Un article dans le New York Times de dimanche, «The Elusive Big Idea» a attiré mon attention -- et celui de bien d'autres.
C'est un constat du déclin des «grandes idées» dans la société en général : les idées qui circulent aujourd’hui seraient plus ténues que par le passé.
Une «grande idée», c'est ce qui déclenche de passionnants débats, stimule l’esprit, engendre révolution et changement de perception dans la façon de voir et penser le monde.
Par exemple Einstein et sa théorie de la relativité, ou McLuhan et son «le médium est le message».
Évidemment, et c'est la faute à la surabondance de l'information, Internet, le web et les réseaux sociaux étouffent les grandes idées et polluent celles des penseurs.
On ne se contenterait plus que de se regarder tweeter à propos de sandwich que l'on mange ou d'émissions de télé que l'on écoute.
«Où se trouvent les grandes idées aujourd'hui?» J'ai écrit un billet sur Radio-Canada/triplex pour y répondre et remettre les pendules à l'heure.
L'Ancien Monde est mort
La logique de l'auteur est fallacieuse. Ce qu'il déplore, en fait, ce n'est pas la disparition des idées, mais bien que les idées ne soient plus propagées sur une grande échelle par les médias de masse.
Ou plutôt que les grands médias n'ont plus la même influence qu'avant pour imposer leurs idées. Ce qui revient au même.
Les idées n'ont plus besoin des grands médias pour se propager. Elles se propagent par les petits médias, les médias sociaux.
Les «curateurs» trient et filtrent, bien comme mal, les informations jugées pertinentes par eux et pour leur réseau.
Ce n'est plus les grands médias qui décident de ce qui va changer le monde -- et donc de désigner les «grandes idées». Une idée n'a pas besoin d'être brandé «big idea» par les «big medias» pour stimuler l'esprit, engendrer des révolutions et changer notre perception du monde.
Continuer la réflexion ici:
The (actual) future of the Big Idea Nieman Jourmalism Lab
If Big Ideas Are Elusive, Blame The New York Times, The Faster Times
The Big Idea is Alive and Well, Rickliebling
PS: j'ai publié une précision ici suite au commentaire de JM Salaün sur Triplex
7 commentaires:
Le nazisme et le communisme stalinien étaient de "grandes idées". Ceux qui, au 20e siècle, ont défendu les "grandes idées" se sont retrouvés souvent à soutenir des idéologies totalitaires, à tenir des discours provocateurs, paradoxaux, qui avaient pour effet de justifier l'injustifiable. Et que l'on en finisse avec cela me paraît une chance. Les idées qui font avancer le monde ne sont pas de "grandes idées" mais au contraire des "petites". Modestes, précises, pertinentes. La culture numérique est l'héritière (consciente ou inconsciente) de la philosophie de Wittgenstein contre celle de J.-P. Sartre. Heureusement...
Christian, les idéologies sont probablement des «grandes idées» qui ont mal tournées... Mais elles ont été petites un jour et on n'a pas su les empêcher à temps.
Notre prochain défi est de donner sens à cette floraison de "petites, modestes, précises, pertinentes idées" en ayant en tête les erreurs du passé et en tentant pour le mieux d'aller vers le meilleur avec tout ça...
Penser qu'on puisse être débarrassé des idéologies est une autre idéologie peut être à terme aussi dangereuse que celles qui furent identifiées comme telles. Ne pas oublier que l'article initial vient des USA, un pays où aujourd'hui le président n'a pas pu faire prévaloir une solution à la question de la dette qui avait pourtant le soutien d'une majorité de l'opinion, où il s'est vu reprocher de n'avoir pas de solution innovante, de "grande idée" justement, et où le haut du pavé idéologique est tenu par les fondamentalistes religieux ou économiques.
Cercamon, les USA sont un enigme pour moi, tant leur histoire récente comporte des actes qui semblent irrationnels. L'idéologie est effectivement partout, dans les nouveaux médias aussi. Je me demande si on saura faire mieux...
Je n'ai pas lu l'article en question, mais il me semble drôlement manquer de perspective historique. Les médias de masse sont apparus tardivement dans l'histoire de l'humanité. Or, les grandes idées ne les ont pas attendus pour se propager et elles vont continuer à se propager sans eux le jour où ils disparaitront.
K. Marx expliquait que l'évolution historique des modes de production devait entraîner une modification des rapports sociaux, bien plutôt que les idées, même les plus généreuses. Il me semble qu'il n'avait pas tout à fait tort. Les outils numériques sont en train de modifier les rapports sociaux, de les rendre moins hiérarchiques, et il est probable que leur influence va s'accentuer avec la récession (voir le billet publié hier par Francis Pisani: http://pisani.blog.lemonde.fr/2011/08/15/la-recession-favorise-la-digitalisation/). Le pb c'est bien quand, à partir de là, on commence à refaire des camps. Et la compulsion à reconstruire des clivages identitaires se fera sans doute toujours sentir. Mais encore une fois, je pense que la tendance de fond, celle induite par l'évolution des modes de production (aujourd'hui numériques), va dans le sens d'une plus grande démocratie.
Le changement se doit- il d'être toujours radical? Le changement incrémental est de plus en plus adapté à nos institutions. Il s'agit de le garder à dimension de gestion.
Salutations!
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