ZEROSECONDE.COM: 2014 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Blogue déménagé sur Zeroseconde.com

Mon blogue est maintenant déménagé ici: http://zeroseconde.com

Veuillez changer vos signets. Merci.

Zéro Seconde a 10 ans (et déménage sur ZeroSeconde.com)

En février 2014, mon blogue a soufflé ses 10 bougies. C'est une décennie complète à observer les impacts du numérique sur nos vies, découpés en 1200 billets! Si je compte aussi ceux de Triplex (environ 250), ça fait près de 1500 billets en 10 ans!
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Source Photo: Jurvetson
Pour l'occasion, mon blogue déménage à ZeroSeconde.com. Oui, je quitte Blogspot et j'ai importé tous les billets sur Wordpress.

Je garde ce blogue-ci ouvert pour ne pas briser les liens entrants, mais il ne sera PLUS MIS À JOUR.

Tous les futurs billets seront publié à ZeroSeconde.com

Veuillez changer vos signets. Côté RSS, je vais faire une redirection et vous n'aurez rien à faire.

3 secrets pour être/devenir viral sur les médias sociaux

On me demande souvent quels sont les trucs que les gourous des médias sociaux ont pour réussir à coup sûr sur 3 grands réseaux sociaux (Twitter, Facebook et YouTube). Je vous les partage aujourd'hui!

Il est possible d’accéder à des boutons cachés si l'on connait les bonnes combinaisons de touches. Ne cherchez pas ailleurs sur le web, ces trucs sont des secrets biens gardés. Il est temps d'en faire profiter tout le monde.

Devenir le compte le plus suivi au monde 

Twitter: Le saviez-vous? Pour augmenter le nombre d'abonnés influencés sur votre compte, il est possible de les forcer à vous suivre.


Quand vous voyez le bouton "suivre", appuyez sur les touches CRTL-ALT-MAJ et *. Le bouton changera par «L'abonner à vous». Pourquoi suivre des gens? Forcez-les à vous suivre! 

Sur Facebook, vous savez que la portée organique a drastiquement baissé. Il est frustrant de savoir que nos pensées profondes ne sont plus aussi bien distribuées. Il est possible de les afficher de force sur tous les comptes.


Au moment de publier votre message, appuyez sur les touches CRTL-CMD et &. Le bouton changera par «Forcer l'affichage sur tous les murs». Aux dernières nouvelles, ça s'affichait sur 1,3 milliard de murs.

Sur YouTube, il est maintenant possible de rendre vos vidéos virales grâce à un bouton caché.


Quand vous appuyez sur CRTL-ALT-MAJ et #, un menu déroulant apparaît qui vous permet choisir le type de catégorie virale: Gangnam Style, Stop Kony, Star Wars Kid, etc

Votre stratégie médias sociaux enfin efficaces!

Faites vite, car on m'a dit que ces trucs ne marcheront plus demain.

[M2 #12] La presse et la souricière numérique (avec B. Boutot)

L'angle mort de la conférence à laquelle j’ai assisté hier aux HEC à Montréal (les modèles d’affaires de la presse quotidienne, une souricière numérique?) a été la question du lecteur. Voici ma balado M2 sur la presse et la souricière numérique, avec Bruno Boutot.


Comment penser la place de la communauté 
dans la nouvelle chaîne de valeur des médias? 
Conversation à chaud avec Bruno Boutot
après la conférence #mousetrap2503hec

Trop longtemps les quotidiens ont demandé à leur lectorat de s’adapter à eux. Pendant que sur les panels les éditeurs et annonceurs se reprochaient mutuellement un manque d’innovation, la question audience est restée vis-à-vis du point aveugle de tout ce beau monde, sauf pour Tom Rosenstiel, auteur de Elements of Journalism et directeur de l’American Press Institute. (Pour plus d'info sur la conférence, lisez mon billet sur Triplex).

Or, à côté de moi, dans la salle, Bruno Boutot trépignait de joie à chacune de ses déclarations. C'est que Rosenstiel venait de dire à la salle suspendue à ses lèvres ce que Bruno Boutot, spécialiste en économie des médias, écrit sur son blogue depuis des années.

Sur mediamachina.boutotcom.com il a observé et partagé tout ce qui marche dans et en dehors des médias; et une constante ressort: hors de la pub, il y a aussi de la vie!


Le Web n'est pas un média, mais un métamédia sur lequel tout le monde (y compris les médias) se retrouve avec les mêmes pouvoirs de création, de diffusion, d'interaction avec et entre les individus, et d'hébergement de toutes ces actions.

Mais les médias ont en même temps - à de très rares et très récentes exceptions près - complètement ignoré tout le potentiel offert par Internet pour les communications entre individus (peer to peer) et l'hébergement de ces communications: les communications créatrices de contenu et les communications commerciales.

Les médias (et le marketing) sont conçus comme des contenus "packagés" et "envoyés" à une audience. Parmi cette audience, il y a une communauté négligée que les médias pourraient mettre à profit pour les aider à faire leur métier.

La souricière numérique, en fait, sujet de la conférence au HEC, n'est qu'une illusion pour ceux qui n'ont pas saisi le changement de culture qu'il y a à faire. Bruno Boutot en connait un rayon!

Je vous partage aujourd'hui une conversation avec Bruno Boutot (MP3) que j'ai eu juste après la conférence sur les modèles d'affaires de la presse quotidienne. Bonne écoute


Bruno Boutot, spécialiste en économie des médias, ex-fondateur de Infopresse, peut être retrouvé sur Twitter (@boutotcomet ici: boutotcom.com

Pour connaître davantage les concepts de Bruno, lisez ces billets:


Voici la référence à la Une de Libé qui prétend n'être qu'un journal et dont on parle dans la balado.

Qu'est-ce que M2?


M2, c'est pour mutation au carré! car le numérique accélère comme jamais les changements dans notre société.

M2 partage des conversations autour enjeux du numérique sur des sujets de l'heure. Cette baladodiffusion propose un pont entre les savoirs des réseaux numériques, des universités, des médias et de la politique.

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Plan maître de la Stratégie Culturelle Numérique du Québec

Le ministère de la Culture et des Communications du Québec a annoncé lundi sa stratégie culturelle numérique (PDF).


Cette stratégie laisse grande place aux recommandations venues des organismes comme la CALQ et la SODEC qui ont consulté leur base pour obtenir le vrai pouls et connaître les vrais besoins.

Le cadre de cette stratégie présenté par le ministre Kotto s'appuie sur celui que j'avais développé pour le rapport de recommandations de la SODEC (PDF) auquel j'ai participé en 2011.

Je suis heureux que cette grille tienne la route si longtemps. Aussi simple qu'elle puisse paraître, elle a l'avantage d'encadrer les diverses demandes émanent des multiples rencontres qu'avait fait la SODEC et qui allaient dans tous les sens.

Dans la synthèse rédigée avec la SODEC, nous avions trois chantiers : un pour combler le retard, un pour soutenir les forces en place, et un autre pour innover pour l’avenir.

Chaque chantier était traversé des trois axes d’interventions : enrichir l’offre de contenu, accroître la visibilité des contenus et offrir des incitatifs propices au développement du numérique.

Cette grille donne les 9 priorités que l'on retrouve aujourd'hui dans la Stratégie.



Dit autrement, on peut résumer ainsi la stratégie en 2 points, qui me tiennent vraiment à coeur.
  • Soutenir ceux qui ont intégré le numérique dans leur production (mais aider aussi ceux qui ont du retard et ceux qui veulent aller plus vite que le peloton).
  • Accroître le rayonnement dans le numérique de notre production culturelle (mais aussi à la fois retourner dans le passé pour numériser nos classiques absents du réseau et encourager l'innovation débridée qui expérimente pour trouver de nouvelles voies).
Je ne peux que constater que le gouvernement a suivi la même approche et le milieu culturel québécois doit être aujourd’hui satisfait que leurs requêtes soient ainsi bien encadrées.

Un contenu culturel qui n’est ni numérisé, ni diffusé en ligne, ni accessible sur les moteurs de recherches, ni agrégé par des sites ou sur les réseaux sociaux est un contenu qui n’existe pas aux yeux des consommateurs.

Avec tout le talent qu’il y a ici au Québec, il n'y a aucune raison qu'on ne brille pas plus sur la Toile.

Pour occuper l’espace numérique: #faire et non juste #planifier

Sylvain Carle, qui a participé aux premières rencontre de la SODEC, suggère maintenant «d'innoculer de la culture des hackers pour rendre effectif ces plans, stratégies, recommandations».

Ça commence par la création d'une liste collaborative pour que les gens commencent à livrer les solutions. Pour lui, «chaque recommandation est un "bug" qu'il faut régler».

Il a tout a fait raison et sa vision rejoint la mienne. Ce niveau de détail est évidemment trop tactique pour être intégré dans le plan stratégique du ministère présenté lundi. Mais je crois que les leviers qui permettront au Québec de développer une économie du savoir basée sur la créativité passent par toute la population.

Pour commencer à s'y attaquer, je donne ici à lire les points du plan maître de la Stratégie Culturelle Numérique.

Pour l'instant, je m'en tient aux numéros qui sont dans le document en les transformant en #hashtag*. C'est un premier début: faire en sorte que tous connaissent le plan maître.

(*MISE À JOUR: Josée Plamondon dans les commentaire suggère que les hashtags ne devraient pas être par point stratégique mais par projet. Ça tombe sous le sens. Je les garde ici tout de même, plus comme référence ultérieure pour les projets, question de savoir si les futurs projets atteignaient la cible).

À nous de jouer.

(Le document stratégique originale (PDF) du Ministère de la Culture et des Communications)

#SCNQ

#A: Enrichir l’offre de contenus culturels numériques

#A1) Rendre disponible l’offre culturelle existante

#A1a Numérisation des contenus existants
Procéder à la saisie numérique des collections, archives et autres contenus culturels québécois, notamment patrimoniaux.

#A2) Soutenir la création numérique originale

#A2a Développement de nouveaux contenus numériques
Soutenir la création d’œuvres numériques inédites destinées aux plateformes numériques Web et mobiles, ainsi qu’aux écrans des espaces publics intérieurs ou extérieurs.

#A3) Favoriser les pratiques émergentes et inédites

#A3a Expérience utilisateur adaptée et augmentée
Favoriser le développement d’outils de médiation et de personnalisation des contenus selon les clientèles, afin d’enrichir l’expérience culturelle et d’inciter la participation du citoyen à l’enrichissement des contenus.

#A2b Usage du numérique à des fins de valeur ajoutée
Développer des expériences numériques mettant en valeur les contenus non numériques à l’aide d’activités afférentes et d’expositions virtuelles.

#A2c Pôles d’innovation et partenariats
Favoriser l’innovation en soutenant les pôles d’expertise et en facilitant les partenariats.

#B: Assurer la diffusion et l’accessibilité des contenus

#B1) Intégrer les logiques émergentes de demande et de multiplication des accès

#B1a Usage accru de médias sociaux et d’applications mobiles
Développer des interfaces aux contenus culturels adaptées aux dispositifs mobiles et aux médias sociaux.

#B1b Valorisation et visibilité sur les plateformes numériques
Assurer le lien des contenus culturels avec les vitrines existantes, et soutenir la valorisation des contenus dès leur création ou numérisation.

#B2) Investir l’espace culturel global avec des contenus québécois

#B2a Optimisation de la diffusion en ligne
Soutenir la diffusion en ligne des contenus culturels, notamment au Répertoire du patrimoine culturel du Québec du Ministère et à la plateforme Web de diffusion culturelle de Télé-Québec.

#B2b Web diffusion
Soutenir la diffusion Web en direct d’événements culturels.

#B2c Regroupement des initiatives
Soutenir l’agrégation et la distribution de la production culturelle.

#B2d Approvisionnement en contenus
Favorise la diffusion à l’aide d’une stratégie globale d’approvisionnement.

#B3) Encourager la collaboration entre les acteurs d’une chaîne plus intégrée

#B3a Mécanismes de financement
Étudier l’opportunité d’adapter le financement des diverses étapes de la création, de la production, de la diffusion et de la conservation de la culture.

#B3b Collaboration, partage et connectivité
Fédérer et intégrer les fonctions culturelles pour créer des initiatives numériques rassembleuses dans différents secteurs d’activité.

#C: Créer un environnement propice au développement du numérique

#C1) Adapter les outils publics d’intervention 

#C1a Révision de lois, règlements, politiques
Voir à l’adéquation de l’appareillage législatif et réglementaire à la réalité numérique.

#C2) Assurer des conditions d’exercice adaptées pour l’ensemble des milieux

#C2a Chantier sur le droit d’auteur
Créer un lieu de concertation afin de proposer des solutions visant au respect du droit d’auteur en matière de diffusion dans l’univers numérique.

#C2b Infrastructures
Soutenir la mise à niveau des équipements des lieux culturels et leur connectivité par une aide distincte du fonctionnement ainsi que le déploiement d’infrastructures de pointe qui couvre l’ensemble des régions du territoire.

#C2c Formation et mise à niveau des compétences
Appuyer le renouvellement continu de la compétence des milieux culturels.


#C3) Favoriser une culture numérique contribuant à l’économie du savoir

#C3a Recherche et innovation
Favoriser la recherche et l’innovation en matière de contenus numériques.

#C2b La culture numérique comme levier d’une société participative
Offrir des outils de médiation éducative et des espaces virtuels de regroupement d’intérêts et d’expression citoyenne. 

--
Le document stratégique originale (PDF) est ici sur le site du Ministère de la Culture et des Communications

[M2 #11] De quoi le numérique est-il le nom? (avec f.&co)

Qu'est-ce que "le"numérique ? 

Francis Gosselin et Louis-Félix Binette, de f.& co sont mes invités pour cette balado afin de commencer un nouveau cycle thématique autour de ce que devrait être ou ne pas être un plan numérique pour le Québec. #planqc

Pour écouter:

Numérique, adjectif ou nom, est-ce pareil?

Avez-vous remarqué? La révolution en cours porte maintenant le nom de numérique, après avoir porter celle ou révolution informatique ou révolution internet.

En fait, plus que l'informatique et plus que l'Internet, le numérique découle des deux à la fois et les dépasse même. Pourtant, nous sommes bien en mal de définir ce que recouvre ou non le terme de numérique. Au fond, de quoi numérique est-il le nom?

C'est le titre d'un cours billet de Francis Gosselin publié en janvier 2014. On y lit que le numérique comme phénomène autonome porte la promesse de nouvelles possibilités, de nouveaux espaces. En fait, pourquoi substantiver l'adjectif numérique ? De quoi le numérique est-il le nom, paraphraserais-je?

Ayant moi-même participé à la rédaction finale d'un rapport sur le virage numérique des industries culturelles du Québec (où numérique est un adjectif) et dont le ministre de la Culture a donné suite dans ses grandes lignes aujourd'hui même (3 mars 2014), je vois que la première Stratégie culturelle numérique québécoise (PDF) conserve le numérique aussi comme un adjectif.

Le numérique en tant que nom n'est pas quelque chose comme une entité à part.

Mais devrait-il l'être? Qu'entend-on vraiment par le numérique. À quoi peut bien ressembler tout plan numérique quel qu'il soit?

Je vous partage l'enregistrement que j'ai fait il y a 2 semaines d'une conversation que j'ai eu avec Francis Gosselin et Louis-Félix Binette à leur bureau du Vieux-Montréal autour du mot numérique et de sa culture et si éventuellement il faut un plan ou non pour baliser notre entrée dans le numérique...

Qu'est-ce que M2?

M2, c'est M au carré. M pour mutation, mutation au carré! car le numérique accélère comme jamais les changements en société.

M2 se veut des conversations autour des métamorphoses apportées par les technologies numériques. Cette baladodiffusion est un pont entre les savoirs des réseaux numériques, des universités, des médias et de la politique avec des gens qui pensent le numérique.

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[M2 #10] Fracture(s) numérique(s): de quelle division parlons-nous? (avec A. Enkerli)

Quel est le nombre de "fractures numériques" ? 

Alexandre Enkerli en voit trois. Anthropologue et geek, il décrit les divisions que l'on s'est créé avec l'apparition du numérique dans nos vies. Mais si ces fractures existent, il n'y a pas, dit-il, de "bon" ou de "mauvais" côté.


Le "virtuel" induit-il une rupture dans le "réel"?

Aujourd’hui, je vous fais rencontrer Alexandre ENKERLI. Il se définit comme un ethnographe informel avec un bagage formel en ethnographie.

Il se définit ainsi parce qu'il est un anthropologue spécialisé dans les dimensions linguistiques, culturel et social dans son champ de domaine.

Un ethnographe fait l’étude descriptive des ethnies. Et je trouve que, nous autres, nous qui nous nous intéressons au numérique, devons être considéré par lui comme une ethnie.

Il enseigne à l'Université de Corcordia au département de socio et d'anthropo.

Je l'ai invité pour cette balado à partager sa réflexion sur la notion de fracture numérique.

La vague de changement technologique que l'on vit en ce moment avait été nommée il y a 40 ans "vague post-industrielle" (A. Toffler).

Enkerli a piqué ma curiosité avec un billet qu'il a écrit sur la notion de "post" (Post-Society). Tout usage de "post", comme dans "post-industriel", laisse toujours sous-entendre que la période dans laquelle on entre est en radicale rupture avec la précédente.

Il y a une rupture s'il y a un avant et un après. C'est ce que fait le numérique, il nous semble.

Quelle est cette "vague numérique" (Enkerli nous fait remonter jusqu'aux communautés virtuelles pré-web) qui génère cette fracture? Y a-t-il un "bon côté" de la "fracture numérique" où il ferait bon être?

Liens mentionnés dans la balado:
- Pour en finir avec les natifs versus les immigrants digitaux
Visitors and Residents: A new typology for online engagement (White & Le Cornu) via Jean-Michel Salaün

Note: Avec cette balado, je termine un cycle de 1 an de balados en collaboration avec Martin Girard. Nos chemins se séparent ici. Martin Girard a fait l'enregistrement de la rencontre, j'ai fait le montage de la balado. Je continue M2 en gardant le même concept de conversations sur les mutations numériques. On se retrouve le mois prochain.

Pour écouter cette balado

Allez sur iTunes pour vous abonner à toute la série M2.

Pour écouter juste cette émission: M2 #10 :: Fracture(s) numérique(s): de quelle division parlons-nous? (Alexandre Enkerli)

Qu'est-ce que M2?

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M2 se veut des conversations autour des métamorphoses apportées par les technologies numériques. Cette baladodiffusion est un pont entre les savoirs des réseaux numériques, des universités, des médias et de la politique avec des gens qui pensent le numérique.

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Changement de cycle [3] / Deep Learning, robots et AI: à qui appartiendra l'économie de demain?

«Une économie contributive repose sur le développement des savoirs des individus, et le partage de ces savoirs est facilité par une propriété collective qui n’empêche pas sa circulation.»

Ou comment penser l'après-demain quand l'économie sera pris d'assaut par le deep learning, en éliminant comptables, vendeurs,  rédacteurs techniques, agents d'immeubles, etc...

Posté un peu plutôt aujourd'hui sur Facebook par Alain Depocas, le lien vers cette réflexion de Bernard Stiegler m'interpèle.

«Nous sommes au bout du modèle fordiste, il faut passer à un modèle contributif», dit Stiegler.
L’économie contributive est fondée sur la recapacitation : elle augmente la capacité des gens plutôt qu’elle ne la diminue. Ce terme de recapacitation s’inspire de l’approche par les capabilités d’Amartya Sen (une capabilité est un savoir – un savoir vivre, un savoir faire ou un savoir formel – partagé avec d’autres et qui constitue une communauté de savoir, Sen ayant montré que le consumérisme diminue la capabilité).
Il y a donc une utopie qui peut répondre au modèle capitaliste? Stiegler ne le dit pas dans ces termes («Je ne suis pas contre la notion de propriété, mais il ne faut pas que cette propriété empêche la valorisation collective des savoirs») mais il faut une bonne dose d'idéalisme aujourd'hui pour revendiquer les savoirs comme un bien commun.

Pas que ce n'est pas le cas, le savoir fait parti du bien commun, en théorie, mais dans les détails il y a des zones très grises (notamment au niveau du droit d'auteur).


Le modèle contributif ne lutte pas vraiment à armes égales contre l'économie triomphante. Mais Stiegler pense que son temps serait venu:
«L’économie contributive est une économie fondée sur la parité, le pair à pair. Dans cette économie, on dit souvent les initiatives émergentes ou bottom-up. Mais le bottom-up n’existe pas tout seul, il y a toujours quelque part un top-down, c’est-à-dire une organisation qui unit et valorise les dynamiques bottom up. Quand on croit qu’il y a seulement du bottom-up, c’est qu’il y a un top-down caché qui régit l’émergence. Le véritable pair, c’est celui qui est capable d’expliquer le top-down du bottom-up.»
Intéressant, non? Ce qui émerge de façon organique a besoin d'une structure top-down! Il y a donc quelque chose à bâtir. Mais pourquoi le bâtir maintenant? Parce que le temps est compté, dit Stiegler.
«Actuellement, les éléments sont réunis pour que l’automatisation passe à un nouveau stade, seuls les coûts des robots limitent sa progression. On peut penser que lorsque des acteurs comme Amazon annoncent s’y attaquer, l’écosystème industriel va se mobiliser pour produire les économies d’échelles qui rendront les robots moins coûteux que les hommes. Quand cela arrivera, le modèle fordiste sera mort. Car sans emplois, pas de pouvoir d’achat et il n’y aura plus personne pour consommer ce que les robots auront produit. On sera dans une crise majeure, violente et systémique. Si on ne change pas les règles maintenant, on aura de grandes difficultés à y faire face.»

Les compétences cognitives des emplois hérités du fordisme sont à risque


On parle souvent des bons impacts des technologies sur notre vie, mais tout changement amène aussi ses mauvais côtés.

Un économiste et un ingénieur de l’université d’Oxford ont étudié l’impact qu’auront les nouvelles technologies sur l’automatisation de 702 emplois dans les 2 prochaines décennies. La moitié (47%) de ces emplois risquent d’être remplacés par des machines.

Humanoïde.fr résume en une image les futurs gagnants et les futurs perdants.


Avec le recul, on est tous d’accord pour dire que certains emplois répétitifs sont mieux effectués par des machines et indignes de l’homme (comme l’avait si bien illustré Charlie Chaplin dans Les temps modernes).



Aujourd’hui, les technologies numériques viennent menacer des emplois qui n'auront presque plus de valeur ajoutée. Et ce sont des emplois qui pourtant demandent un effort cognitif que l'on croyait inaccessible aux robots. (L'Intelligence artificielle avait déçu de ce côté dans les dernières décennies du 20e siècle).

Regardez la liste plus haut, les comptables sont en 2e position (!!).

Je ne mettrais pas ma main au feu que cette profession va disparaître, mais si j'étais un jeune qui s'oriente vers cette carrière, je me questionnerais sérieusement sur les raisons qui ont poussées les chercheurs de prédire l'éradication totale de ce métier dans 10 ou 20 ans!

Le second souffle de l’intelligence artificielle 

L’alignement des astres technologiques (réseaux, mobiles, « Big Data ») entre en conjoncture avec la montée en puissance des ordinateurs et un marché de plusieurs milliards de dollars. L'intelligence artificielle sort des laboratoires et  trouve écho sur le marché, grâce au "deep learning".

Le deep learning, l’apprentissage par représentations profondes, part du postulat connexioniste, celui qui suppose qu’un ensemble de noeuds connectés en réseau peut simuler la façon dont le cerveau apprend par lui-même.

Par essais et erreurs, à force de répétition, un patron de connexions entre noeuds finit par émerger pour représenter des abstractions.

Avec la montée fulgurante des médias sociaux dans la dernière décennie et la déferlante des objets connectés annoncée pour la prochaine, il y a un corpus de contenus à interpréter proprement astronomique, qui peut alimenter en continu des algorithmes qui n’attendent que ça pour s’améliorer.

Le deep learning se nourrit du «Big Data».


Les robots et la technologie numérique seront meilleurs à tout ce qui demande de suivre des règles et qui est routinier.

Les humains, nous, nous sommes meilleurs à diriger et à diagnostiquer. Ce qu’il faut retenir de cette étude (à prendre avec des pincettes, comme toujours), c'est qu’il ne fait pas bon de se tenir sur le chemin des robots, surtout si votre emploi ne demande pas de votre jugement.

Dirigez votre carrière vers autre chose que de la manipulation d’objets, de chiffres ou de mots ou tout travail de routine et dirigez-vous plus vers des emplois qui demandent de la jugeote, de la réflexion et de l’analyse.

Une économie contributive, comme le suggère Stiegler, serait une réponse possible.

Dans les commentaires sur Facebook, Gregory Chatonsky soulève un doute: «Penser que le modèle contributif noétique peut remplacer la consommation libidinale»? Hum.

Et si cette utopie servait le système en place? insiste-t-il.
«[...] cela peut sembler étonnant au premier abord, [mais] il me semble qu'il y a un continuum entre le capitalisme contemporain dans sa captation existentielle (le web 2.0) et le contributif en ce qu'il exige un investissement de chacun et une intériorisation de la fonction capitaliste. Je doute que le contributif modifie la concentration du capital, bien au contraire cette concentration peut fort bien utiliser cette nouvelle force de travail.»
OK. Il est temps alors de commencer la réflexion. #planqc

Images via Alain Depocas

À lire sur Zéro Seconde:
Changement de cycle [1]: Élites hors circuit numérique
Changement de cycle [2] / Élites? Quelles élites?

À lire sur Triplex:
L’apprentissage neuronal pour structurer le monde
Le Graal de l’Internet des objets et des médias sociaux

Rachat de Nest: Google veut être la dorsale de l'internet des objets

Le rachat de Nest par Google lance le signal de départ de la course à l'internet des objets.



Internet des objets regroupe de façon floue beaucoup de choses, mais on s’entend pour dire qu'il représente l'extension d'Internet à des objets connectés dans notre monde physique. C’est l’ensemble des objets qui sont munis de codes, de puces ou d’adresse web, qui se trouvent dans le vrai monde, mais qui sont connectés ensemble via internet.

L’expression Internet des objets laisse entendre que l'objet deviendra un acteur autonome de l’Internet et qu’il aura des interactions avec les autres objets et aussi avec les gens.

Le Cheval de Troie de la Domotique

Nest Labs a conçu un thermostat de cette trempe. Il est capable d'adapter automatiquement la température d'une pièce en fonction de la présence des occupants et des autres thermostats dans la maison.

C’est surtout sa simplicité d’utilisation et sa beauté esthétique qui a fait sa popularité. Il faut savoir que celui qui a fabriqué le thermostat est un ancien d’Apple, Tony Fadell, qui est à l’origine du iPod.

Le Nest est le cheval de Troie de la domotique, projet si longtemps annoncé et reporté. Pour les Échos, Google a choisi Nest car c'est la «killer App» de la maison connectée.


C'est un élément simple qui se diversifiera en se connectant avec d'autres objets connectés et en embarquant d'autres applications.
 «C’est l’inverse de la démarche des industriels de la domotique, qui effraient les clients en essayant de vendre d’emblée des systèmes complexes pour ouvrir les volets, surveiller la maison ou encore monter la température.» (source Les Échos)

Google est dans votre foyer

Il y a une suite logique pour Google.

Après ses lunettes et sa voiture sans chauffeur, qui sont aussi des objets connectés,  Google profite de la percée de Nest dans les foyers pour prendre le contrôle des flux de données de la domotique.

La Nest peut bien être une "machine apprenante", il y aura tout de même une limite. Entre alors en compte le big data.

Comme pour l’espace du mobile intelligent, la connaissance à grande échelle de Google de nos déplacements, grâce aux millions de gens qui utilisent Android, lui permet maintenant de donner la circulation en direct avec Google Maps et même prévoir nos prochains déplacements avec Google Now.



La course aux objets connectés et, surtout, à leur fédération est lancée. L'agrégateur suprême de ces nouveaux flux possèdera sur ses serveurs la pulsation vitale de la société en action.

Un signal de départ

Google vient ainsi de sécuriser un accès royal à ce qui serait peut-être la tête de pont des objets connectés dans nos foyers.

Dans l’état actuel des choses, l’Internet des objets est un champ encore fragmenté avec très peu d'interopérationalité. Comme Android et iOs, des jardins clôturés vont apparaître.  Les apps feront aussi leurs apparitions d'une manière ou d'une autre.

De nouveaux territoires émergent. De nouvelles opportunités sont en vues. Une 7e culture va jaillir.

Mais assurément, Google se met en pole position pour tout connecter.

L'âge d'or d'internet est derrière nous

Ce n'est pas moi qui le dit, mais Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique français, invité à l'émission Place de la toile.


Ce n'est pas du tout nostalgique. Je crois qu'on a vécu une période qui était difficile dans laquelle on était un groupe un peu en vase clos, de geeks, de développeurs, d'innovateurs, de créateurs de startup, de penseurs du numérique et qui pestions en gros en étant les incompris. Le petit village gaulois numérique noyé dans un océan d'ennemis, d'adversaires, de gens qui ne nous comprenaient pas. Mais quand même globalement on nous foutait un peu la paix. Quelques fois il y avait une loi Hadopi qui sortait, etc, mais globalement on faisait un peu ce qu'on voulait chez soi.» 
«J'ai tendance à penser que effectivement cet âge d'or là, dont on n'était pas du tout satisfait à l'époque, parce qu'on se disait "On est l'avenir! On est le nouveau monde", cet âge d'or là, je pense qu'il est vraiment derrière nous. Pour une raison simple: le numérique a investi la totalité, quasiment, des dimensions de la société et je dirais la quasi-totalité de la population, même si c'est de façon inégale»
L'effervescence des premières années web, qu'on pourrait faire dater la fin avec l'appropriation massive des médias sociaux par le public, a fait son temps.

Pour ne pas multiplier inutilement des dates charnières, disons que l'on pourrait faire un pont de 20 ans qui part de 1993 (sortie de Mosaïc, qui a littéralement ouvert Internet aux masses) à 2013 (sortie des révélations de Snowden sur la surveillance massive de la NSA - lire mon billet sur le sujet).

La première date est une ouverture, la seconde une fermeture.

Avec des géants du web qui maintenant entrent dans nos vies autrement que par la lucarne de notre ordinateur,  le numérique investit tous les spores de nos vies, du smartphone à l'automobile autonome et maintenant via notre thermostat et nos détecteurs de feu (en prenant l'exemple de l'achat de Nest par Google hier -- lire mon billet sur le sujet sur Triplex).

J'écrivais en 2004 "Toto, I've a feeling we're not in Kansas anymore". En 2014, il est temps de révisiter tous nos acquis, car nous sommes de l'autre côté du miroir.


Post scriptum: suite aux commentaires ci-dessous, je crois bon de préciser deux choses: 

  1. Il faut prendre l'expression "internet" dans le sens très strict "d'Internet dans les premières années du web", cette période euphorique où "tout était possible", où le web appartenait à des happy few et pouvait être créé ex-nihilo --et dont la société dans son ensemble ne percevait ni le potentiel ni la valeur. Cette période n'existe plus.
  2. Il reste de nombreuses choses à être inventées dans le numérique. Ce qu'on appelle ici «l'âge d'or» n'est qu'en fait «l'époque des bâtisseurs, des pionniers» et ne sera pas retenu sous ce vocable dans le futur quand tous ses acteurs seront morts.