ZEROSECONDE.COM: Gangnam Style: la K-Pop comme mème virulent (par Martin Lessard)

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Gangnam Style: la K-Pop comme mème virulent

Il y a une quinzaine de jours, à Rome, des milliers de personnes se sont réuniess dans une flash mob pour danser sur le succès de musique K-Pop de l'heure: Gangnam Style, de Psy, la vidéo la plus rapidement virale de tous les temps (maintenant rendu à 795 millions de visionnements).

[Mise à jour du lendemain
: 24 h plus tard, ce samedi matin 24 nov 2012, la vidéo de Gangnam Style atteint 805 millions de visionnements, c'est à dire 10 millions, oui, 10 millions de visionnement supplémentaires depuis hier, vendredi, quand j'ai écrit ce billet! Elle dépasse celle de Justin Bieber qui était numéro 1 sur Youtube, devant ainsi la vidéo la plus populaire de tous les temps!]

[Mise à jour du lundi 26 nov: vidéo possède 826 millions de vues, c-à-d 30 millions de plus que vendredi matin quand j'ai écrit ce billet. Loin de ralentir, elle continuera encore jusqu'à atteindre un éventuel plateau. La prochain mème "challenger" aura fort à faire pour le déloger...]

[Mise à jour du 7 décembre 2012: 901 719 146 visionnements sur YouTube. 20 millions de plus depuis le moment où j'ai écrit de billet il y a deux semaines. Voilà le candidat pour le premier milliard de visionnements!]]

[Mise à jour du 21 décembre 2012: franchissement du cap du milliard. J'ai fait un petit billet pour l'occasion, en guise de suite à celui-ci]

Vous avez remarqué qu'aux quatre coins de la planète, Gangnam Style a conquis les foules. En 10 semaines quelques déhanchements faits dans le sud de la péninsule coréenne se sont répandus partout dans le monde. Décodage.




Le magazine Times avait décrété la mode du Gangnam Style morte... au début octobre! Encore un signe de la déconnexion avancée d'une certaine élite irritée face à tous les phénomènes émergeant de la base.

La preuve?

Des milliers de jeunes Italiens, les chiffres varient entre 5000 et 30000, se sont retrouvés un samedi après-midi du début novembre dans le coeur de Rome, à la Piazza del Popolo, pour une foule-éclaire au son du tube planétaire «Gangnam Style»:



Gangnam, le mème de la saison des virus

La notion de « mème », avec le développement des réseaux informatiques n'est plus tout à fait quelque chose d'abstrait.

Le mot vient de l'anglais « meme », forgé par Dawkins en 1976 sur le modèle du gène, vient lui-même, dit-on, du mot français « même » et que l'on prononce de la même manière.

Un mème est un phénomène culturel très précis (une idée, un air, une habitude, une nouvelle, un phénomène social, une mode, etc.) qui se réplique et se transmet par imitation d'un individu à l'autre sur le même principe qu'une maladie infectieuse.

J'en avais déjà glissé un mot ici il y a plusieurs années dans une vidéo de Philippe Martin et Christian Aubry:


Martin Lessard de Zéro Seconde par pmartin

Le « réplicateur » culturel

Même si l'approche de la mémétique n'a pas toutes les assises nécessaires pour être encore une science (à commencer par l'identification du « réplicateur » lui-même), il n'empêche pas moins que certains académiciens s'intéressent au phénomène de façon sérieuse.

Susan Blackmore, dans une conférence TED en fait une bonne démonstration:



Elle pousse le concept jusqu'à affirmer que l'humain, justement, est cette machine qui sert de « réplicateur ».

Les mèmes et les gènes ont  utilisé l'humain pour co-évoluer et se reproduire.

«Vous n'êtes pas intelligents, vous êtes infectés!»

Par exemple, la grosseur du cerveau humain serait due à la présence des mèmes qui ont besoin de place pour se stocker.

Pousser à l'extrême, cette hypothèse permet d'affirmer que les conflits religieux ou culturels ne sont que le reflet du combat des mèmes pour coloniser et occuper l'espace restreint du cerveau. Nous serions parasités par des mèmes et tuerions en leurs noms, alors qu'on pense le faire pour nos idées (le résultat est le même, mais dans le premier cas, on peut arriver à stopper le massacre si on comprend que nos idéaux sont en fait des infections virales).

Blackmore pousse plus loin son hypothèse et dit que si les gènes ont mené aux mèmes, les mèmes ont mené à la création des « tèmes ».

Tème, le mème de la technologie

Les «tèmes», c'est une boîte de Pandore qui a été ouverte et où la technologie se reproduit pour elle-même et par elle-même.

Les serveurs de l'infonuagique ne seraient rien d'autre que d'immenses machines à copier des données d'un disque dur à l'autre. Et là, on est même pas encore entré tout à fait dans l'ère de l'internet des objets!!

Que tant d'Italiens se soient réunis pour danser sur une chanson rythmée de la K-Pop actuelle peut ressembler à une énorme infection mémétique.

Gangnam Style est un complexe de mèmes, car la vidéo originale comprenait beaucoup de gestes «imitables» et pourrait expliquer le succès mémétique de sa propagation à vitesse Grand V.

Beaucoup a été dit sur cette vidéo qui a suscité l'un des engouements de parodies sur YouTube les plus frénétiques. Voici une des compilations:



Retour à l'aube

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, coréen d"origine, a rendu hommage à son compatriote en soulignant qu'il n'y avait "pas de langage requis dans le monde musical". "C'est le pouvoir de la musique, le pouvoir du coeur". (source)

Ce mème de Gangnam Style rappelle aussi, à mon sens, le désir inconscient par delà les temps immémoriaux de renouer avec le moment où, dans les premières tribus primitives qui s'apprêtaient à quitter le continent africain, au tour du feu, on était encore réunis avec les autres membres pour danser une dernière fois tous ensemble.

100 000 ans après, avec la mondialisation nous nous retrouvons de nouveau, tous réunis, et dansons ensemble avec notre tribu enfin retrouvée, après un long, très long voyage...

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(MàJ 7 déc 2012) Pour lire sur le même sujet:

Le secret démasqué de Gangnam Style, de Lionel Maurel, sur Owni.fr, qui est moins sur le "démasquage" que l'aspect légal et la non-application du droit de copyright comme outil viral. (Via Pier-Alexis Vial)

Le ridicule, clé de la culture karaoké, d'André Gunthert, toujours intéressant, où il définie le ridicule comme ingrédient de l’appropriabilité, facteur d'un autre rapport à la culture, horizontal, antiautoritaire et ludique, qui s'oppose à celle savante, qui reproduit le modèle religieux du recueillement. (via Josée Plamondon)



2 commentaires:

vendredi, novembre 30, 2012 2:27:00 p.m. Marjorie a dit...

Bonjour . J'avais juste entendu parler de ce fameux Psy, sans réellement savoir de quoi, il s'agissait ! grâce à cet article, c'est un visionnage de plus :-). Puisque les hôtes avec des gènes humains étaient jusqu'à présent, les plus efficaces transporteurs de mèmes, pas étonnant, qu'ils éprouvent le besoin de se réunir dans une grande communion. J'aime beaucoup votre conclusion très poétique et c'est rare pour un article abordant la mémétique. merci

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