ZEROSECONDE.COM: Les 5 foules (par Martin Lessard)

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Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Les 5 foules

Nicolas Carr vient de publier un billet sur les différentes "foules" en ligne: «there's not really any such thing as "The Crowd."»
A typology of crowds

"Social production crowd": composé d'un grand groupe de personnes dont leur talent spécifique sert à la création de certains produits (comme Wikipédia ou Linux).

"Averaging crowd": un groupe qui fournit son avis et qui, dans certains cas, est plus précis que le jugement d'un seul individu (prédiction de marchés d'actions, par exemple).

"Data mine crowd": un grand groupe qui par ses actions explicites en ligne produit un ensemble de données comportementales pouvant être recueillis et analysés (exemple, ceux qui nourrissent le pagerank de Google et système de recommandation d'Amazon).

"Networking crowd": un groupe basé sur système de partage de l'information (tels que le réseau téléphonique ou Facebook ou Twitter)

"Transactional crowd": un groupe dont le principale ou unique usage ponctuel est d'ordre transactionnel (les foules rassemblées par Match.com, eBay, Innocentive, LinkedIn et les concours de crowdsourcing à la Prix Netflix)
Sa liste préliminaire a le mérite de casser le mythe de «LA foule». Il y a effectivement plusieurs types de foules en fonction des types de sites. Je les reprends ici en proposant une traduction française et en ajoutant quelques commentaires:

Les 5 types de foules

La foule de co-construction: elle aime produire quelque chose ensemble (Quirky.com, Wikipédia, Google Wave). Chacune apporte une «expertise» à la réalisation d'un projet commun. [Dans mon cas, je ne le réduirais pas seulement à des faits sociaux comme Carr le laisse entendre dans son choix de mots]

La foule d'avis: elle aime donner son opinion démocratique. La somme des intentions indique soit une popularité (vote) ou une "sagesse populaire" (opinion publique), soit, elle offre des "insights" («plusieurs têtes valent mieux qu'une»). [On peut voir le graphe social résultant comme une étoile: chacun n'a pas nécessairement de lien ensemble sauf avec le noeud central --comme dans les commentaires d'un journal]

La foule comportementale: ce sont moins des opinions que des gestes. Par les choix de navigation (cliquer à gauche ou à droite?), on peut déduire des choses qui ne sont pas explicitement exprimés, mais interprétables comme telles. [Ce groupe est le considéré comme un ensemble d'objets et non de sujets]

La foule de réseautage: elle aime échanger et se retrouver ensemble. La monnaie d'échange n'est pas l'argent, mais généralement l'information (blogosphère), des objets (freecycle), ou simplement l'amitié (Facebook) ou des intérêts communs (forum). [Ce groupe recoupe essentiellement tous les autres, mais strictement parlant, ce qui est co-construit ici est la relation, le réseautage et les liens sociaux]

La foule transactionnelle: Elle est composée de pairs ad hoc. Elle transige un bien en échange d'un autre (eBay, Kijiji). [J'aurais tendance à ajouté ici le flash mob --un individu transige sa présence avec le flash mob en échange d'une participation exceptionnelle-- et chatroulette --échange au hasard-- et tout ce qui est Peer-to-peer en général].

Je ne suis pas sûr que la typologie de Carr soit si solide : networking, average et social production me semblent être des foules de co-constructions (l'objet co-construit ne diffère seulement que par sa nature --relation, opinion, savoir). Dans ce cas, il ne resterait que trois grand types: co-construction, comportemental et transactionnel. Le type de foule s'identifierait par le type de résultat, respectivement : construction, données, commerce.

5 commentaires:

vendredi, mars 05, 2010 10:02:00 p.m. François Lessard a dit...

Ah! La foule, l'ochlos! C'est dans l'air du temps, il faut croire!

J'aime bien l'idée qu'il n'y a pas UNE foule mais DES foules!! Intéressant.
De la tyrannie du flux et de l'ochlocratie numérique http://bit.ly/b2560v

samedi, mars 06, 2010 5:28:00 a.m. Anonyme a dit...

Je préfère ta version à celle de Carr, entre autres
à cause de la deuxième foule. Dans les deux cas, ça fait plaisir de discuter de notions sociologiques dans un tel contexte. Les manuels de socio décrivent les mêmes phénomènes mais avec d'autres exemples, moins parlants pour ce type de lectorat.
Comme toujours, tu fait du bon travail de collectivisation de la connaissance. Effet cric.

samedi, mars 06, 2010 10:58:00 p.m. Martin Lessard a dit...

François, on est loin du pouvoir des foules en soi (et ma foi, pour moi, ça reste encore une expression démocratique), mais si tu t'intéresses à la manipulation --la tyrannie-- il faut voir que les réseaux sont plutôt robustes (il y a une pluralité de points de vue simultanés --ce qui n'existe pas dans les médias traditionnels) mais que comme tout système il a aussi ses points de faiblesse: une petite minorité peut donné l'impression d'être plus influente. Peut-être par mimétisme social...

samedi, mars 06, 2010 11:03:00 p.m. Martin Lessard a dit...

Enkerli, par moment j'ai l'impression de réinventer la roue : mais le choix des exemples et son adaptation à la réalité du web me semblent plus importants. Je n'ai pas lu tous les manuels de socio, mais je me dis parfois qu'Internet est le plus grand terrain de jeu pour eux. Mais je ne suis pas sûr qu'ils veulent toujours jouer dans notre carré de sable --peut-être par peur de confronter leurs théories?

dimanche, mars 07, 2010 3:44:00 p.m. Rastofire a dit...

Effectivement, le réseau est un splendide bac à sable pour les SHS mais si les chercheurs ne l'ont pas suffisamment investi, c'est d'abord par méconnaissance, et c'est ensuite par manque d'outils. J'adorerai parler directement à l'API de twitter, mais je n'ai pas le temps d'apprendre le python. Je suis donc tributaire des outils que je trouve ici et là. Si un informaticien veut jouer avec moi, j'ai beaucoup d'idées de travail !

j'aime bien Carr, mais comment dire ? Je trouve que c'est un bon auteur, mais qu'il manque justement d'une culture SHS. Une typologie des foules, a priori, c'est une bonne idée, mais fonctionnent elles vraiment différement ? Est ce que ce sont même des foules ? Entre les deux trois personnes qui mettent a jour les articles sur la psychologie et celles qui s'occupent de botanique, il est possible qu'il n'y ait aucun lien ! Certes, ils sont dans le même endroit, mais ils sont engagés dans des groupes différents - si groupe il y a parce que l'on peut être longtemps seul sur un sujet sur WP

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