ZEROSECONDE.COM: janvier 2014 (par Martin Lessard)

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Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Rachat de Nest: Google veut être la dorsale de l'internet des objets

Le rachat de Nest par Google lance le signal de départ de la course à l'internet des objets.



Internet des objets regroupe de façon floue beaucoup de choses, mais on s’entend pour dire qu'il représente l'extension d'Internet à des objets connectés dans notre monde physique. C’est l’ensemble des objets qui sont munis de codes, de puces ou d’adresse web, qui se trouvent dans le vrai monde, mais qui sont connectés ensemble via internet.

L’expression Internet des objets laisse entendre que l'objet deviendra un acteur autonome de l’Internet et qu’il aura des interactions avec les autres objets et aussi avec les gens.

Le Cheval de Troie de la Domotique

Nest Labs a conçu un thermostat de cette trempe. Il est capable d'adapter automatiquement la température d'une pièce en fonction de la présence des occupants et des autres thermostats dans la maison.

C’est surtout sa simplicité d’utilisation et sa beauté esthétique qui a fait sa popularité. Il faut savoir que celui qui a fabriqué le thermostat est un ancien d’Apple, Tony Fadell, qui est à l’origine du iPod.

Le Nest est le cheval de Troie de la domotique, projet si longtemps annoncé et reporté. Pour les Échos, Google a choisi Nest car c'est la «killer App» de la maison connectée.


C'est un élément simple qui se diversifiera en se connectant avec d'autres objets connectés et en embarquant d'autres applications.
 «C’est l’inverse de la démarche des industriels de la domotique, qui effraient les clients en essayant de vendre d’emblée des systèmes complexes pour ouvrir les volets, surveiller la maison ou encore monter la température.» (source Les Échos)

Google est dans votre foyer

Il y a une suite logique pour Google.

Après ses lunettes et sa voiture sans chauffeur, qui sont aussi des objets connectés,  Google profite de la percée de Nest dans les foyers pour prendre le contrôle des flux de données de la domotique.

La Nest peut bien être une "machine apprenante", il y aura tout de même une limite. Entre alors en compte le big data.

Comme pour l’espace du mobile intelligent, la connaissance à grande échelle de Google de nos déplacements, grâce aux millions de gens qui utilisent Android, lui permet maintenant de donner la circulation en direct avec Google Maps et même prévoir nos prochains déplacements avec Google Now.



La course aux objets connectés et, surtout, à leur fédération est lancée. L'agrégateur suprême de ces nouveaux flux possèdera sur ses serveurs la pulsation vitale de la société en action.

Un signal de départ

Google vient ainsi de sécuriser un accès royal à ce qui serait peut-être la tête de pont des objets connectés dans nos foyers.

Dans l’état actuel des choses, l’Internet des objets est un champ encore fragmenté avec très peu d'interopérationalité. Comme Android et iOs, des jardins clôturés vont apparaître.  Les apps feront aussi leurs apparitions d'une manière ou d'une autre.

De nouveaux territoires émergent. De nouvelles opportunités sont en vues. Une 7e culture va jaillir.

Mais assurément, Google se met en pole position pour tout connecter.

L'âge d'or d'internet est derrière nous

Ce n'est pas moi qui le dit, mais Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique français, invité à l'émission Place de la toile.


Ce n'est pas du tout nostalgique. Je crois qu'on a vécu une période qui était difficile dans laquelle on était un groupe un peu en vase clos, de geeks, de développeurs, d'innovateurs, de créateurs de startup, de penseurs du numérique et qui pestions en gros en étant les incompris. Le petit village gaulois numérique noyé dans un océan d'ennemis, d'adversaires, de gens qui ne nous comprenaient pas. Mais quand même globalement on nous foutait un peu la paix. Quelques fois il y avait une loi Hadopi qui sortait, etc, mais globalement on faisait un peu ce qu'on voulait chez soi.» 
«J'ai tendance à penser que effectivement cet âge d'or là, dont on n'était pas du tout satisfait à l'époque, parce qu'on se disait "On est l'avenir! On est le nouveau monde", cet âge d'or là, je pense qu'il est vraiment derrière nous. Pour une raison simple: le numérique a investi la totalité, quasiment, des dimensions de la société et je dirais la quasi-totalité de la population, même si c'est de façon inégale»
L'effervescence des premières années web, qu'on pourrait faire dater la fin avec l'appropriation massive des médias sociaux par le public, a fait son temps.

Pour ne pas multiplier inutilement des dates charnières, disons que l'on pourrait faire un pont de 20 ans qui part de 1993 (sortie de Mosaïc, qui a littéralement ouvert Internet aux masses) à 2013 (sortie des révélations de Snowden sur la surveillance massive de la NSA - lire mon billet sur le sujet).

La première date est une ouverture, la seconde une fermeture.

Avec des géants du web qui maintenant entrent dans nos vies autrement que par la lucarne de notre ordinateur,  le numérique investit tous les spores de nos vies, du smartphone à l'automobile autonome et maintenant via notre thermostat et nos détecteurs de feu (en prenant l'exemple de l'achat de Nest par Google hier -- lire mon billet sur le sujet sur Triplex).

J'écrivais en 2004 "Toto, I've a feeling we're not in Kansas anymore". En 2014, il est temps de révisiter tous nos acquis, car nous sommes de l'autre côté du miroir.


Post scriptum: suite aux commentaires ci-dessous, je crois bon de préciser deux choses: 

  1. Il faut prendre l'expression "internet" dans le sens très strict "d'Internet dans les premières années du web", cette période euphorique où "tout était possible", où le web appartenait à des happy few et pouvait être créé ex-nihilo --et dont la société dans son ensemble ne percevait ni le potentiel ni la valeur. Cette période n'existe plus.
  2. Il reste de nombreuses choses à être inventées dans le numérique. Ce qu'on appelle ici «l'âge d'or» n'est qu'en fait «l'époque des bâtisseurs, des pionniers» et ne sera pas retenu sous ce vocable dans le futur quand tous ses acteurs seront morts.