Umberto Eco, dont c'est le quatre-vingt-unième anniversaire aujourd'hui, a écrit un jour:
«La notion de bibliothèque est fondée sur un malentendu, à savoir qu’on irait à la bibliothèque pour chercher un livre dont on connaît le titre. C’est vrai que cela arrive souvent mais la fonction essentielle de la bibliothèque, de la mienne et de celle des amis à qui je rends visite, c’est de découvrir des livres dont on ne soupçonnait pas l’existence et dont on découvre qu’ils sont pour nous de la plus grande importance.»
- Umberto ECO. De biblioteca. L’Echoppe, 1986.
Cette citation a été retrouvée dans un billet d'Olivier Le Deuff, écrit il y a deux ans et toujours d'actualité:
La sérendipité comme attention et zemblanité comme mauvais intention.
Il y souligne que le seul hasard ne suffit pas. «La sérendipité nécessite une préparation au préalable». Comme l'a dit Pasteur, «
le hasard ne favorise que les esprits préparés ».
Une sérendipité de qualité demande de porter une attention aiguisée et fine pour arriver à faire des découvertes heureuses, mais non prévues. (Zemblanité, terme forgé en référence à l’île de New Zemble, située aux antipodes de Serendip qualifie, lui, le fait de faire des découvertes au contraire malencontreuses, plus fréquentes que la sérendipité).
Découvertes heureuses
Les «bibliothèques» de la citation d'Eco sont d'aujourd'hui, peut-être, les fils Twitter, cette plateforme qui répond à un besoin très précis: la sérendipité des discussions de
couloirs numériques (qui est le titre d'
un de mes billets en 2009).
Ces discussions de couloirs existent parce qu'elles peuvent être assimilées à un passage dans des rayons d'une bibliothèque où on peut lire les titres sur le dos des livres, nécessairement courts et limités. Un bon tweet est comme un bon titre qui nous arrête dans notre quête pour nous faire ouvrir le livre.
Fabien Loszack, un peu plus tôt aujourd'hui,
dans sa chronique à l'émission de radio La Sphère où je participe chaque semaine, se proposait de s'imposer une «politique éditoriale» pour
son compte Twitter afin de ne "ne poster que tweets renvoyant à du contenu intéressant".
Sérendipité c'est aussi le titre d'un blogue très intéressant de Josée Plamondon, quelqu'un qui écrit peu souvent, mais dont les contenus méritent d'être retweetés. Pour plusieurs, ce sera peut-être un blogue dont ils ne soupçonnaient pas l’existence et dont ils découvrent qu’ils sont pour eux de la plus grande importance.
Sérendipité fortuite
Henri Kaufman avait proposé en 2011, comme nous le fait remarquer
Didier Pourquery dans le Monde du mois dernier, le terme "fortuitude"pour remplacer "sérendipité", qu'ils considèrent comme un anglicisme, pour définit la démarche des internautes ouverts aux «hasards des associations d'idées».
La Serendipité - Henri Kaufman from
frederic CANEVET on
Vimeo.
(Vous pouvez lire
plus sur le sujet dans le billet de Kaufman -- dans la deuxième partie).
Fortuitude ou sérendipité, qu'importe, c'est le web qui nous permet de faire toutes ces belles découvertes. Le mot de la fin à
Olivier Ertzscheid, maître ès Sérendipité;
«Lorsque Google s'effondrera, lorsque Facebook tombera, lorsque Twitter se taira, nous comprendrons que la chance offerte par l'invention du web, que le cadeau de Sir Tim Berners Lee, fut de nous y associer tous comme autant de ses bâtisseurs, comme autant de ses bailleurs sociaux. Que nous sommes aujourd'hui 2 milliards et que 4 milliards d'autres nous rejoindront demain. Et ensemble alors, nous tiendrons de nouveau, la promesse du web. » (
source)