ZEROSECONDE.COM: juin 2013 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

#Internet + #BigData = Big Brother

La plus grande démocratie du monde espionne ses propres citoyens à une échelle inégalée. Bravo, USA. Maintenant ça confirme qu' #Internet + #BigData = Big Brother

Les atomes des pixels de mon dernier billet sur Triplex n'étaient pas encore stabilisés en ligne qu'un scandale d'une ampleur inégalée a détourné le sens de ma première phrase: «La Maison-Blanche à Washington a le mérite de mettre ses priorités à la bonne place.»

Alors que mon billet était axé sur la cybersécurité inter-état et sur l’espionnage commercial par Internet, sujets de discorde entre la Chine et les États-Unis (où évidemment, dans le rôle des vilains, se trouvent les Chinois) voilà que l'actualité inverse totalement le sens des enjeux de cybersécurité.

La plus grande démocratie du monde joue au Big Brother avec ses propres citoyens !


Une agence de sécurité américaine espionne tous, je dis bien tous, t-o-u-s, tous les abonnés du plus grand service de téléphone au pays!

Je vais le reformuler comme le titre de l'article du Guardian qui a déterré le scandale: Le National Security Agency collecte toutes les données téléphoniques de millions d'Américains, quotidiennement.

Une note pour ceux qui lisent en diagonale: je n'ai pas écrit "de millions de terroristes", j'ai écrit "de millions d'Américains". Indistinctement. Juste parce qu'ils sont abonnés à Verizon.


Par où le scandale est arrivé

L'article qui a tout dévoilé se trouve ici:  (The Guardian) Verizon court order: NSA collecting phone records of millions of Americans daily

L'ordonnance secrète du 25 avril qui force Verizon à trahir tous ses abonnés est ici: Verizon forced to hand over telephone data – full court ruling

Le NSA a un accès illimité aux données concernées, pour une période comprise entre le 25 avril et le 19 juillet. «Les données comprennent le lieu, la date et la durée des appels nationaux et internationaux, ainsi que les numéros de téléphone qui y ont participé. L'agence n'a, en revanche, pas connaissance du contenu des conversations.» (Le Monde)

Prenez vos paris. Quand allons-nous apprendre que les autres réseaux de télécommmunication sont sous une ordonnance similaire?

2013, 1984, même combat

Il peut être justifié qu'un service secret de sécurité fasse des choses secrètes dans le cadre de la sécurité de l'État (sinon on n'appellerait pas ça Service Secret de Sécurité). Mais il semble que les lois en place, dont notamment le Patriot Act, permettent à tous les petits potentats des services secrets, et probablement au chef de l'État lui-même, de jouir de pouvoirs qu'Orwell imaginait dans son livre 1984.

Les données recueillies dans le scandale d'aujourd'hui permettent de faire un "Social Graph", grâce au Big Data. La teneur des contenus téléphonique n'est pas connue, mais il est possible de faire une carte des liens entre les personnes comme on fait une carte des noeuds sur un réseau.

Si le faire pour le téléphone est maintenant possible, imaginez sur Internet! (voir la liste des mots "interceptés").


Malheureusement, en demandant d'espionner tout le monde, sans distinction, la première démocratie vient de discréditer tous les cyberoptimistes. Dorénavant, la technologie connectée signifie perte de vie privée, limite des droits et surveillance. Tout réseau devient suspect!

Si ça arrive dans un pays qui représente la quintessence de la démocratie, imaginez ce que les compagnies techno + telco fournissent comme données dans les oligarchies autoritaires dans les coins sombres du monde.

Pas besoin d'aller à l'autre bout du monde pour trouver des ordures, il y a probablement déjà dans votre coin de pays, quelqu'un qui vous espionne. (C'est tellement facile sur Internet. On le savait, mais on imaginait encore que dans une démocratie on le ferait avec distinction...)

Et si ce n'est pas le cas, de toute façon, tous les services en ligne que nous utilisons sont américains, ou sont hébergés chez les Américains, ou passent par leur territoire. Nous sommes tous Américains, comme l'écrivait Le Monde le lendemain du 11-Septembre.

Quelle ironie! 12 ans plus tard, c'est vrai, mais plus par solidarité devant l'adversité. Par le réseau.

[Mise à jour 1 : Suite à une discussion avec Claude Théoret sur Facebook, j'ai ajouté les références dans le texte permettant de lier l'abus de #Verizon avec abus sur #Internet. «Tout réseau devient suspect!» + lien vers les mots-clés "interceptés" sur les médias sociaux et le web en général.]

[Mise à jour 2 : Pour éviter l'amalgame facile Big Data = Big Brother, je précise que le Big Data (de type white hat) permet d'éviter les faux-négatifs (une grande quantité de données permet de filtrer plus finement, et donc de faire moins d'erreur de diagnostic. Même si ça peut faire peur). Mais avec le coup de Vérizon, le Big Data devient black hat et sert à ficher/profiler tout le monde...]

«C'est vrai, je l'ai vu»

La "Conversation visuelle" est le nom d'une conférence de Martin Ouellette, l'esprit libre qui propulse l'agence Commun. C'est aussi un concept qu'il propose à l'ère du visuel tous azimuts: quand les mots ne suffisent plus, les images prennent le relais. C'est ce qui se passe à #OccupyGezi

Je vous laisse le regarder, car ce serait dommage de résumer en mots ce qui relève du visuel.

 

Martin relance l'idée de l'image publicitaire en lui donnant une twist très médias sociaux. Les gens n'ont pas toujours les "mots pour le dire". Alors ils pointent du doigt par image: «c'est ça!». Ils peuvent aussi «converser avec des images». Plus que jamais, l'image sert à passer des messages.

On pourrait penser qu'il ne fait que revêtir de nouveaux oripeaux au concept classique de l'image publicitaire.

Ce qui me semble l'élément central de son concept tient dans cette expression: «C'est vrai, je l'ai vu». Si je le vois, je le crois. Pour un peuple d'incrédules à la Saint-Thomas, Instagram, c'est la réalité.



Stratégiquement, c'est la raison pourquoi on voudrait faire de la "conversation" + "l'image", c'est-à-dire de la «conversation visuelle»: parce que la crédibilité passe aujourd'hui passe par le visuel, mais aussi par le nombre et non plus (juste) par une autorité.

"Instagramiser" ne veut pas dire "Une image vaut 1000 mots, version 2.0"

Non, ça veut dire "1000 images ne peuvent mentir".



Le nombre fait foi

Selon les époques, certaines formes de communication décrivent plus adéquatement la réalité du monde. Le 19e siècle comptait sur l'écrit: la grande presse et ses reportages. Le 20e siècle proposait l’image photographique: c'était «objectivement» plus vrai à travers un "objectif".

Au 21e siècle, avec une société de plus en plus au fait des manipulations médiatiques et des exploits de Photoshop, nous voyons progressivement dans la multiplication des sources une façon de vérifier un événement.

Probablement qu'il est difficile de se faire une idée de ce qui se passe à Istanbul et en Turquie en ce moment, mais avec les réseaux sociaux, et la multiplicité des sources, il est possible de se faire une idée de ce qui se passe. Avec les médias de masse? Impossible si vous êtes seulement nourri d'un entrefilet d'Associated Press en page 37 ou avec des images de gaz lacrymogène pendant 10 secondes au TJ.



L'image regagne sa crédibilité par le nombre de sources. Les médias sociaux sont au cœur de la contestation en Turquie (lien audio sur Soundcloud) comme le rappelle Alain Gerlache sur RTBL.

L'image au coeur du flux

Les organisme qui veulent crédibiliser une caractéristique de leur produit/service/événements (c'est bon, c'est beau, c'est cool, c'est populaire, c'est...) vont alors tenter de le faire par la «conversation visuelle».

Stratégiquement, ce n'est pas dans le choix ou la création d'images que se trouve la valeur du concept de "communication visuelle" mais bien dans la réflexion stratégique de vouloir "imager quelque chose qui ne se dit pas".



En marketing, si votre produit est le fun, laissez vos clients le montrer (et peut-être que je vais l'acheter). Si votre personnel est joyeux, montrez-le-moi (et je vais peut-être vouloir travailler chez vous).

Le visuel est peut-être le langage le plus adapté au flux permanent du «maintenant» médiatisé dans les réseaux. Le texte, c'est pour les archives!

On n'a pas attendu Martin Ouellette pour mettre des images dans nos pubs, nos événements, etc. Mais on sait maintenant pourquoi c'est important: «C'est vrai, je l'ai vu».

À voir : Conversation visuelle par Commun sur Vimeo.

Note: Martin y croit tellement qu'il offre à la première marque de CPG, de produit de consommation courante, un essai gratuit. À qui la chance?

À lire sur Zéro Seconde, dans la même veine, où je m'interrogeais sur les nouveaux types de communication de masse :



[M2 #3] Journalisme et nouvelles technologies (avec C.Mathys)

Les journalistes sont sur la ligne de front de l'avancée des technologies. Pour le meilleur et pour le pire.

Troisème balado de M2, avec Catherine Mathys, journaliste et chroniqueuse à Radio-Canada qui a terminé sa maîtrise récemment. Elle a rencontré une série de journalistes québécois pour les interroger sur l'évolution de la technologie dans leur métier.



Le rôle des nouvelles technologies dans le travail des journalistes politiques de la presse écrite

Internet, les nouvelles technologies mobiles, et les médias sociaux ont-ils un effet tangible sur les habitudes de travail des journalistes politiques de la presse écrite? Comment les journalistes s'adaptent-ils aux incessantes vagues de changement technologique? Catherine Mathys nous parle de son mémoire de Maîtrise sur le sujet.

Allez sur iTunes pour vous abonner à toute la série M2 ou écouter juste cette émission:

M2 #3 :: Journalisme et nouvelles technologies, entretien avec Catherine Mathys

Cette émission vous est proposée par Martin Girard et moi-même. Plus d'info.

Qu'est-ce que M2?

M2, c'est M au carré, car nous nous sommes deux Martin derrière la réalisation de cette balado. M, aussi pour mutation. Mutation au carré, car le numérique accélère comme jamais les changements en société.

M2 se veut des conversations autour des métamorphoses apportées par les technologies numériques. Cette baladodiffusion est un pont entre les savoirs des réseaux numériques, des universités, des médias et de la politique avec des gens qui pensent le numérique.

Abonnez-vous sur iTunes ou directement sur le fil XML (feedburner) de l'émission.

Pour accéder à tous les billets qui touchent la balado M2, cliquer ici

Mai 2013: Mes billet sur Triplex

Un petit tour du côté de Triplex, mon autre blogue, le temps de vous résumer quelques billets que j'y ai écrit.



[Big data] Les mauvaises connexions
Même le dernier quidam sur Facebook a plus d’information sur sa communauté en une journée qu’un villageois du Moyen-âge durant toute sa vie. Interpréter un  monde par les données demande d’acquérir de nouveaux réflexes: logiques statistiques, probabilité, rationalité, esprit scientifique. Sommes-nous prêts?

[Intelligence augmentée] Le fusil qui tire tout seul
Si vous pensez que l’arme imprimable 3D était la menace ultime, vous venez de changer d’échelle. Derrière chaque arme, il y aura maintenant un tireur d’élite, qui télécharge ses hits par WiFi sur les médias sociaux en temps réels. Bienvenue Terminator.

[Réseaux sociaux] Hadfield : l’étoile des médias sociaux
L'astronaute canadien a su transformer une mission scientifique en une expérience humaine proche de la réalité des gens normaux (c’est-à-dire nous, les terriens). Pour l’Agence spatiale, c’est littéralement un cadeau du ciel.

[Société] Comment le multitâche affecte notre attention
Une expérience récente a mesuré l’efficacité perdue par les interruptions de toutes sortes. Résultat étonnant : on a vu une amélioration de 43 % des résultats dans certains cas!

[Gouvernance] Demain, la ville intelligente 
L’usage des nouvelles technologies permet «d'augmenter» la ville. Mais ne devait-on pas plutôt dire « ville intelligible », une ville qui peut être comprise par l’intelligence? L’enjeu sous-jacent est l'accès et le partage de données. Mais quelles données? Pour quel type de ville?