ZEROSECONDE.COM: avril 2011 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Demain (et ce, tout de suite).

J'ai répondu à un questionnaire d'Urbania, voici les meilleurs extraits. Tongue in the cheek, comme dirait les Anglais.

4. La chose que tu méprises le plus chez un homme ? La hockeyïte aiguë.

5. Chez une femme ? La manicurïte aiguë.

6. L’époque durant laquelle tu aurais aimé vivre ? Demain (et ce, tout de suite).

8. Ton plus grand fantasme ? Trouver la formule de l’unification des quatre forces de la nature. Et ensuite, aller prendre une bière pour me reposer.

9. Ton idéal féminin ? Élément déjà coché dans ma liste : trouvée !

10. Masculin ? Un mélange d’Umberto Eco, de Peter Sloterdijk et de Jean Reno (pour muscler un peu le tout)

15. Tu peux passer 5 minutes avec une célébrité de ton choix, laquelle est-elle et que lui dis-tu ? Nietzsche, mais probablement que j’aurais besoin de plus que 5 minutes.

16. Ton premier geste au réveil ? Journal, radio, iPad, ce qui est le plus proche à ce moment.

22. Comment passeras-tu la dernière soirée du monde le 21 décembre 2012 ? À lancer à tous mes amis des rendez-vous pour le lendemain pour en parler.

24. Si tu devais déclarer ton amour pour tes lecteurs en quelques mots…


(Sur un air connu)
Moi je t'offrirai
Des billets de blogue
Venues de pays
Où on ne blogue pas
Je creuserai le web
Jusqu'après ma mort
Pour couvrir ton fils web
de posts et de tweets
Je ferai un domaine (.com)
Où le blogue sera roi
Où le blogue sera loi
Où tu seras lecteur

Ne ne te désabonne pas
Ne ne te désabonne pas
Ne ne te désabonne pas



«Facebook n'est rien de plus qu'un carnet d'adresses»

En journalisme, on dit qu'une nouvelle c'est quand un homme mord un chien, pas l'inverse.

Une brève, qui est passée inaperçue cette semaine, sur «un petit choc Web 2.0 dans le milieu du livre», a retenue mon attention. Un éditeur a lancé sur Facebook un avis de recherche d'un spécialiste de l'oeuvre de Gauvreau. Il semble que le choc consiste à ce que cet éditeur ait lancé un avis «sur internet».

Heureusement, l'article résume bien le propos de l'éditeur, M. Stéphane Berthomet: «Facebook n'est rien de plus qu'un carnet d'adresses. Je comprends que ça puisse surprendre, mais tout dépend de la rigueur avec laquelle on va sélectionner la personne, et pas du vecteur de communications. »

Il n'y a aucun mot sur ce qui cause le choc. Lancé un avis internet en 2011 peut créer un choc? Le ton sur la défensive de la réponse le laisse sous-entendre. J'adore les sous-entendus qui tiennent pour acquis un état d'esprit qui n'est pas le mien. On en apprend beaucoup.

Si au moins il avait mordu un chien et avait publié la vidéo sur Facebook pour promouvoir son prochain livre. Ça, ça aurait mérité, peut-être... un retweet.

Pour réfléchir, des billets que j'ai écris:

Power to the edge : de l'usage d'une dissémination de l'information à la périphérie de son réseau.

Post before process : des raisons de vouloir publier une information sans se soucier d'identifier son "public-cible"

Société de zombies

J'avais écrit un billet sur src.ca/triplex pour essayer de comprendre la montée des «casual games», comme les apps de Zombies sur iPhone (plus de 1000 sur le iStore) et sur Android (plus de 300). J'en reprends les principaux éléments, en me citant, car je crois qu'il est important d'en reparler.

zombiesJ'ai choisi les apps de zombies car elles offrent une image plus parlante même pour quelqu'un qui ne joue pas à de tels jeux. Je me demande si ça ne pourrait pas expliquer la fatigue cognitive que l'on peut ressentir dans une société en accélération croissante, en proie à une surabondance d'information et où le temps semble s'accélérer.

Mon hypothèse est que l’informatisation accélérée de la société dans les dernières décennies est en la cause. Ou plutôt le mimétisme informatique appliquée à toutes les petites choses de la vie.

Par exemple la gestion des tâches et des agendas s’est industrialisée: les outils de gestion personnelle du temps et des tâches se sont perfectionnés à un tel point qu'il nous faut passer beaucoup de temps pour les entretenir, pour augmenter nos performances, comme on dirait qu'on optimise un programme.

Synchronisez vos vies

Pensez seulement à la gestion de la synchronisation entre tous nos appareils ou avec nos collègues pour vos agendas. À l’époque de l’agenda papier, on était seul maître à bord. On se demande aujourd'hui qui contrôle qui.

Un des meilleurs livres sur la gestion des tâches, Getting things done (ou GTD), que l’on pourrait traduire librement par «achevez les choses», fête son dixième anniversaire. David Allen propose une méthode infaillible pour réduire la gestion du travail en une série de tâches simples à «exécuter». Mon choix de mot entre guillemets n’est pas anodin.

Paradoxe de la maîtrise de l'agenda

Maîtrisez sa géniale méthode, et vous voilà sur la voie d’une gestion sans stress, selon l’auteur. J’ai toujours été dubitatif devant de telles affirmations tant me semble insoluble ce paradoxe :

  1. Si le nombre de tâches est inférieur à mon rythme d’exécution, la liste se vide rapidement et elle ne sert à rien.
  2. Si le nombre de tâches est égal à mon rythme d’exécution, la liste reste éternellement pleine et j’en suis prisonnier.
  3. Si le nombre de tâches est supérieur à mon rythme d’exécution, la liste s’allonge exponentiellement et je suis foutu.

Saucissonner son travail, en série de tâches simples à faire, réduit l’effort cognitif équivalant à jouer un jeu de zombies. Chaque tâche, ou zombie, prise isolément n’est plus une menace : le zombie avance lentement, traîne de la patte, et un coup bien placé lui règle son compte une bonne fois pour toutes.

Nous avons tous écouté un film sur les zombies, alors nous savons pertinemment que les vrais problèmes commencent quand le nombre de zombies augmente.

Surabondance d'attaques

J'aurais pu aussi choisir d'autres exemples de jeux : les Towers Defenses où l'armée adverse avance inexorablement vers votre base par vagues de plus en plus grosses; ou les Traffic Controls (aériens, ferroviaires ou maritimes) qui envoient sans arrêt des véhicules qu'il faut orienter dans la bonne direction de façon plus en plus rapide.

Tous ces jeux, et ceux des zombies me semblent plus emblématiques que les autres, sont des jeux qui simulent des microattaques perpétuelles, sous forme de vagues de microactions à faire, toujours plus nombreux et rapides, et qui tentent de vous submerger jusqu’au K.O. final. Chaque action ne demande pas de compétence spéciale. C'est l'endurance au stress, ne pas se faire déborder, qui est vitale.

Il s'agit en fait de maîtriser la panique qui nous envahit.

Ces jeux sont de véritables exercices d’endurance au stress de notre nouveau quotidien, une façon d’apprivoiser notre vie hyperconnectée. Comment ne pas associer les vagues de courriels, les salves de SMS, tweets et autres messages Facebook à autant de zombies qui nous assaillent? Tous les moyens sont bons pour apprivoiser le stress qu’on associe à l’accélération de la vie.

Devenir zombies

Dans les films de zombies, la peur viscérale tourne toujours autour de cette notion qu’il faut éviter à tout prix de devenir un zombie aussi. Or, qu’est-ce qu’un zombie, sinon un être unidimensionnel condamné à attaquer chaque proie, sans réfléchir, de façon répétée et sans arrêt? Le tueur de zombies, en voulant se protéger, ne fait pas autre chose.

Ces «casuals games» sont des artéfacts d'une robotisation de nos vies: simplifier les tâches, les rendre «exécutables» en 2 minutes, retirer toute intelligence dans chaque minuscule action pour accélérer le processus global.

Les sports individuels sont des apprentissages à la compétition; les sports d'équipe nous forcent à développer la coopération. Les «casuals games» nous forment dans notre quotidien à recevoir un flot encore plus grand d'information et à ne pas paniquer. À accélérer et faire accélérer. Et à aimer ça.

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