L'auteur semble connaître Zappa d'une façon admirable (les 3/4 du texte), mais il s'avance un peu sur la façon que le grand compositeur américain aurait réagi à l'heure de Facebook et compagnie. Vacuité en temps réel, nouvel esclavage, e-médiocrité! Sortons la règle pour taper quelques doigts...

Maître du mondeInternet comme utopie
Marsan souligne le passage des promesses révolutionnaires du web (durant les années 90) à sa récupération marchande en 2000 (la bulle techno) et e 2007 (l'année où il fixe le virage 2.0). Le web 2.0, dit-il, est «étroitement associé à un fantasme égalitaire qui postule que le citoyen, bon de nature, saura oeuvrer à l'avènement d'un monde meilleur». Il compare ni plus ni moins les chantres du «triomphalisme internet» (qu'ils situent dans la Silicon Valley) à des hippies «avec une fleur dans les cheveux» qui cherchant à révolutionner le monde.

L'image fait sourire, mais pour lui, les hippies des années 70 sont ceux qui ont abandonné leur fleur pour une cravate et ont ensuite voté pour les gouvernements de droite et leur libéralisme à tout crin dans les années 80. «L'utopie internet a surtout donné naissance à des empires commerciaux d'envergure planétaire (au premier chef Google) qui n'ont rien à f... de l'amour universel : "They're only in it for the money"» (paraphrase d'un album de Zappa qui coiffe d'ailleurs l'article dans le journal).

La e-médiocrité
Ces accents de gauche (la "traîtrise" est un "concept" typique des gens de gauche, et qui n'existe pas à droite -normal puisque ces derniers n'ont aucun objectif commun sinon du chacun-pour-soi; Madoff n'est pas un traître, juste un financier maladroit) ces accents de gauche, dis-je cachent mal un mépris pourtant élitiste que l'on retrouve normalement à droite. «Le Web 2.0 [...] démocratise aussi l'insignifiance: ces millions de blogues illisibles, de vidéos ineptes sur Yutube, d'articles superficiels signés par des amateurs dans Wikipédia...».

Oui. 146 millions de blogues existent en 2010 (source), 24 heures de vidéos sont télémontées chaque minute sur YouTube (source), et Wikipedia Français a atteint le millionième article le mois dernier (source).

Je ne sais pas si vous saisissez l'ironie, mais l'humanité s'est doté de ces outils pour communiquer; elle a démocratisé la communication et nous en voyons pour la première fois les résultats. Traiter ce contenu de médiocre revient purement et simplement à traiter de médiocre l'être humain. Internet n'a pas généré ce contenu, mais c'est bien l'humanité elle-même; Internet n'a pas pu pervertir l'humanité en si peu de temps, Internet lui a seulement donné des outils. La médiocrité de ces «messages» le précédait.

Soi peuple et tais-toi
Je n'aime pas ce genre de rhétorique antihumaniste et antidémocratique où l'élite fait porter à Internet un crime de lèse-humanité. Le bouc-émissaire était condamné d'avance. Si Marsan devait écouter tous les chuchotements de la planète, «dans la vraie vie» (voir mon billet sur cette expression), il dirait probablement la même chose: que de médiocrités portées à ses oreilles! Il n'y aura que peu de voix pour gagner son respect: normal, l'humanité aura autre chose à faire que de vouloir promouvoir je ne sais quelle utopie il souhaiterait qu'elle porte.

Je ne sais pas si Zappa aurait réellement la nausée devant le web 2.0 (et si oui, il l'aurait alors pour l'humanité dans son ensemble), mais il est clair que ce discours prend racine dans une double méconnaissance du phénomène de surabondance d'information et de démocratisation tous azimuts de la communication. Quand il écrit:

«Cet univers [...] encourage aussi le repli sur soi et de nouveaux esclavages: ces millions de gens qui se regardent vivre sur Facebook, qui draguent exclusivement sur Internet par peur d'une rencontre sentimentale tangible, qui s'expriment sur tout et sur rien, qui document leur vacuité en temps réel ou presque...»,

il montre son dédain pour ce qui émane du peuple (écrire est sacré, le mode épistolaire ne devrait servir qu'aux nobles causes) et le vécu même des individus (comme pour le téléphone et le courrier, Internet transportent les préoccupations de chacun sans jugement). Il cherche à stigmatiser et non à comprendre. Les esclaves n'écoutent plus la voix de leur maître et préfèrent se parler entre eux. L'élitisme a la fâcheuse habitude de dénigrer ce qui vient de la base, per se.

Tirer sur le messager
Inutile de passer beaucoup de temps dans les réseaux sociaux pour se rendre compte qu'ils provoquent les rencontres plutôt qu'ils ne les inhibent. Plus on est branché, plus les occasions de rencontre se multiplient «dans la vraie vie». C'est même une stratégie émergente pour contrer la tendance lourde d'atomisation et d'isolement dans la société occidentale moderne. Quel usage a-t-il fait pour que Marsan arrive à de tels constats?...

La «vacuité en temps réel» dont il parle ne représente que l'absence de sens qu'il ressent face à ces conversations qu'ils captent au hasard des clics. Je le mets au défi de s'enregistrer en continu et voir si son niveau intellectuel se maintient tout le temps. Et que dire alors de ces moments plus «futiles» où il tombera fatalement? Que ce n'est pas de mes oignons, je n'écoute pas aux portes, et que probablement la valeur est tout entière dans la relation qu'il est en train de construire ou maintenir avec la personne avec qui il dialogue.

Et que cette valeur est incommensurable et intransférable: le sous-entendu du texte soi-disant «médiocre» est probablement d'une importance d'ordre relationnel et non pas intellectuel. Dans un monde de surabondance d'information, comme dans une rue très passante, il est de plus en plus probable de capter une conversation qui ne nous est pas adressée. Tout le monde a le droit de communiquer. Personne ne vous force à écouter. Le sens ne vous était pas adressé et est probablement hors d'atteinte...

Et si vous écoutez, ayez l'esprit ouvert pour entendre ces humains qui s'échangent humblement des stratégies de vie, banales pour vous, mais ô combien humain...

Un plan numérique pour le Québec

Le numérique fait partie de notre patrimoine, de notre culture. Ou en tout cas il le deviendra obligatoirement. La communication, les produits culturels, le commerce, les réseaux sociaux sont numérisés un à un. Alors il ne faut pas le laisser entre les mains du seul marché "de la main aveugle" (fiction naïve, la dernière grandes crise nous l'a rappelé dangereusement). Alors je suis heureux de relayer l'initiative ce CommunauTique de demander un Plan Numérique pour le Québec dans un contexte où nous sommes bien avancé dans le XXIe Siècle et aucune plan clair n'existe pour nous faire rayonner.

Appel (extraits)


Nous affirmons la nécessité que le Québec se dote promptement d'un plan numérique global et ambitieux et mobilise résolument l'ensemble de ses forces vives dans sa mise en œuvre afin de relever les défis sociaux, culturels et économiques posés par la révolution sociotechnique mondiale en cours.

En se fixant comme but déclaré de faire d'Internet un bien commun au bénéfice de tous et toutes, un tel plan devrait apporter des réponses pertinentes et créatives aux questions suivantes :

-l'accès des individus, des organisations et des communautés aux réseaux et aux contenus ;

-le développement de la production, de l'offre, de l'utilisation et de l'appropriation des contenus ;

-la diversification des applications, des services et des usages ;

-la recherche et l’innovation techniques et sociales dans tous les secteurs d’activité (administration publique, industrie, commerce, économie sociale, instruction publique, santé et services sociaux, milieux communautaires, institutions démocratiques) ;

-les domaines d'expertise à soutenir prioritairement sur le plan national et international ;

-la formation en milieux scolaires, populaires et de travail dans un contexte de société de l'information et des savoirs ;

-la préservation et le développement des cultures et des savoirs ainsi que du patrimoine culturel ;

-l‘accès ouvert et le partage des données et des savoirs scientifiques

-la compétence des individus et l’innovation au sein des organisations ;

-l'identité numérique et la sécurité des individus et des organisations ;

-les places respectives des logiciels et contenus libres et propriétaires dans une perspective de biens communs ;

-la gouvernance québécoise, canadienne et internationale d'Internet, des normes techniques numériques.

Nous affirmons que la réussite des processus d'élaboration et de mise enœuvre d'un tel plan numérique québécois exige la participation et l'engagement de la totalité des acteurs sociaux, des secteurs d'activités, des segments de la population et des régions concernées.

[...]

Version complète sur Communautique

Dans la communauté YulBiz de Montréal, on avait fait circuler une pétition en forme de lettre ouverte au Premier Ministre québécois pour demander la création d'un plan numérique. Un wiki a suivi. Maintenant, CommunauTique pousse la demande plus loin. Encourageons-les!

Réseaux sociaux et affaires

Voici le premier cahier thématique mensuel du portail RézoPointZéro qui traite des «réseaux sociaux à des fins d’affaires», publié en ligne par la coopérative Innov X.0.

RézoPointZéro - Le guide des réseaux sociaux en affaires

Sur le plan du savoir-faire et de l’innovation web beaucoup a été dit, mais beaucoup reste à dire. Je vois depuis plus d'un an une tentative de la part de beaucoup d'entreprises d'«d'être sur le réseau social». Ce guide répondra probablement à certaines de leurs questions.

Est-ce bon pour eux? Que doivent-ils y faire? Comment s'adapter?

Pour les dirigeants qui cherchent à avoir un coup d'oeil de la question, écrit par des experts sur le terrain, ici au Québec, ce guide donne le ton.

J'ai donné hier une conférence aux membres de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec. Il est clair que l'intérêt est là, mais ils constatent que c'est toute une nouvelle dimension à intégrer dans leur domaine. Et ça prend du temps. Et on n'a pas toujours le temps, c'est vrai. Mais ce qui est sûr, et les gens de l'Ordre doivent sûrement être les premiers à le reconnaître, eux qui "réseautent" beaucoup, que le "networking" est puissant et que si les clients, leurs clients, se mettent à "networker", ça ne peut pas ne pas avoir d'impacts pour eux.

Dans certains cas, il y a le "first move advantage". Si c'est le cas dans votre domaine, ça vaut la peine d'explorer ces nouveaux modes de contact avec la clientèle. Au pire, il faut voir au moins si notre compétition y est et les observer de très, très, près.

Guide des réseaux en affaires
Ce guide contient plusieurs articles intéressants. J'y ai écrit sur les bases de la crédibilité sur les réseaux sociaux. D’une certaine manière, on commence tous à zéro sur Internet. Donc les critères habituels de validation de crédibilité ne s’appliquent pas (pour la majorité d'entre nous, en tout cas). Alors, comprendre comment émergent la qualité et l’autorité dans les réseaux sociaux (et la crédibilité avec le temps) devient crucial. On aura probablement l'occasion d'en reparler ici.

Voici un aperçu

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Bravo à l'équipe et à Vallier Lapierre (éditeur du portail) et Geoffroi Garon (président de la coopérative)

Je iPade, tu iPades, il iPade

Avec les autres médias, on dirait qu'il n'y a pas de problème, mais avec le iPad je ne sais pas comment nommer son usage. Je «regarde» la télévision, j'«écoute» la radio et je «lis» le journal.

Mais avec le iPad c'est tout ça à la fois. Alors comment on nomme un usage multiple? «Hier soir j'ai "utilisé" le iPad»? Et puis, si on rajoute le «surf web» et les «jeux», le iPad, vraiment multimédia, mais sans être nécessairement un outil aussi «productif» qu'un ordinateur, est un moyen de «consommer» tous les médias. «Je consomme»? Je ne compterais pas sur celle-là.

Non, le iPad est transparent. J'y regarde la télévision, j'y écoute la radio, j'y lis le journal, j'y navigue le web er j'y joue. C'est véritablement une "fenêtre sur le monde". «Hier soir, j'ai regardé par la fenêtre»...