ZEROSECONDE.COM: décembre 2005 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

23:59:60

Seconde intercalaireCeux qui ont la chance de faire le décompte du nouvel an sur le méridien de Greenwich devront compter une seconde de plus: 5,4,3,2,1,1,0 !

Une seconde intercalaire est un saut de seconde pour ajuster une seconde du temps universel coordonné (UTC) pour qu'il reste à moins de 0,9 seconde du temps universel (UT) défini par l'orientation de la Terre. (voir wikipedia:seconde_interaclaire).

Cette année une seconde intercalaire sera rajoutée le 31 décembre. Pour en savoir plus

Ce soir, à minuit en temps universel (Greenwich) ou 19h00 (heure de Montréal car la seconde est ajoutée globalement, d'un coup) la seconde suivant 23:59:59 sera marquée 23:59:60 qui elle même sera suivie de 00:00:00 en date du lendemain.

Donc, aujourd'hui, 31 décembre 2005, c'est une journée de 86401 secondes au lieu des 86400 habituelles.

(source de l'image)

Catégorie reloaded

Il semble y avoir une corrélation entre la longueur d'un billet et le nombre de commentaires rattachés, remarque Laurent Gloaguen suite à mon billet d'hier sur les "catégories" de blogs...

"Intuitivement, plus un article est long, moins de lecteurs prennent le temps de le lire au complet (...) un article long met plus de pression sur le lecteur, qui estimerait que s'il doit commenter alors il serait obligé de développer sa réponse en un temps proportionnellement équivalent au temps que l'auteur aurait mis à rédiger son article. D'où découragement." précise Houssein Ben-Ameur.

Houssein a alors voulu vérifier empiriquement son hypothèse pour son Hou-Hou blog.

Hou-Hou Blog : ratio Billet-Commentaire

(graphique original tirée de Hou-Hou Blog)

Pour Houssein la conclusion est : "la taille optimale des articles sur mon blog se situe entre 3000 et 4000 caractères. Ces articles sont susceptibles de recueillir le maximum de commentaires."

Il existe donc une corrélation entre la longueur d'un billet et le nombre de commentaires laissés, mais pas nécessairement que les billets les plus courts en ont davantage (il faudrait augmenter l'échantillonnage pour vérifier ça).

Mais je crois que l'on peut affirmer sans trop se tromper que chaque blog possède son propre plateau, une taille optimale du billet, qui attire un maximum de commentaires.

Il faut donc que je revois la notion de catégorie dont je parlais hier à la lumière des commentaires et des billets à ce propos. Le ratio du rapport billets/commentaires commentaires/billet (merci Marc) me semble une bonne façon de mieux distribuer les blogs en écrivant seulement le ratio...

Embrun serait de catégorie +5.6
Hou-Hou Blog serait de catégorie +4.7
Alex Lauzon serait de catégorie +4.4
Tim Berner- Lee serait, lui ;-), de catégorie +227.5

Quelqu'un avec un taux négatif inférieur à 1 (merci Houssein) aurait plus de billets que de commentaires...

Mmm. Quel plaisir de réintroduire de la compétition dans la blogosphère ;-)

Mais le plateau de la taille idéale du billet pour recevoir nombre maximal de commentaires me semble une donnée plus intéressante à développer, car elle permet de mieux comparer les blogs similaires...

Tim Berners-Lee ouvre son blog

Tim Berners-Lee (l'inventeur du web) a ouvert son propre blog: "So I have a blog" est son premier post et il a reçu 455 commentaires d'un coup.

Commentaires qu'il a fermé aussitôt pour éviter de crouler sous le poids des "remerciements". C'est qu'il est resté humble :

"I just played my part. I built on the work of others -- the Internet, invented 20 years before the web, by Vint Cerf and Bob Kahn and colleagues, for example, and hypertext, a word coined by Ted Nelson for an idea of links which was already implemented in many non-networked systems. I just put these technologies together.

(...) So thanks for all the support, no need for more general 'thank you' comments! "

L'avalanche de commentaires me fait dire que l'on peut classer les blogueurs en 3 catégories:

A. ceux qui ont un nombre de billet inférieur au nombre de commentaire
(billets<commentaires)
B. ceux qui ont un nombre de billet sensiblement égale au nombre de commentaire
(billets=commentaires)
C. ceux qui ont un nombre de billet supérieur au nombre de commentaire
(billets>commentaires)


Tim Berners-Lee et tous les blogueurs vedettes sont sans aucun doute dans la catégorie A.

La majorité des blogueurs sont dans les catégories B ou C.

La catégorie A, visiblement, entretient des similitudes avec le forum où souvent les commentateurs se mettent à se répondre les uns les autres, particulièrement si le nombre de commentaires excède par des facteurs de 3 , 7 ou 10 le nombre de billet (pensons à Boing Boing).

La catégorie B doit être un plateau que plusieurs blogueurs recherchent afin de possèder le souffle salvateur pour continuer à entretenir la flamme.

La catégorie C est l'apanage des blogues qui n'ont pas encore trouvé leur "voie" auprès d'un public. Ou que leur "voix" n'a pas encore été ajusté pour susciter la "conversation"...

(maj: voir aussi le billet suivant sur le même thème)

Internet est un amplificateur de phénomène

Internet est un amplificateur de phénomène"Internet risque d’amplifier certaines tendances individualistes. La tendance à faire des choses de chez soi, séparé physiquement des autres. Internet, c’est tout faire, mais chez soi. La technique, c’est ça, jusqu’au fantasme de la sexualité.

Si notre société se replie de plus en plus sur son individualisme, Internet sera l’amplificateur de ce phénomène. Si la société maintient la diversité des rapports, des mouvements collectifs, Internet sera un mode de possibilité pour cela aussi.
"

C'était Philippe Breton en 1996 (oui, oui 1996) (via Emmanuel Parody). Internet est un amplificateur de phénomène, pas un créateur de phénomène.

Philippe Breton est chercheur au CNRS et l'auteur de nombreux livres sur la communication dont le célèbre Explosion de la communication avec Serge Proulx.

Distinction entre information et connaissance

"[...] je [Philippe Breton] propose de faire une distinction entre information et connaissance non pour les opposer mais pour retrouver ce que l’on a un peu perdu en France, l’objectivité de l’information.

On a besoin de l’information mais la connaissance, c’est autre chose, dotée de propriétés singulières.

L’information est détachable, transportable facilement. La connaissance n’est rien tant qu’elle n’a rien changé chez celui qui la porte, c’est ce qui vous transforme. La connaissance relève d’un désir et plus d’une médiation humaine là où l’information a un auditoire universel.

Accès à l'information

Si je conçois bien mon information un Chinois de la campagne peut se l’approprier. Ma critique porte sur le discours qui dit : « en accédant aux banques de données vous aurez accès au savoir ». En accédant aux banques de données, on a accès à de l’information et je trouve ça précieux.

Dans la connaissance il y a quelque chose de l’ordre de la transmission individuelle, de l’acte intérieur, d’un certain rapport à l’ignorance. Il y a un rapport paradoxal à l’ignorance, il faut à la fois l’accepter et la refuser. C’est ce qui nous donne le désir de savoir et que l’on n’a pas avec l’information.

L’information il faut l’avoir, c’est un domaine toujours positif. Internet me donne accès à la connaissance lorsque je discute avec un collègue. Internet est un outil supplémentaire pour transporter la parole.

Je me refuse à dire qu’Internet va permettre de résoudre l’inégalité d’accès aux connaissances parce que cela donne accès aux banques de données et à l’information. Il y a escroquerie intellectuelle.

Accès à la connaissance

On ne résoudra pas les problèmes d’inégalité scolaire en branchant les jeunes sur Internet. Il va se passer ce qui c’est toujours passé, ceux qui ont un désir de connaissances, ceux qui sont soutenus chez eux vont profiter très largement de cet outil formidable. Ceux qui sont coincés chez eux et qui ont un rapport fermé à la connaissance, on pourrait les mettre devant la connaissance entière du monde cela ne changera rien."

Source (les intertitres et les sauts de paragraphes sont de moi)
Mediametrie montrait récemment que la blogosphère Française était peuplée à 82% de "jeunes" de 24 ans et moins. L'appropriation de l'outil ne change pas la personne. c'est utilisation de l'outil qui est changé selon la personne. À partir de là, ce n'est pas étonnant qu'il existe une "skyblogshère".

Le phénomène des blogs en cours ne serait pas une révolution, une coupure, mais une appropriation en masse d'un nouvel outil de communication. Le vecteur porteur sous-jacent serait déjà présent dans la société: les gens veulent communiquer. Ce qu'ils communiquent est autre chose (voir le commentaire d'Aymeric pour un de mes précédents billets). Chacun commente ce qu'il veut du spectacle du monde...

Je crois que si révolution il y a, c'est seulement si cette appropriation en masse de l'outil fera basculer les équilibres existants par la prise de parole de gens qui n'avaient pas voix au chapitre. "L'exercice de la parole est la matrice de la démocratie" disait Breton. Pourrions-nous aussi transmettre un désir de connaissance ?...

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Autres liens pour découvrir Philippe Breton sur le web (rien de très récent par contre):

Entretien avec Philippe Breton de Peter Szendy dans Résonance n° 10, mai 1996, sur le serveur Ircam du centre Pompidou.

Ph. Breton, "Individualisme et démocratie : une origine commune ?", dans Regards n° 44, mars 1999

Ph. Breton, "Internet : village planétaire ou tour de Babel ?", conférence à l'Institut d'informatique, Namur, Belgique, février 1996

Ph. Breton, "Nous devons laïciser internet", dans Le Monde daté du 29 novembre 2000

Ph. Breton, "Le culte d'Internet", dans Le Monde diplomatique, octobre 2000 et un commentaire de Eric Dupin, journaliste à «Libération». (English version available here: Wired to the counterculture)

Ph. Breton, Les dérives d’internet, chronique publiée dans La Marseillaise du jeudi 29 mars 2001.

Compte rendu de La parole manipulée, de Philippe Breton, Editions La découverte / Essais, 1997

Internet constitue potentiellement une menace pour le lien social sur RU3.org

Regards sur la société de l'information (1996) Interviews de Philippe Breton, Joël de Rosney, Jacques Neirynck, Pierre Lévy, et Alain Touraine.

Le philosophe et le sociologue croisent le fer, Philippe Breton et Pierre Lévy, Web Net Museum 2001 (d'où est tiré aussi l'image en haut de mon billet)

Perfil biográfico en espanol

La blogosphère nue

Le tiers de la blogosphère Française, selon Mediametrie, serait composée de jeunes âgés entre 11 et 15 ans (35%). (voir mon précédent billet)

82% des bloggueurs n'auraient même pas 25 ans. 8% seulement ont au dessus de 35 ans.

La blogosphère Française ne serait qu'une immense cours d'école où on assisterait à la récré en direct par RSS? L'immense majorité des blogs sur skyblog (la cours de récré) n'aurait qu'un lecteur en moyenne. La blogosphère transige majoritairement des photos-portables, des mp3 et des borborygmes d'ados codés en sms...



Une certaine euphorie se dégonfle.

Vraiment? Non.

Disons que l'inflation des chiffres se dégonfle. La suprématie du nombre n'est qu'un vecteur quantitatif. Si on devait juger le téléphone à l'usage que l'on en fait, aucune entreprise, aucune personne sérieuse ne l'utiliserait : je plains les espions que Bush a mandatés pour taper les lignes d'écoute du monde ordinaire.

C'est le vecteur qualitatif qu'il faut évaluer. N'oublions pas que ça donne tout de même 400 000 blogs de "vieux". Il doit bien y avoir de la qualité là-dedans... (et même parmi les "jeunes", aussi*).

La blogosphère n'est pas un média à 2 000 000 canaux. C'est un percolateur. La percolation, via le RSS, le trackback, les liens pointeurs, permet de faire remonter le meilleur.

Il faut relire "Comment le carnet stimule la qualité" (chapitre 3 de La cognitique personnelle en ligne et son utilisation en recherche de Sébastien Paquet).

"Au fil de leurs lectures, les carnetiers sélectionnent avec soin l'objet de leurs hyperliens et choisissent inévitablement les plus intéressants. Les textes qui ont été le plus souvent référencés obtiennent bien sûr plus de visibilité. Mais le phénomène est amplifié par les moteurs de recherche tels que Google, qui classe les pages Web selon le nombre de pages qui pointent vers elles. En conséquence, lorsque l'internaute lance une recherche sur un terme, les pages qui se classent au premier rang sont celles qui sont considérées comme étant les mieux documentées et les plus pertinentes par la grande communauté des rédacteurs. "

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Lectures supplémentaires
Conseils aux ado-bloggeurs (via Opossum)
Le spectacle du monde (pour connaître mon point de vue sur ce qui est "sérieux" ou "léger")
Qui Bloggue? Un point de vue de Olivier Ertzscheid
Blogo-marginale? Un commentaire de Miss Tics
Blogging thoughts: personal publication as a research tool (pdf) de Torill Mortensen et Jill Walker
*Mise à jour : voici un exemple de blog de "jeune" de qualité :
Ninou et la quête du Sacré Web (lire son billet : Je suis bloginal à propos de la blogosphère décrite par Mediamétrie

Coup de jeune dans la blogosphère française

Mediametrie sort sa premiere étude sur les blogs: La blogosphère en ébullition (communiqué en pdf et interview video de F.X. Hussherr, en charge de l'Internet chez Médiamétrie, sur le site de Loïc Le Meur.

Voici les chiffres (les données s'entendent pour la France seulement):

- 3/4 des internautes savent ce qu'est un blog (9 sur 10 de 15-24 ans les connaissent.)

- les blogs sont consultés par 3 internautes sur 10, soit 6,7 millions d'internautes, (28% des internautes français.)

- 1/10 des internautes français a déjà créé un blog, soit 2 271 000 internautes (9,3% des internautes français.)

- 82% des bloggeurs français ont moins de 24 ans (35% ont entre 11 et 15 ans)

La plateforme blogue la plus consultée ? Skyblog (avec 17,5% des internautes).

Comme un (jeune) commentateur l'a écrit sur le site de Le Meur: dans le jargon des ados, on dit : "t'as un skyblog?" et non un blog.

Ce qui fait dire à un autre commentateur : "Maintenant qu'ils "savent" ce que c'est, ils pensent tous que j'ai un journal intime en ligne avec un pseudo et que j'y raconte mes vacances..." Alors que son blog en est un corporatif...

Bonne nouvelle?

Olivier Ertzscheid pose le bon diagnostic, appuyé par Miss Tics, en écrivant : "Avec ces chiffres, on est (bien bien) loin d'une blogosphère idéale, relais du débat public, média alternatif et/ou complémentaire, creuset de discours émergents. "

Une autre donnée intéressante de Médiametrie: le nombre moyen de lecteurs par plateforme blog qui donne à Skyblogs, en moyenne, ... 1 lecteur.

Olivier ajoute alors : notez " que pour ce public, le blog n'est donc, en termes de médias, qu'une sorte d'e-mail enrichi (one to one)."

J'écrivais en février dernier que publier un billet sur un blogue pourrait être considéré comme un message à tous. Ou plus précisément un message à qui de droit. On écrit un "courriel" à qui cela peut intéresser, sur un Dazibao numérique.

La culture autobiographique

Olivier se demande "s'il s'agit là d'une spécificité française"...

En Allemagne, selon Der Spigel, 12% des internautes ont un blog mais seulement 4% affirment lire régulièrement un blog (via Crossing the channel.) Ce qui fait dire à certain qu'il y a plus de blogueurs que de lecteurs. La blogosphère allemande, de toute évidence, s'alimente à l'extérieur pour rester en vie...

On compare souvent les blogs à des journaux intimes, dans une tradition catholique de l'autobiographie, en ligne direct avec la Rome antique ("De propria sua vita"), avec un strict mandat de présenter sa vie comme un tout et comme un leg aux générations futures, selon Jill Walker dans son "Mirrors and Shadows: The Digital Aestheticisation of Oneself" (PDF) (page 6).

Les blogueurs aujourd'hui, comme ces "djeunes" de moins de 24 ans qui "skybloguent", écrivent leur coup de gueule, publient leurs photos et, surtout, ils s'écrivent eux-mêmes. Ils ne laissent plus les autres les représenter, selon Jill. Ils prennent contrôle de la représentation de leur propre vie, ce que les masses média contrôlés par les plus de 24 ans n'ont jamais encouragés...

La culture d'échange

Le "knowledge blogging" serait donc restreint à une minorité, (des "vieux" de 24 ans et plus ;-), plus intéressé à exposer leurs idées (à jouer avec l'agenda setting) qu'à gérer leur image- dans- le- monde. Par essence, ces blogs ont une plus grande longévité, mais il faut se demander si le vivier, la blogosphère restante (ces 18% de "vieux" qui bloguent), est suffisamment fertile pour entretenir longtemps le souffle qui anime les blogueurs de la francophonie...

Ça passe, pour la francophonie, par la maîtrise des engins de recherche et des serveurs de notifications dédiés à notre sphère, afin d'accélérer la boucle de rétroaction essentielle à toute échange mais aussi de filtrer adéquatement la qualité des échanges...

Pourquoi les américains de la classe moyenne votent comme les riches?

Dans un pays aussi inégalitaire et divisé socialement que les États-Unis, pourquoi voit-on des présidents de droite, riches et arrogants, contrôler la Maison Blanche et favoriser les riches au détriment des pauvres?

Vu de l'extérieur, il est difficile de comprendre pourquoi ce peuple réélit un président qui ne leur veux pas du bien, économiquement parlant.

Je suis retombé sur un article en faisant le ménage ce soir (ah! il n'y a pas que des inconvénients à faire le ménage). C'est celui de David Brooks, paru dans le New York Times du dimanche 12 janvier 2003 (p.wk15) : Why middle-class Americains vote like rich people.

Je le citais à mon ami Doum depuis quelques années sans me rappeler la source. En relisant je comprends pourquoi j'ai conservé l'article dans mon press-book : ça décille les yeux! De la Démocratie en Amérique, version Tocqueville 2000...

Le top 1 % des plus riches
Le sondage le plus intéressant que l'auteur cite est celui du Time Magazine, accrochez vous : quand on pose la question aux gens s'ils font parti du top 1% des plus riches, 19% répondent affirmatif. Et un autre 20% pensent qu'ils y seront un jour, au courant de leur vie.

J'hallucine.

Donc, si vous êtes vite en arithmétique, dès le départ, on se retrouve avec 40% d'Américains qui ont pensé que quand le parti des démocrates propose de saborder le plan des républicains qui cherche à favoriser le top 1% (avec le estate tax), ils se sentent directement concernés. Trente-neuf pourcent ont tort, pourtant. Mais le vote est comptabilisé dans le mauvais camp.

Le peuple vote selon son aspiration économique
Pas selon leur classe sociale. L'Amérique étant une culture d'abondance, le rêve américain leur fait miroité qu'au-delà de l'horizon, dans la ville d'à coté, dans la prochaine job, l'opportunité sera là, à attendre. Personne n'est pauvre, dit Brooks, tout le monde est "pré-riche".

Les médias (magazine, télé, etc) présentent abondamment ces riches que tous veulent côtoyer un jour. Quand les démocrates parlent de prendre aux riches pour donner aux pauvres, c'est le rêve américain qui est directement touché.

Les différences de revenus n'est pas un enjeu en Amérique
Vivre avec 125 000$ à Manhattan, entouré de ces choses que l'on ne peut pas se payer, ces richesses ostentatoires et inabordables, crée un sentiment de manque perpétuel. Mais la classe moyenne n'est pas dans cette situation, précise Brooks, elle n'est pas constamment sollicitée par des concessionnaires Lexus à chaque coin de rue, ces restaurants hors-prix, et autres chasse-gardés des riches.

La classe moyenne peut se payer tout se qui se trouve au Wal-Mart. Les restos du coin sont à leur niveau. Dans leur milieu, il est même mal vu de se parader avec une jaguar ou d'avoir son cuisinier personnel. Alors ils ne sont pas confrontés avec ces réalités. Ils ne vivent pas ce cruel sentiment de ne pas avoir ce que l'autre semble posséder aisément. Manhattan et ces autres points de contact avec ce top 1 % sont rares. L'américain moyen vit dans des villes normales comme Nashville.

Les Américains admirent les riches
Brooks raconte qu'à Nashville la famille la plus riche, les Frists, est admirée pour son entrepreneurship et son apport à la communauté. S'ils le pouvaient, ils les éliraient au Sénat. Et c'est ce qu'ils ont fait.

Tant que les riches "restent simples", ils sont admirés. Ce que la classe moyenne n'aime pas ce sont ces journalistes, ces académiciens ou l'élite culturelle qui regardent leur culture de haut. Bush Junior peut couper les taxes pour les riches et apparaître le lendemain dans un centre d'achat de banlieue et manger un hamburger au ketchup. Il s'y trouverait comme un poison poisson dans l'eau. Barbara Streisand, qui a dénoncé ces coupures, ne peut pas en dire autant.

Classes sociales, quelles classes sociales?
La raison la plus importante selon Brooks c'est que les Américains ne voient pas la société comme une pyramide à plusieurs étages, avec les riches sur le dessus, la classe-moyenne au centre et les classes laborieuses en dessous. La catégorisation de Marx n'a jamais été transmise jusqu'à eux.

Non, la société américaine, et Brooks donne une belle métaphore, est une énorme cafétéria d'école où les communautés sont assis chacun à leur table. La mienne ici, la leur là-bas. Chaque communauté est convaincu que la sienne est la plus agréable à vivre et que l'autre là-bas, à Manhattan ou à L.A., fait pitié avec tout son argent, sans amis ni de temps à eux.

S'il n'y a pas de classes, il ne peut y avoir de redistribution de la richesse. Il ne faut surtout pas les empêcher de devenir riche...

Liens en vrac (2)

Quand Del.icio.us et bloglines tombent down en même temps, c'est comme si on m'avait retiré la mémoire.

Voici une liste de liens que je cherche à conserver, puisque je ne peux pas les sauver ailleurs:

Daily Motion

On connaissait Flickr, le site de partage, de rangement, de tagging de photos en ligne, voici Daily Motion, la même chose mais pour la vidéo

Daily Motion (Watch, Publish, Share), comme son nom l'indique, est fait par des Français. C'est beau, c'est simple et ça marche. (via MediaTIC)...

Il y a beaucoup de francophones qui y ont téléchargé leurs vidéos (ça fait du bien d'entendre parler français dans des vidéos sur le web) surtout des artistes (en herbe ou non) avec des vidéo-clips maison.

Mes vidéos préférés à voir:
-Septimus avec son rigolo Robert et son sympa Sur la tapis (que je m'écoute en boucle depuis le début de la soirée).
-Mignon: Brosse de Ludo (pour l'accent québécois et la bette du bebé).

Je rêve de voir un tel site décoller et servir de relais à l'actualité où des centaines de gens filmeraient ce qui s'est passé dans leur coin de monde. Un "no-comment" d'Euronews bottom-up en quelque sorte...

(lien vers le blog de Daily Motion)

Les blogs et l'agenda setting

En 1972, McCombs et Shaw ont inventé le terme "agenda setting" pour décrire la fonction des médias de masses qui "exercent un effet considérable sur la formation de l'opinion publique, en attirant l'attention de l'audience sur certains évènements et en négligeant d'autres. L'agenda setting "n'est pas de dire aux gens ce qu'ils doivent penser mais sur quoi ils doivent concentrer leur attention". (source)

Les théoriciens de la communication assumaient alors une coupe franche entre l'état de journaliste et l'état de lecteur.

Cette séparation ne tient plus depuis l'arrivée des blogues.

La nouvelle donne
Une fonction significative du blogue consiste à attirer l'attention de l'audience sur certains sujets et, conséquemment, d'en passer d'autres sous silence . C'est à dire de structurer (même inconsciemment) une hiérarchie des sujets qui crée l'actualité. Par actualité, on peut aussi entendre rendre actuel un sujet même "ancien".

La blogosphère est un percolateur de "sujets d'actualité" .

Dans un article (Agenda setting, opinion leadership, and the world of Web logs) du First Monday (numéro du mois de décembre 2005), Aaron Delwiche (citant Chaffee and Metzger The End of mass Communication? 2001) apporte de l'eau au moulin à cette idée:
“the key problem for agenda-setting theory will change from
- what issues the media tell people to think about
to
-what issues people tell the media they want to think about” .
(source)
Les bloggeurs deviennent une alternative aux sondages d'opinion et permettent de faire monter (bottom-up) des sujets d'intérêt généraux. Dans cette nouvelle écologie de l'information qui se met en place les médias traditionnels peuvent mieux cibler ce qui intéresse leur lectorat...

Liens vers certains de mes billets sur le sujet:
La blogosphère et les médias (13 décembre 2005)
Le blog comme page web avec public (14 mai 2005)
19 millions de blogs recensés (20 octobre 2005)
Se penser comme un filtre (24 mai 2005)
Etre journaliste sur le web (9 juin 2005)
Les nouveaux Gatekeepers (14 août 2005)
Le problème du filtrage de l'information sur Internet (6 août 2005)
La différence entre les blogs et les forums (12 novembre 2005)

La blogosphère et les médias

La blogosphère est une entreprise collective de 20 millions de rédacteurs, de reporters, de chroniqueurs, de critiques et d’éditorialistes, qui travaillent bénévolement. Comment les médias traditionnels peuvent-ils faire face à cette concurrence?

Richard Posner dans un essai, Bad News, publié dans le New York Time le 31 juillet dernier et repris dans le courrier international du 20/26 octobre dernier arrivait à ce constat.

It's as if The Associated Press or Reuters had millions of reporters, many of them experts, all working with no salary for free newspapers that carried no advertising.

La blogosphère comme agence de presse avec des millions de reporters, dont plusieurs experts, donnant gratuitement leur temps et leur connaissance.

Il donne comme exemple l’excellent New York Time comme grande entreprise d’information traditionnelle : un système commercial, hiérarchisé, avec multiples paliers décisionnels, de filtre, de relecture, de révision et de correction entre le rédacteur et l’article imprimé.

Le blogueur n’a qu’à appuyer sur "publier" quand il veut.

Le coût de la crédibilité
Pour conserver sa crédibilité, un grand journal se doit de garantir l’exactitude de ses informations, au risque de retarder la publication de nombreux articles, afin de faire les vérifications nécessaires. La course aux scoops est perdue d’avance. D’autant que cette infrastructure coûte cher et entraîne une dépendance envers les annonceurs et les recettes publicitaires.

Chaque blogueur pris individuellement n’offre pas cette garantie d’exactitude, mais la blogosphère dans son ensemble a mis en place un mécanisme de correction d’erreurs fonctionnant à un rythme implacable. Les billets se lient ensemble et forment un gigantesque filet autour d’une sujet très rapidement. Améliorés par les commentaires laissés par les lecteurs.

L'interdépendance des sphères
Mais la blogosphère ne vit-elle pas au dépend de la sphère des médias, qui elle-même l’abreuve par l’intermédiaire de ses propres portails de nouvelles ?

Il est mal aisé d’y répondre. Je crois qu’il faut plutôt voir la blogosphère comme faisant partie de la sphère des médias. Une nouvelle écologie de l’information se met en place. Et les médias traditionnels se doivent de s’y adapter.

L’article de Posner donne une première piste de réflexion :

"[...] the competition is not entirely fair. The bloggers are parasitical on the conventional media. They copy the news and opinion generated by the conventional media, often at considerable expense, without picking up any of the tab." Les blogueurs pillent les médias traditionnels.

"The degree of parasitism is striking in the case of those blogs that provide their readers with links to newspaper articles. The links enable the audience to read the articles without buying the newspaper.
" Les blogueurs sont des «détourneurs» d'information.

C'est en plein ce que je viens de faire : je cite et link vers un article sans jamais avoir déboursé un sou (ni vous, d'ailleurs)

Free want to be information
"The legitimate gripe of the conventional media is not that bloggers undermine the overall accuracy of news reporting, but that they are free riders who may in the long run undermine the ability of the conventional media to finance the very reporting on which bloggers depend." Les blogueurs scient la branche sur laquelle ils sont assis.

En ce sens, on peut dire que la gratuité tue l'information de qualité. Les médias traditionnels, en général, produisent de l'information de qualité. Malgré tout ce que l'on peut imaginer, 20 millions de blogueurs, ce n'est pas assez pour couvrir l'actualité. Par couvrir, je veux dire être là quand le politicien dit quelque chose, et être là s'il ne veut rien dire aussi (alors qu'il devrait dire quelque chose).

Un journaliste se fait parfois assigner des missions qui ne concordent pas avec ses désirs. À ce jeu, il bat facilement les 20 millions de blogueurs. Le journaliste débusque toujours une nouvelle sur le terrain que personne n'aurait aimé couvrir "bénévolement".

Les parasites
Mais est-ce une raison pour dire que les blogueurs sont des parasites? Oui et non.

Le malentendu cesserait aussitôt si on affirmait une fois pour toutes que les bloggeurs ne sont pas des journalistes. Les blogueurs, au risque de me répéter, sont des chroniqueurs, il forme ce que j'ai appelé dans un autre billet la société des chroniqueurs. Ils véhiculent des narrations bien particulières qui déterminent à la fois ce qui doit être dit et reconnu : un "agenda setting bottom-up" à l'échelle planétaire.

Oui, les blogueurs, comme les chroniqueurs et les éditorialistes des médias traditionnels, sont à la merci des informations de première main. Et cette information, ils la tire principalement des sites web (des journaux), gratuitement.

Non, les blogueurs ne volent pas un lectorat significatif. Ou plutôt, personne n'est en mesure de l'évaluer encore. La baisse du lectorat a débuté fort longtemps avant l'avènement du web ou des blogs. Peut-être même favorisent-ils ainsi la crédibilité d'un journal.

C'est donc bien une nouvelle écologie de l'information qui se met en place. Les journalistes commencent à s'approvisionner via la blogosphère. Les journaux, comme Le Monde, adaptent leur formule pour répondre aux nouveaux besoins. Les médias traditionnels sauront-ils muter?
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Liens de réflexions (mise à jour 14 déc):
Qu'est ce qu'un journaliste? par Loïc Le Meur
La notion de "Journalisme citoyen" sur les blogs par Gaetano sur Expression.be
Bloggers vs. Journalists is Over de Jay Rosen
Un billet n'est pas un article de Francis Pisani
Les blogs, amis ou ennemis du journalisme? sur le site du parlement européen
Débat - Blogs et Journalisme de Luc Fayard (via Aurélien)
Broken Metaphors: Blogging as Liminal Practice (PDF) de Danah Boyd
Are Bloggers Journalists? Wrong Question de Apophenia
Les nouveaux Gatekeepers (mon billet du 14 août 2005)
D'autres liens intéressant à me suggérer?

Projet MyKyoto.org

À Montréal vient de se terminer la 11e conférence annuelle des nations Unies sur les changement climatiques (COP11). Cette conférence a été la plus grande rencontre intergouvernementale depuis Kyoto. 10 000 personnes y ont participé.

La SAT (Société des arts technologiques) propose de voir les jeunes impliqués dans le mouvement tectonique voué à la cause de l'environnement.

Le Projet MyKyoto rassemble des messages audio-vidéo des participants : MyKyoto.org (à ne pas confondre avec MyKyoto.ca qui est un site de spam) est un autre exemple de Pétitions Internet.

On pourrait regretter le fait que le site ne soit pas ouvert à tous, même après l'événement...

Les jeunes, l'info et Internet

Les jeunes de 18 à 24 ans délaissent les médias traditionnels, mais consultent sur Internet, la plupart du temps... des sites de médias traditionnels. La gratuité semble un facteur décisif, que ce soit avec Internet ou les journaux gratuits dans le métro. Contradiction?

C'est ce que rapporte Paul Cauchon du Devoir dans son article : Les jeunes se méfient des médias traditionnels tiré du constat de deux chercheuses de l'INRS, Claire Boily et Madeleine Gauthier qui ont rencontré 70 jeunes de trois villes, Montréal, Toronto et Vancouver (entrevues /focus group pour le compte du Centre d'étude sur les médias et du Consortium canadien de recherche sur les médias.

On nous y rappelle que statistiquement les jeunes de 18 à 24 ans sont moins nombreux à lire les journaux et à regarder la télévision que les autres groupes d'âge et que la gratuité de l'information est un des facteurs qui influencent le plus leur comportement.

"Les auteures de l'étude se sont dites surprises de voir à quel point les jeunes sont méfiants envers les médias traditionnels et de voir à quel point ils critiquaient le manque d'objectivité et la partialité des médias. Cette représentation négative des médias est exacerbée par la concentration de la presse, qui porterait journaux, radios et télévisions à diffuser les mêmes nouvelles partout, selon eux. Ils sont également critiques envers les impératifs commerciaux des médias.".

La fin des médias traditionnels?
J'ai trouvé, dans une autre étude, ce que l'on se doutait un peu, à savoir qu'il semble à tout le moins prématuré de prédire qu’Internet remplacera les médias conventionnels comme source d’information pour le public :
  • 55% des Canadiens ne consultent jamais Internet à cette fin.
  • 75% des francophones disent ne jamais prendre les nouvelles en ligne.

Parmi les gens qui consultent des sources Internet pour s’informer, beaucoup choisissent les sites web des médias conventionnels.
(source : Fiche d’évaluation des médias canadiens du Consortium canadien de recherche)


Donc la question est pourquoi les jeunes, d'un côté, critiquent les nouvelles écrites sur des arbres morts, mais s'emballent quand elles sont véhiculées par des pixels?

Et la réponse serait parce que c'est gratuit. D'ailleurs le scrupule des coupes à blanc pour nourrir l'actualité leur passe par dessus la tête si le journal est gratuit (comme dans le métro).

Une mise en scène du monde dépassée
Je préfère croire que les jeunes ont développé une répulsion face à la manipulation partisane de l'information par les éditeurs de journaux. On connaît tous la manipulation des magnats de la presse dans leur choix de la Une, des titres et chapeaux des articles, de la place des nouvelles dans le journal (ou de leur passage au silence).

On n'a qu'à se rappeller la couverture de la course à la chefferie du Parti Québécois , dans le journal La Presse (notoirement fédéraliste) : leur candidat favori (Boisclair) était à la Une plus souvent que leur candidat honni (Marois).

Pas que La Presse soit devenu pro-indépendance du Québec, loin de là, mais bien parce que Marois était une candidate plus menaçante pour l'unité candienne. En poussant le vedetariat de Boisclair, comme on joue la couverture de Star Académie, on s'assurait d'influencer les membres du Parti Québécois pour choisir le candidat le "plus faible".

Maintenant que Boisclair est élu à la tête du Parti Québécois, on verra plus tard s'il est aussi "faible" qu'on le prétend, mais pour l'instant, outre sa consommation de cocaine, il y a sûrement des cadavres dans le placard qui sont réservés à petit feu pour être servi au moment opportun. La Presse a "gagné" ses élections...

Les jeunes ne sont pas dupes de la mise en scène de l'information. Ils voient ce genre de manipulation. Ce n'est pas l'information qui est de mauvaise qualité, c'est la mise en scène qui est insupportable.

Information want to be free
En accèdant directement au site web du journal, le jeune court-circuite le spectacle du monde organisée par une poignée de manipulateurs : la contrainte de l'espace-page n'existe pas. Une information n'est pas en page 18 ou en Une. Elle a une adresse URL. Accessible directement.

Bien sûr, la possibilité de ne pas mettre l'information existe mais la pression de la concurrence les force à faire eux aussi du dumping d'info à la "all-you-can-eat". Un portail aussi est un filtre, une mise en scène de l'information. Mais si elle ne nous plaît pas, nous sommes toujours à un clic du portail concurrent.

Les jeunes s'intéressent aux questions sociales et politiques. Si on leur offre un accès gratuit, vu leur condition économique, il est normal qu'ils choississent la gratuité.

Consomm-acteur d'info
Le problème vient du fait que la gratuité tue l'information de qualité (qui doit être payant). Ils devront apprendre, en veillissant, à accepter de payer (ce qu'ils seront en mesure de faire) et accepter que l'information, dans les faits, est une extraction subjective du réel. Le problème ne commence pas là, mais bien quand il y a concentration des organes d'informations dans les mains d'un petit groupe.

Au jeu de l'info gratuite, c'est le consommateur final qui se doit de faire le tri et filter. Ça demande du temps. Ça demande des compétences.

Actuellement, la blogosphère est une gigantesque forêt de Sherwood où les Robin des Blogs volent les riches pour donner aux pauvres. Mais en brassant l'information dans tous les sens, on perd le contexte de l'émetteur (et donc la possibilité de connaître son biais).

Paul Cauchon termine en citant Henry Milner, du Collège Vanier, qui demande que l'on trouve les moyens de «faire l'éducation civique sur les médias». J'ajouterais, non pas tant pour devenir "bon- récepteur- qui- sait- décoder", mais bien pour devenir un bon navigateur qui sait comment faire ressortir l'information et surtout comment la valider (via l'identification d'autorités cognitives notamment)...