Bonne année 2005
On vous souhaite bonheur, santé et prospérité pour la nouvelle année.
Fils web contre sites web
Excellent article : "The Role of RSS in Science Publishing" (découvert grâce à Rémolino).
L'intro, particulièrement, fait preuve d'une bonne concision pour ce qui est de signaler la révolution Internet en cours:
"[...] Tim Berners-Lee's original conception of the Web was much more of a shared collaboratory than the flat, read-only kaleidoscope that has subsequently emerged: a consumer wonderland, rather than a common cooperative workspace. Where did it all go wrong?"
La bulle Internet, cette irrationnelle vente pyramidale qui a ébranlé l'économie mondiale (et siphoné nos fonds de retraite), a marqué la fin de l'assaut commerciale des vautours financiers, préoccupés qu'il étaient à détourner le réseau des réseaux en immense centre d'achat. Cet incroyable revers de l'impitoyable machine capitaliste démontre qu'Internet reste encore un espace où une autre façon de faire les choses est possible.
Le RSS comme antithèse des sites web
"[...] new 'disruptive' technologies are now beginning to challenge the orthodoxy of the traditional website and its primacy in users' minds. The bastion of online publishing is under threat as never before. RSS is the very antithesis of the website. It is not a 'home page' for visitors to call at, but rather it provides a synopsis, or snapshot, of the current state of a website with simple titles and links. While titles and links are the joints that articulate an RSS feed, they can be freely embellished with textual descriptions and richer metadata annotations.
Thus said, RSS usually functions as a signal of change on a distant website, but it can more generally be interpreted as a kind of network connector—or glue technology—between disparate applications. Syndication and annotation are the order of the day and are beginning to herald a new immediacy in communications and information provision. "
Comprendre le RSS n'est pas si difficile en soi. Voir les opportunités ou les mettre en pratique, demande plus de flaire... Le web tel qu'on le connaît n'est qu'une transposition des "pages papiers" (l'effet diligence dont je faisais mention plus tôt ce mois-ci). L'espace web n'avait qu'une dimension : la page ponctuelle, en attente d'être trouvée. Le RSS donne une dimension supplémentaire et permet de faire circuler l'information le long d'un fil afin de se rendre à un endroit plus appropriée.
"RSS is one of a new breed of technologies that is contributing to the ever-expanding dominance of the Web as the pre-eminent, global information medium. It is intimately connected with—though not bound to—social environments such as blogs and wikis, annotation tools such as del.icio.us, Flickr and Furl, and more recent hybrid utilities such as JotSpot , which are reshaping and redefining our view of the Web that has been built up and sustained over the last 10 years and more."Il est clair que l'acronyme RSS ne sera pas connu du grand public (du moins pas plus que HTML), mais le concept de Fil Web ou Abonnement Web le sera. Le blog sera le premier cheval de Troie pour faire utiliser cette technologie par le grand public.
Urchin, l'agrégateur libre
Le document, ensuite, explique en détail l'avantage du RSS 1.0 sur le RSS 2.0 et Atom. Il s'étend ensuite sur Urchin, l'agrégateur RSS qui me semble une formidable machine à inférence. (Ça me rappelle des ébauches élaborées pour une machine de croisements avec Sylvain Carle )
" The basic functionality of Urchin is to ingest information from a variety of data sources (including all flavours of RSS and Atom as well as screen-scraped HTML pages and even databases), to store that information internally and to emit on request a filtered information set expressed in a selected presentation format."En clair : son but est de générer des fils webs sur simple requête à sa base de données.
- Il me semble que nous avons là le début d'une alternative au "serveur de pages web" et qu'un "serveur de fils" sera prochainement l'outil le plus demandé dans le cahier des charges des futures refontes de sites Internet...
Lectures de 2004
(#ideologie)
DE L’IDÉOLOGIE AUJOURD'HUI - Analyses, parfois désobligeantes, du « discours » médiatico-publicitaire. François Brune - éditions Parangon, 2004, 192p.
L’idéologie ambiante se donne l’apparence d’une simple réalité indéniable, unique et objective, de l’ordre des choses, et mène inexorablement à la pensée unique. Elle dissimule la complexité du monde plutôt qu'elle ne le révèle.
François Brune, comme Guy Debord dans "Le monde du spectacle" il y a 30 ans, mais avec des mots clairs et précis, déscilleront les yeux à tous ceux qui pensent encore que nous vivons une "époque formidable". Take the red pill et lisez ce livre.
"Effet de sélection du réel par le choix de l’image, qui occulte tout ce qui est hors champ ; traitement journalistique qui fait mine de constater ce qu’il contribue largement à mettre en scène ; mythe du « progrès » qui nourrit une peur perpétuelle du « retard » ; métaphores biologiques et appels à la nature qui transforment des choix politiques en évolutions « naturelles » ; emprunts aux champs lexicaux sportif ou économique qui légitiment la logique de la compétition perpétuelle ; oxymores hypocrites, qui feignent de conjurer les rapports de force ; rhétorique publicitaire, qui occulte les conditions de production des marchandises (et les conditions de vie de ceux qui la produise), comme l’information objective sur les qualités et l’intérêt du produit ..." (Arnaud Rindel)
Liens utiles:
- QuiEst François Brune
- Résumés du livre (75, 162, 217 mots)
- Chapitre "Images (publicitaires) : le bonheur est dans l'illusion" disponible en ligne.
- Article sur le Dysfonctionnement dans le Monde Diplomatique
- Extrait sonore sur la Pub, vecteur de l'idélogie (MP3) (vous aurez un bon aperçu de sa philosophie)
(#media)
LES MÉDIAS PENSENT COMME MOI - Fragments du discours anonyme. François Brune. L'Harmattan, 1997 • 173 p.
"L'individu moderne est dépossédé de lui-même par les médias. Un vaste discours anonyme parasite chaque jour sa pensée et sa parole. Il croit avoir des idées, et il ne fait que répéter les clichés à la mode. Il croit exprimer, et ses lèvres récitent les formules de tout le monde. Or, ce discours n'est pas neutre. Il forme une véritable idéologie, dont la finalité semble claire : dépersonnaliser le citoyen pour le soumettre aux impératifs de l'ordre socio-économique."
Des milliers de phrases anonymes, dans les médias ou ailleurs, conditionnent chaque jour notre pensée et tout en feignant nous montrer l'état des choses la cache. "Être de son époque", pour mieux convaincre que vous ne pouvez changer les choses. "Réalisez votre bonheur", fuyez la réalité avec des modèles de réussite anonyme qu'il faut adopter pour devenir vous-même. "Le juste prix", vérité morale et conformité fonctionnelle, enlève l'arbitraire au "prix" pour justifier qu'il ne peut être remis en question (pensons au débât en cours sur le coût de l'électricité au Québec).
François Brune dissèque le discours ambiant repris dans nos sociétés de masses contemporaines comme Roland Barthes le faisait il y a 50 ans dans Mythologie pour la classe bourgoise. Un préalable indispensable au développement d'une parole personnelle.
Liens utiles:
- QuiEst François Brune
- "Les médias donnent à l'opinion un réel présélectionné"
- La Société des Mangeurs (Pour comprendre comment une expression descriptive devient prescriptive)
- Extrait : "Violence de l'idéologie publicitaire"
(#diamond)
GUNS, GERMS, AND STEEL - The Fates of Human Societies. Jared Diamond. Penguin, 1999, 480 p.
Pourquoi est-ce les Européens qui ont dominé la planète? Jared démontre point par point comment la géographie a pu façonner le destin humain, comment expliquer que l'histoire des Hommes ait pu différer d'un continent à l'autre. Il n'est nullement question de race, seulement d'environnement...
"History followed different courses for different peoples because of differences among peoples' environments, not because of biological differences among peoples themselves."
Les peuples qui ont dominé les plantes et les animaux plus tôt ont pu ensuite développer plus rapidement l'écriture, les gouvernements, la technologies, les engins de guerre et ... l'immunité aux maladies...
"We've identified a series of proximate factors behind European colonization of the New World: namely, ships, political organization, and writing that brought Europeans to the New World; European germs that killed most Indians before they could reach the battlefield; and guns, steel swords, and horses that gave Europeans a big advantage on the battlefield. Now, let's try to push the chain of causation back further. Why did these proximate advantages go to the Old World rather than to the New World? Theoretically, Native Americans might have been the ones to develop steel swords and guns first, to develop oceangoing ships and empires and writing first, to be mounted on domestic animals more terrifying than horses, and to bear germs worse than smallpox."
Ici vous trouverez un bon aperçu du livre ici : "Why Did Human History Unfold Differently On Different Continents For The Last 13,000 Years?"
"Winner of the Pulitzer Prize, the Phi Beta Kappa Award in Science, the Rhone-Poulenc Prize, and the Commonwealth club of California's Gold Medal".
(#cybernetique)
L'EMPIRE CYBERNÉTIQUE - Des machines à penser à la pensée machine. Céline Lafontaine. Seuil, 2004, 235 p.
Ce livre m'a fait comprendre jusqu'à quel point la pensée intellectuelle des cinquante dernières années a été influencé par la cybernétique et qu'elle tend à s'opposer à l'héritage humanisme de la modernité.
Le caractère apolitique et antihumain du culte unificateur de la technologie montre qu'en assimilant le fonctionnement du cerveau à celui d’un ordinateur, on suppose implicitement l’idée que toute forme de hiérarchie entre l’homme et la machine se dissipe ou même se renverse en faveur de cette dernière. La cybernétique est la «science du contrôle et de la communication» et présuppose que tout comportement (humain ou non humain) s'explique fonctionnellement par rapport à un but (sa finalité).
La subjectivité du sujet autonome n'est plus que le résultat d'une interaction informationnelle avec son environnement (un support d'informations) et qu'on s'illusionne à penser le contraire (la machine n'ayant pas cette tare).
(Ce n'est pas sans rappeller la teneur du débât que j'ai tenue plutôt cet été sur l'intelligence artificielle. )
On devine que l'auteure se fait très critique face à cette mouvance, mais on est surpris de ne pas la voir expliquer davantage cet humanisme mourrant dont elle se réclame. Il faut tout de même reconnaître qu'elle a eu le mérite enfin de replacer historiquement en contexte le structuralisme, la post-modernité et le déconstructivisme. Il fallait l'oser : retrouver dans la pensée européenne des traces de filiation avec celle typiquement américaine de la cybernétique.
(#logique)
LA LOGIQUE ET LE QUOTIDIEN - Une analyse dialogique des mécanismes d'argumentation. Gilbert Dispaux. Les éditions de minuit, 1984, 188 p.
Livre trouvé par hasard dans ma bibliothèque à l'occasion d'un chamboulement causé par mon petit Arnaud. Injustement méconnu, malheureusement non-lu avant la semaine dernière, ce livre mérite une place particulière, entre autre par son âge (20 ans) mais surtout par son contenu.
Pour justifier une opinion, nous utilisons trois types: (1) le jugement d'observation, (2)le jugement d'évaluation et (3) le jugement de prescription. Les mots ne sont pas des choses et les énoncés ne sont pas des faits. Comment fait-on alors pour s'entendre, pour dialoguer?
La plupart des théoriciens préfère étudier les langues artificielles pour éviter d'analyser le discours "irrationnels" des humains. Ici l'auteur démontre que le choix du type de jugement entraînera quatre formes de dialogue : (I) de stratèges (où les normes ne sont pas remis en cause) (II) de spécialistes (où les critères sont mis en en cause), (III) d'idéologues ( où les valeurs sont en cause) et (IV) de sourds (où chacun ne peut quitter sa position -pensons aux politiciens durant un débât).
La vie quotidienne nous entraînent, sans que nous soyons toujours conscient, dans ces différents types de conflits caractérisés par des structures logiques découlants de ces quatre formes de dialogues.
Un résumé ne pouvant donner grâce, je compte bien en 2005 vous en dire davantage...
Search Wizard
(Le pauvre internaute dont j'ai fait l'autopsie de sa requête la semaine dernière aurait eu grandement besoin de cet outil).
L'outil est simple, il reprend en fait la fonction avancée de Google mais disposée en rubrique: (1) Search for page with ... (2) using... (3) NOT using... (4) special feature...
La nouveauté consiste à faire apparaître en temps réel la requête dans un champ Google dans le bas de la page ("This is what your query looks like..."). C'est à dire que l'on voit comment la requête est formulée pour Google. On apprend ainsi comment utiliser les mots clefs comme site:, filetype:, le tilde ~ operator (qui permet d'inclure les synonymes : "cat" retourne 'pets', "kitty" et "animal") et les guillements (pour retrouver une phrase exacte), etc.
Il ne reste plus qu'à cliquer sur "Search" pour chercher comme il faut sur Google. Génial!
Les power users diront que ce n'est qu'une refonte ergonomique de la fonction avancée de Google. Oui, mais une belle refonte! car elle permet de visualiser la logique de requête. Google Avanced Search, à côté, donne l'impression d'être un formulaire de demande de remboursement d'assurance-invalidité de longue durée. De la part de ceux qui ont (ré)introduit le "command line" sur Internet ainsi que le design clair et minimaliste, voilà une belle leçon de utilisabilité cognitive...
Mais c'est surtout sa fonction de "reformulation de requête" qui a sucité mon attention.
Pourquoi diable avons-nous besoin de voir comment est formulé la requête dans un champ Google? Parce que nous voilà rassuré de pouvoir concocter notre requête chez soi avant de l'envoyer. On peut construire la requête en WYSIWYG (What You See Is What You Get). Un peu à la manière de la construction d'un courriel avant expédition ou d'un document avant impression.
Il est possible de monter facilement une requête plus complexe et de la modifier aussi facilement. La fonction avancée de Google cache la complexité (on découvre seulement après coup que Google a ajouté des opérateurs spéciaux), donc ne favorise pas son apprentissage. Le Search Wizard montre clairement l'opérateur utilisé, quoiqu'il ne soit pas exhaustif. D'une certaine manière, c'est un gestionnaire de requête, comme on dirait un gestionnaire de contenu.
Cette aisance cognitive que procure Search Wizard grâce à cette fonction de reformulation devrait inspirer Google. Quand on commence à simplifier celui qui a simplifié l'Internet, il y a comme un malaise...
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Pour explorer davantage :
FaganFinder propose une version alternative de la recherche avancée de Google (et vous verrez que " la puissance" sans "le charme" n'est pas inspirant)
Cid Cédille propose une liste des principaux opérateurs de Google (en français)
GoogleGuide.com Une référence en anglais
Pour les fonctions avancees de google voir aussi
http://www.googleguide.com/advanced_operators_reference.html (merci anonymus)
Network on Wheels
1. Embarquer un serveur WLAN dans chaque voiture
2. Insérer des transmetteurs sans-fils dans chaque voiture
3. Inventer un protocole approprié pour que le réseau s'établisse entre les voitures qui se suivent.
Et vous voilà avec une extension d'Internet qui parcoure les autoroutes...
Bon, et bien, la fiction a été de courte durée, voilà que BMW, Audi, Daimler Chrysler, Volkswagen, Renault et Fiat ont reçu du gouvernement allemand les fonds nécessaires pour bâtir un standard pour un transfert "car-to-car" wireless (802.11) via IPv6.
(trouvé sur The Register, 21 décembre)
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Pour plus d'information:
NOW: Network on Wheels (en allemand) http://www.network-on-wheels.de/ (site officiel du projet, mais pas vraiment d'info au moment d'écrire ce billet)
The ultimate interface to the planet
(mise à jour 2005: le service s'appelle mainteant Google Earth)
"Google's mission is to organize the world's information and make it universally accessible and useful. Keyhole's technology and products are an excellent addition to our efforts to do that."
Se voir comme une node d'information
"Il faut arrêter de dire que les Feeds RSS c'est geek! Il faut démystifier cela! C'est pas geek, c'est la prochaine étape, pour tous, c'est une nécessité de comprendre cela. Dire que c'est geek, c'est ne pas rendre service aux gens. C'est leur dire qu'il ne pourront pas passer à l'étape suivante, c'est paternaliste."
Le co-auteur de Dix questions et dix réponses au sujet des fils xml-rss (en format pdf) s'en prend à cette apathie qui fait dire que le grand public n'est pas prêt à adopter le fil web
Il faut évidemment abandonner tout acronyme. Comprendre le rss demande plus un travail cognitif que technique.
Je crois que nous avons presqu'atteint les 3 conditions pour que le grand public adopte le fil web :
(a) un nom prononçable : "fil web" (qui fait très bien l'affaire)
(b) l'abonnement en 1 clic (assez répandu pour les agrégateurs en ligne)
(c) l'intégration dans les navigateurs (Firefox et son liveBookmark ou Lektora
Alors pourquoi l'adoption se fait attendre?
Pour avoir des fils webs, il ne faut pas oublier 3 choses :
- il faut être devant son ordinateur plusieurs heures par jour,
- il faut vouloir lire des informations devant ce même écran
- et il faut vouloir consommer ou avoir besoin de consommer *beaucoup* d'information.
Pour prendre une métaphore simple: une page web, c'est un livre que je vais chercher à la bibliothèque. Un fil web, c'est une revue qui est livrée chez moi.
La technologie est adoptée quand elle répond à un besoin. Pour suivre des fils webs, comme pour lire des pages web à la dure (ou lire des revues papier), il faut ce qui manque toujours : du temps.
On s'abonne à un fil web (comme à une revue) quand on veut s'assurer de recevoir l'info qu'il nous manque (et pour se tenir au courant dans un domaine précis). Une salle des nouvelles a besoin de ses fils de presse pour se nourrir et ensuite créer du contenu.
Mais si quelqu'un n'est pas dans le besoin de créer du contenu (au sens large), le fil devient une surcharge d'information. Les revues s'empilent.
La plupart des gens ne se perçoive pas comme une salle de presse, c'est à dire qu'il ne voit pas l'intérêt de s'abreuver à des sources alternatives (autre que mainstream sur les médias de masse). Ils vont à la bibliothèque au cas par cas, selon l'humeur. Être au coeur d'un flux d'information live ne les intéresse pas.
C'est sur terrain que se trouve le frein à l'adoption du fil web : être capable de se voir comme une node d'information.
Si pour le particulier et la plupart des emplois, c'est compréhensible, pour tous ceux qui travaillent dans des métiers du savoir, de la science ou des relations sociales, c'est un exercice essentiel à faire.
Mais, résumons nous, pour ça il faut (1) travailler régulièrement devant un ordinateur, (2) avoir besoin d'informations fraîches, (3) et vouloir (ou être dans l'obligation de) communiquer. Il est normal que ce soit encore pour les geeks...
(CSI:Web) Autopsis d'une requete
Dans les moments qui précédaient, sur les 8 milliards de pages que Google possède, mon carnet était présenté en 4 ième position (?!) dans cette page résultat. Que s'est-il passé pour qu'une requête aussi "précise" puisse venir mourir sur mon site? Quel crime avait commis l'internaute pour se retrouver dans pareil cul-de-sac? Et quel était le mobile derrière le choix de ces mots?
Enquêtons...
Tel un légiste de "CSI" -clin d'oeil à l'émission américaine- je vais essayé de retracer le processus qui explique cette requête qui est venue terminer sa vie dans mes logs de stats. Tâche minutieuse d'inférence cognitive sous le mode d'une autopsie, nous verrons quels apprentissages en retirer, quelles leçons apprendre sur les gens -vos jeunes, vos étudiants, vos employés- qui recherchent sur le web.
Premièrement, on s'entend tous pour dire que nous, les humains (et j'inclus aussi les mutants qui postent trois fois par jour), comprenons parfaitement ce que le pauvre internaute cherchait à faire: par paresse il espérait faire l'économie d'une laborieuse recherche du dernier forfait de cellulaire dans le site de la compagnie Fido. Car la séquence de mots ("fido cellulaire promotion abonnement quebec") ne laisse aucun doute dans l'esprit de personne. En compagnie d'autres humains, au téléphone du service des ventes par exemple, cette demande, même brut (sans lien syntaxique et grammatical) est on ne peut plus clair.
Mais cet internaute a interrogé un moteur de recherche. Par pensée magique, il espérait que Google allait peut-être faire le travail à sa place. Manque de bol, voici ce qu'il a reçu:
13 résultatsIl est clair qu'à la lecture de ce résultat, notre pauvre chercheur s'est fait répondre du "bruit". Un technicien dirait "garbage in, garbage out". Pourtant... La requête possédait un (faux) degré de précision qui "aurait dû" résulter en plus de qualité dans la réponse.
Le premier résultat en tête pour les mots clefs déjà cités est le blog de Bruno Guglielminetti. (?!)
Le deuxième est la page des "conditions générales de vente" (?!) d'un site pour étudiant canadien recherchant des forfaits de cellulaires.
Le troisième est un PDF (?!) d'un plan d'affaire (??!) d'un regroupement d'anciens étudiants d'un collège (???!).
Le quatrième, c'est mon billet du mois dernier sur "Rechercher n'est pas un acte technique sans conséquence". J'y parle justement du "sens" d'une page de résultats. Mais aucun rapport avec un forfait d'abonnement Fido.
Le cinquième est un site amateur sur l'informatique en général.
Et 8 autres sites sont plus impertinents les uns les autres.
Alors, que s'est-il passé?
Reprenons chaque terme inscrit:
A) "Fido" retourne au-delà de 1 250 000 pages. Et Fido.ca arrive numéro 1.
B) "Fido cellulaire" retourne 23 800 pages. Et en "lien sponsorisé" # 1 ce jour-là se trouve "cadeaux des fêtes de Fido". Par contre, le premier lien vers une page (obscure) de Fido.ca se trouve au troisième écran.
Premier constat, à l'encontre de la croyance des power users, "raffiner" une requête avec davantage de mots ne donne pas nécessairement de meilleurs résultats. Déjà ici on voit que l'imprécision des termes vastes comme "Fido" et "cellulaire" aurait donné un bien meilleur résultat et permis de tomber dans une zone d'Internet plus propice pour trouver quelque chose de pertinent.
Que se passait-il dans la tête de l'internaute?
La logique de l'internaute est la suivante: il commence par chercher le nom de la marque "Fido". Mais il sait que ce nom est ambigu. Pour le distinguer du meilleur ami de l'homme, il fait un geste qui lui semble naturel: il lui adjoint le "métatag" "Cellulaire". Il aurait presque pu mettre à la place "téléphone", métatag interchangeable (et même que le résultat avec ce dernier mot place fido.ca dans le premier écran).
Deuxième constat, certains mots sont utilisés comme clef et d'autres comme méta-clef. Contrairement à une pensée naïve en programmation, les mots ne sont pas équivalents. (Ici Fido est le mot principal et cellulaire son attribut sémantique).
J'ai écrit récemment sur cette idée qu'une requête n'est pas un acte technique, mais un acte de communication en insistant sur le fait de ne pas laisser les programmeurs vous leurrer à ce sujet.
Pour "désambiguïser" leurs marques de commerce, certaines compagnies ont intérêt à connaître quels sont les mots clefs associés à leurs produits par les divers publics. Les étudiants aussi, dans leur recherche préliminaire, doivent connaître les mots clefs utilisés par un domaine de la connaissance pour préciser les résultats.
Continuons. Qu'avons-nous trouvé d'autre?
C) "Fido cellulaire promotion" retourne 16 500 pages. À ce moment précis le résultat s'embrouille (!). L'algorithme de Google perd la piste: Autonet.ca (?!) et cinezoo.qc.ca (??!) apparaissent dans les 6 premiers résultats. Fido.ca disparaît (???!). Seuls les liens sponsorisés proposent des liens pertinents : Bell, le concurrent de Fido.
D) "Fido cellulaire promotion abonnement" retourne 22 pages. Catastrophe appréhendée, le dérapage continue. Mon site apparaît alors en 6ieme position (!). MicroCell, la compagnie qui était derrière Fido (Fido a été racheté par Rogers) apparaît deux liens après moi (!!). Ici encore, Bell dominait les liens sponsorisés (bravo Cesart pour le positionnement).
Troisième constat, les liens sponsorisés ne sont pas des artefacts de notre culture capitaliste qui obstruent notre recherche, mais un atout non négligeable pour retrouver une information (commerciale). En attendant le web sémantique, l'argent permet de donner un coup de pouce pour faire circuler l'information.
Le pattern de recherche de l'internaute commence à se préciser: au moment où il rajoute "quebec" comme cinquième et dernier terme, nous sommes alors en mesure d' ébaucher une hypothèse pour expliquer le mobile de ce massacre.
En tapant "fido cellulaire", l'internaute effectuait, en fait, un choix de "banque de données" ( de "catalogue" comme l'on disait avant) : "Je circonscris ma requête au site de Fido")
En tapant "promotion" et "abonnement" , l'internaute effectuait la requête proprement dite. Mais un peu à la manière d'une navigation dans un répertoire et un sous-répertoire : desktop/promotion/abonnement.
Quatrième constat: certains internautes utilisent le moteur de recherche comme un outil de navigation, c'est-à-dire de façon hiérarchique ou de façon "sérendipitiesque". La relation entre l'usager et l'information se fait alors sous un mode de cache-cache : il faut croire que l'usager ne sait pas ce qu'il cherche...même s'il connaît les termes de la recherche.
En tapant "quebec" (notez l'absence d'accent - l'internaute perçoit le moteur comme anglophone; ou il sait que les accents ne sont pas pris en compte par Google), l'internaute, en fait, ajoute un critère de limite ("limitez la recherche aux promotions d'abonnement disponibles au Québec").
Cinquième constat: les internautes, s'il ne comprennent rien à la classification Dewey, possèdent une certaine forme d'intuition sur l'architecture de l'information. Mais la notion du "général au particulier" n'est pas la même du point de vue cybernétique que du point de vue humain.
Là où le programmateur aurait dit : quelle province? (Québec) / quelle service? (abonnement) / quel type? (promotion), l'humain pense l'inverse : mon intérêt (promotion) / ce que je veux (abonnement) / où (Québec). Ce dernier point n'est explicite que par ce que la machine le lui demande : l'humain se perçoit toujours ici et maintenant.
Récapitulons la requête : "Dans la base de donnée de la compagnie Fido, affichez les promotions pour les abonnements, limitées au Québec seulement".
Si ce n'est pas une requête typique pour un web sémantique, je me demande alors qu'est ce que c'est!
Ce que Google doit faire pour répondre aujourd'hui à cet internaute "en avance sur son temps", c'est de sortir de leur lab une sorte de "Google Drill Down beta", un moteur qui réordonne les requêtes pour permettre de chercher par palier :
Did you mean to explore fido.ca web site?
Ensuite Google réinterprète la requête ainsi "site:fido.ca promotion abonnement quebec" (notez le mot-clef "site:", c'est une fonction avancée de Google pour limiter la recherche aux pages d'un site seulement).
Ou encore comme ceci : Did you mean to explore fido.ca/promotion ?
Google interprète ainsi "site:fido.ca inurl:promotion abonnement quebec" (notez le mot-clef "inurl:", c'est une fonction avancée de Google pour limiter la recherche à un répertoire précis).
Mais malheureusement, Fido a construit son site de telle façon que l'information est prisonnière de l'expérience de l'interface usager. Ces requêtes retournent zéro résultat : là, la science des moteurs de recherche ne peut plus grand chose...
Les internautes surestiment la technologie et il y amplement de littérature pour expliquer pourquoi. Ce qui ressort clairement ici, c'est que l'internaute ne sait pas comment Google cherche par défaut: Google cherche des mots qui sont en cooccurrences. (L'outil de recherche avancé se trouve sur la page de Google, à un clic, pourtant).
L'avènement d'Internet offre une quantité phénoménale de documents. Mais avons-nous mis en place un système pour préparer nos concitoyens (et surtout nos élèves) pour comprendre comment maîtriser la bête?
Il est urgent d'enseigner dès le plus jeune âge:
- la méthodologie de recherche
- la logique de recherche avancée
- l'usage de *plusieurs* moteurs de recherche (c-à-d, ne pas laisser Google gagner par défaut) ainsi que leur force et faiblesse en fonction de nos besoins
- la construction de requête et l'utilisation de thésaurus
Ajout au rapport d'autopsie:
25 Dec. 2004, 19:31:06 précisément. Mes stats reçoivent de Yahoo Search Canada un autre pauvre internaute qui cherchait : "Search TELEPHONE CELLULAIRE ROGERS SANS FILS". Le présent billet était #2 sur la liste. Le premier de la liste était la page d'accueil de mon carnet. Le cinquième de la liste était mon fil web de feedburner (?!).
Que constatons-nous ici? "Search"?! On dirait un ordre de mission pour un agent. Pourquoi pas "fetch"? Ou "find"? Un peu à la manière de la sorcière de l'Est dans le Magicien d'OZ qui demande à ses chimpanzés volants de ramener (fetch) Dorothée : l'internaute a peut-être pensé qu'il envoyait un "agent intelligent" à la recherche de l'information...
Il faut conclure aussi que l'observateur modifie l'observation, car ce présent billet risque, avec cet ajout, d'attirer d'autres "hits" de requêtes perdues et si je persiste à indiquer les mots clefs de ces requêtes perdues, ce url deviendra lentement un SEBH, un Search Engine Black Hole, attirant davantage de requêtes perdues jusqu'à parasiter les moteurs de recherches...
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Pour poursuivre la réflexion (dernière mise à jour 13 oct. '05):
Assumptions About User Search Behavior
Cognitive strategy in web searching
The effect of query complexity on Web searching results
Moteurs de recherche : apprenez la recherche orientée ‘résultat’
Astuces de recherche dans Google (par les étudiants des HEC-Montréal)
Google et la bibliotheque virtuelle
"As part of its effort to make offline information searchable online, Google (...) announced that it is working with the libraries of Harvard, Stanford, the University of Michigan, and the University of Oxford as well as The New York Public Library to digitally scan books from their collections so that users worldwide can search them in Google."Vraiment, les hyperliens auront de la concurence...
Ajout 16 déc:
Notre jeunesse qui ne peut plus se passer de Google pour leur recherche scolaire se demandera pourquoi tant d'effort pour ajouter des livres poussièreux alors que Google nous retourne déjà 1 millions de liens pour chaque mot clef.
Le corps enseignant, délesté de facto de la transmission technique du savoir, doit répondre promptement que c'est là la preuve que Internet n'est pas (encore) une bibliothèque et, a fortiori, que Google, avec son algorithme, aussi fascinant soit-il, n'est encore qu'un coup de bâton sur la piñata de la connaissance.
Ajout 17 décembre:
Pour plus d'info sur le projet de Google (le "projet Ocean") lire John Battelle, UrFist, et ResearchBuzz
Ajout 26 décembre:
http://print.google.com/ La page officiel, en quelque sorte.
Post-Scriptum: si vous vous intéressez à mes réflexions sur les bibliothèques, lisez:
- De l’utilité des bibliothèques publiques dans le futur
- Sérendipité, fortuitude, essences du web (réflexion sur une pensée d'Umberto Eco)
- Les bibliothèques face aux moteurs de recherche Internet
- Bibliothèque 2.1 (liens pour la conférence de Montréal)
- Le bibliothécaire comme DJ (sur la notion du flux)
alt txt pub
Développé par Vibrant Media, ça s'appelle IntelliTXT:
"It is a third-party technology created and distributed through Vibrant Media Incorporated, developed to locate keywords & phrases found within text and link them to relevant commercial information. IntelliTXT is identified with a double-underline and all corresponding text ads are clearly marked with 'Advertisement' or 'Sponsored Link'."
On arrête pas le progrès...
Les prisonniers de l'expérience
Ce petit bijoux en flash vous permet de formuler vos recherches afin de créer votre propre itinéraire selon vos envies : "je veux (danser | manger | boire | dormir | apprendre | etc) (entre amis | toute la nuit | etc)". Allonger la liste, pas de problème. Le site vous optimisera le chemin entre chaque lieu qu'il vous proposera. Photos, adresses, descriptions. Tout y est!
Le graphisme est excellent, la programmation épatante et le contenu étonnamment bien fournie (et bilingue !). Blue Sponge a fait là un travail remarque, tout simplement remarquable.
Malheureusement nous avons encore là une victime de l'effet diligence.
Les premiers wagons ressemblaient à des diligences et les premières automobiles, à des voitures à cheval. Les mentalités, habituées à des techniques désormais dépassées, utilisent les nouveaux outils avec des protocoles anciens, c'est ce que Jacques Perriault appelle l'effet diligence.
Ne vous méprenez pas. Je réaffirme que ce site est un petit bijoux que je recommande de mettre dans vos signets. Blue Sponge (qui va gagner de prix avec ça) a fait sur le web ce que nous rêvions tous de faire... il y a dix ans : du CD-ROM sur le web.
Le CD-ROM c'est le paradis du contrôle usager et de son interface.
Malheureusement l'information est prisonnière de cette expérience usager: pas moyen de faire des bookmarks, pas de fils RSS, pas moyen de copier le texte (sauf si on sort de l'expérience en cliquant sur imprimer : une liste banale en comparaison s'affiche platement), pas moyen de garder une photo, pas moyen de lire ou de laisser un commentaire. Faites une recherche sur Google : jamais vous ne retrouverez quoi que ce soit derrière le splash screen. L'information est jalousement cachée par le garde barrière Flash.
En construisant ainsi le site, les promoteurs se sont trompés de modèle: ils ont construit une vitrine (mais quelle vitrine!) comme un magasin avec pignon sur rue. Maintenant ils sont pris avec les mêmes problèmes qu'un magasin en brique et mortier mais...dans une "ville de 18 milliards de rues".
Ils ont construit un "produit traditionnel" et comme tout produit traditionnel il faut maintenant le vendre avec des "techniques traditionnelles": publicité, force de vente, marketing direct, promotion, branding.
Faut-il le répéter? La communication d'un produit ne se fait pas par pensée magique. Et ne comptez pas sur l'effet "viral", ça marche pour The Meatrix (parce que c'est un "message") mais pas pour un produit touristique (parce que c'est une "destination"). Je doute que le budget pub soit à la hauteur -- quand on imprime des catalogues quadricolor papier glacée, le travail ne fait pourtant que commencer : il faut aussi les distribuer...
Le produit touristique est l'exemple type de ce que j'écrivais récemment sur la findability : "You can't use what you can't find." Quand "l'usager ne sait pas ce qu'il cherche"...la probabilité qu'il trouve votre produit (votre URL) est de 1 sur le nombre de sites qu'un engin de recherche retourne ("Montréal" retourne 9 millions de page sur Google). Avec des mots stratégiques aussi vagues, madeinmtl.com nage à contre courant.
La leçon à retenir? En 2005, faites éclater la coquille! Libérez les informations, elles sont les meilleures embassadrices de votre site. Elles vont sillonner le web, se loger dans les engins de recherche, morceau par morceau. La granularité de l'information va jouer pour vous car plus la requête de l'usager sera précise plus votre info, naturellement, sera pertinente. Vous décuplez ainsi la force de Google en votre faveur et augmentez les chances que l'on tombe sur votre site...C'est ça être sur le réseau en l'an 2000! interrelié, ouvert, distribué.
Communication par sites web interposés
Voici les excuses des 49% d'américain qui ont perdu au reste de la planète : "SORRY EVERYBODY".
www.sorryeverybody.com est un site d'excuses au monde entier pour la navrante élection. Basé sur galerie de photo chacun peut adresser personnellement un message au reste de la planète qui comptait sur eux.
Et voilà que peu de temps après, la réponse survient : "APOLOGIES ACCEPTED"
www.apologiesaccepted.com est la réponse du "reste du monde".
PS (11 dec 2004) : est-ce le premier cas de ce que l'on pourrait appeller de la communication masse à masse ? C'est à dire, c'est moins des individus mais le groupe en tant que tel qui parle à un autre groupe (mais pas directement à ses constituants). Un genre de pétition visuelle s'adressant à une autre pétition visuelle? Je crois en tout cas que ce n'est pas tout à fait la même chose que le "many-to-many"...
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Vous trouverez une conversation intéressante à propos de ces deux sites sur Captology Notebook (Stanford University) : ici, ici et ici
Web of Influence
Un des rares articles de la presse "offline" en 2004 a être vraiment intéressant. Une vision qui dépasse le point de vue (habituel) de San Francisco ou de Wall Street pour s'intéresser aussi au phénomène hors U.S.
"[T]he blogosphere serves both as an amplifier and as a remixer of media coverage. For the traditional media—and ultimately, policymakers—this makes the blogosphere difficult to ignore as a filter through which the public considers foreign-policy questions."(via Shel Holtz)
Le mythe du contenu décontextualisé
"Information wants to be free", le RSS le rend possible aujourd'hui, mais est-ce un tournant dans notre relation face à la connaissance?
Non, ce n'est pas un mythe actuel mais bien une "tradition" depuis les Lumières.
"Text that is drawn from a database can't form a part of a coherent narrative or argument, [it only] appears as encyclopedia entries."
Wikipedia, le nom le dit, est en continuité direct avec l'encyclopédie de Diderot. Les auteurs en moins. Mais est-ce moins subjectif? Sommes nous plus savant?
"The encyclopedic approach is in direct conflict with the nature of human knowledge and learning. Our knowledge consists of stories--narratives."
L'information doit être mis en contexte si on veut vraiment qu'il soit interprété. Le KM joue sur un contenu qui est -doit- être décontextualisé. Terrain glissant, car tout l'art repose sur la capacité de "reconstituer" le contexte. Du contenu en poudre avec un peu d'eau et hop, on a de la connaissance. Hum.
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(citations en anglais : x28's Blog sur James Souttar, The Myth of Content and the Encyclopedestrianization of Communication, in: Gunnar Swanson (Ed.), Graphic Design & Reading, New York, 2000 )
Negocier le sens sur un wiki?
Stéphane discutait récemment à propos des wikis:
"Les wikis sont clairement plus centrés sur le volet interindividuel que les blogues. Ils fournissent un espace commun aux gens plutôt que de les inciter à se retrancher chacun chez eux. Un espace si commun qu'on ne sait plus très bien qui écrit quoi. Un espace si commun qu'on peut pratiquement faire ce qu'on veut des contributions des autres.C'est ça la négociation de sens, élément clé de la coconstruction de connaissances? ;-)"
Pour ce qui est de la "négociation de sens" je vais me référer à Peirce (si mon résumé ne trahit pas trop sa pensée):
- L'être interprétant que je suis est transcendé par un principe sémiotique supérieur que l'on appelle la communauté. Quand la communauté s'est accordée sur une interprétation donnée, elle "crée" un signifié qui n'est pas à proprement parlé objectif mais bien "intersubjectif". Cette interprétation "collective" est privilégiée par rapport à n'importe quelle interprétation obtenue, surtout celle d'individus.
Autrement dit, pour connaître la "vraie" interprétation de quelque chose, le consensus de la communauté permet d'en donner une valeur unifiée et reconnue.
Ces vérités sont temporaires : comme le monde euclidien qui a laissé sa place au monde newtonien qui a laissé sa place au monde einsteinien et ensuite au monde quantique et demain à celles des cordes.
La négociation de sens pour moi serait ce processus entre deux ou plusieurs êtres pour s'accorder sur le sens "commun" d'une chose.
Le wiki représente un formidable outil formel pour cristaliser ce processus : par essence le wiki force la "négociation de sens" car plusieurs auteurs se trouvent à créer une seule oeuvre.
Ceci dit, la limite que j'y vois est que le wiki peut donner une interprétation faussement "intersubjective", car les co-auteurs continuent quand même à avoir leur pensée "subjective".
Par exemple, sur Wikipedia, j'ai participé à la création de la bio d'Umberto Eco. Une bio n'est pas la vie de la personne à l'échelle 1:1. Il y a donc des éléments qui seront passés sous silence. Mais un co-auteur insistait pour ajouter un fait pueril sur sa vie, mais un fait tout de même. Je ne peux nier l'existence de ce fait. Mais ma "subjectivité" de ce que je crois être "objectif" demande à ce que ce fait insignifiant au regard de sa carrière ne soit pas sélectionné. La mention a été conservée tout de même. Le débat sur son inclusion ou non dérivait vers une "confrontation" d'auteurs. Était-ce une "négociation de sens"? Peut-être. Mais je crois que c'est plutôt deux sujectivités qui s'entremêlent dans le texte.
Le texte est maintenant là, donné au lecteur qui peut penser que le texte réflète un sage débat. Mais imaginons que moi et ce co-auteur avions chacun de notre coté écrit la bio d'Umberto Eco. Est-ce que le même lecteur, qui aurait lu nos deux bios, n'aurait pas alors virtuellement "négocié le sens" à notre place? Cette "version" dans sa tête n'est-il pas meilleur que le texte sur wikipédia?
Ce qui m'amène à dire que la "négociation de sens" formelle qu'apporte le wiki n'est pas idéal pour des "débats contradictoires" et qu'il s'applique mieux à des réseaux de pensées qui sont assez proches. D'ailleurs les sujets chauds sur wikipedia sont victimes soit de vandalisme soit de sclérose. Par contre les sujets froids (sciences notamment) ne portent pas à confusion.
C'est dans cette optique que je pense que les blogs sont des outils pour la création d'idées/d'opinion et que les wikis sont des outils de créations de documents. En bouillonnement, les arguments sont trop volatiles : les blogs les captent mieux. Une fois reposées, stables, les idées sont bien accommodées par le wiki.
Mais n'est-ce pas quand le sens bouillonne de toute part que c'est plus fascinant?
Il n'y a pas de sens préexistant : ceux qui interagissent ensemble, voient flotter un potentiel de sens, le façonnent, le transforme et en font émerger un sens provisoire, toujours négociable. Le wiki, éternel tableau blanc modifiable à l'infini, peut-il suivre ces premières ébauches?.
La conversation carnetière, n’est pas qu'un transfert d’un message, il est le lieu d’une fabrication cognitive du sens. Ce sens se situe à mi-chemin entre la parole de chaque auteur.
Post-scriptum: Si le sujet vous intéresse, j'ai fait deux balado-diffusions sur la collaboration: Collaborer en réseau: mythe et réalité, entretien avec Régis Barondeau et Les nouvelles hiérarchies, entretien avec Jon Husband (M2 - la balado sur les mutations au carré)
Forum, wiki, blog
- les blogs sont un endroit pour développer une réflexion/une opinion
- les forums sont un endroit pour développer un sujet/un thème
- les wikis sont un endroit pour développer un document/un texte
[Mise à jour] J'ai développé dans d'autres billets des points qui complètent bien l'idée de ce billet. Les voici:
Espace:
- Un blog est un espace personnel où l'auteur contrôle l'agenda.
- Un forum est une place commune où les participants (avec le modérateur) contrôlent l'agenda (dans les limites du thème du forum).
- Un wiki est un espace de conjoint de travail où on bâtie soit l'agenda ou soit on l'applique (c'est un projet).
- Dans un blog, l'auteur est au centre.
- Dans un forum, le thème est au centre.
- Dans un wiki, le projet est au centre.
- On lit un blog pour connaître l'opinion d'un auteur.
- On lit un forum pour connaître le débat entourant un sujet.
- On lit un wiki pour connaître l'état d'une question.
- Dans un blog, l'auteur est l'autorité.
- Dans un forum, les intervenants sont (théoriquement) à égalité (ou du moins à tour de rôle selon les questions sur la table).
- Dans un wiki, le texte fait autorité.
Dans la même veine, à lire sur Zéroseconde.com:
La différence entre réseaux sociaux et médias sociaux : essayons de voir s'il y a une nuance entre les deux. Les 6 cultures d'Internet : comprendre les pelures d'oignons cachées sous le web 2.0
Le filtrage social : Émergence d'une stratégie de navigation
Le contenu n'a plus de valeur : c'est la recommandation qui en a !
À quelle question, votre entreprise est-elle la réponse? Les médias sociaux carburen au besoin de savoir.
Guide des meilleures pratiques de projet web Guide gratuite sur le processus d'élaboration d'un projet web, d'une idée à sa réalisation. (PDF, 26 pages)
Enquete sur une conversation
Dans la blogosphère, ce que j'appelle la mise en contexte exige un minutieux travail "d'archéologie cognitive" afin de retracer et suivre une conversation. J'ai beau ajouter un maximum de détails pour permettre une compréhension rapide de mon billet, la plupart des néophytes en carnet que j'invite à parcourir le mien ont le même impression: ils sont perdus.
On décrit souvent le carnet comme un outil facilitant la conversation, mais elle ne facile pas son suivi. Regardons de plus près l'effort exigé.
Commençons notre enquête.
Il y a une conversation intéressante qui se déroule sur le carnet de Ytsejamer. Stéphane y décrit les différences entre les carnets, les wikis et les forums pour ce qui est de la place de l'individu.
Voici le "post" qui m'a suscité mon intérêt: suivons le.
Stéphane::2004-11-21:: Blogue, wiki, forum: quelle place pour l'individu? (partie II)
Pour se mettre en contexte, on considère les hyperliens comme des indices de contexte, nous trouvons une façon claire pour retracer les sources de la conversation initiée.
1) Un hyperlien dans une billet peut être considéré comme une filiation directe à une source de la conversation. Ce que j'appellerai ici "source". Il donne le contexte explicite au billet.
2) Parfois un hyperlien n'est qu'une "citation" servant comme référence, dans son ensemble, à une oeuvre ou un auteur. Ce que j'appellerai alors "référence" (ref). Il existe des "références explicites" (quand l'auteur cite expressément un document ou une personne) et des "références implicites" (quand le logiciel de carnet affiche l'hyperlien de celui qui a écrit).
Veuillez noter que la référence implicite n'est pas futile : pour comprendre l'importance ou connaître la perspective d'un auteur, la connaissance des écrits antérieurs, même s'ils ne sont pas reliés à la conversation en cours, permet de donner du relief à la discussion.
3) Quand une référence explicite est faite pour citer une personne, sans pour autant que celà ajoute davantage d'information à la discussion, c'est ce que j'appellerai un "ping humain" (ping)
4) Un commentaire (comm.) suite à un billet peut être considéré comme un suivi explicite de la conversation. S'il offre des liens, ils sont considéré comme des "références", des apartés, souvent pour étoffer la conversation a posteriori (voir point 2) (à moins qu'ils pointent vers d'autres conversations, c'est un trackback manuel (voir point 5)
5) Le trackback n'est en fait qu'un indice qu'un autre billet poursuit la conversation ailleurs. Dans ce cas, à rebours, le présent billet est la source de nouveau billet (voir point 1).
Mais pour "se mettre en contexte" il faut suivre minimalement les hyperliens proposés et lire les commentaires (et éventuellement les hyperliens laissés dans ces commentaires).
Recréer le "contexte":
C'est donc par le billet de Stéphane que je suis "entré" dans la conversation. Mais ce billet n'est pas une réflexion ab nihilo. Cette réflexion a suivi, on l'imagine, des lectures antérieures. Le carnet permet de rendre explicite les interconnexions de la réflexion.
Stéphane indique ses sources de référence pour nous situer dans la conversation:
(source) Pierre::2004-11-21:Réflexion du dimanche matin
(source) Stéphane::2004-11-21:Blogue, wiki, forum: quelle place pour l'individu?
Et pour pouvoir suivre la conversation nous devons lire les commentaires (3 à ce jour).
Un commentateur donne un lien vers une source externe
(ref) Pierre::2004-11-21 Stratégies gagnantes pour intégrer les TIC
En principe l'hypertexte peut donner des relations de façon exponentielle. Dans les faits l'arbre des possibilités tend à s'élaguer d'elle-même.
En remontant chaque source et en suivant cheque référence je suis en mesure de recréer la conversation et son contexte. Je vous grâce des détails pour en arriver là.
Je suis remonter jusqu'à la "source" et je les ai divisé en "cluster".
Voici donc ce que ça donne, si on s'amuse à formater comme sur un forum.
J'ai mis en indentation les commentaires les plus pertinents ainsi que les références et les pings.
(en gras, ce sont les billets)
(en italique, ce sont mes résumés personnels de ce qui a été dit)
1.Stéphane::2003-09-15::Coconstruction vs cybercarnets (+6 commentaires)
"Les cybercarnets sont-ils des outils efficaces pour soutenir la construction collective de savoirs? Les cybercarnets sont surtout adaptés à la construction individuelle"
(ping) Marie Hélène
(réf) Knowledge Forum "logiciel dédié à la coconstruction de connaissances"
(réf) Portolio de l'institut St-Joseph
--(comm.) Clément::2003-09-15::"La publication est la fonction première des carnets, mais doublé de mécanismes de résautage on s'approche de la coconstruction. Mais est-ce que les carnetiers prennent la peine de revenir sur leur billets pour les enrichir au fil du temps?"
----(réf) Personal knowledge publishing and its uses in research "It's an emerging form of knowledge sharing called personal knowledge publishing".
----(réf) Knowledge work as a craft work "Chronological structure of k-logs makes it straightforward to capture an audit trail of an evolving knowledge work product"
----(réf) Architecture Matters: The Rebirth of Public Discussion "Blog discussion goes through different architectural design pattern "you own your own words".
--(comm.) Marie-Élaine Jobin::2003-09-18::"Le meilleur exemple de début de coconstruction ne serait-il pas ici l’utilisation potentielle du carnet comme« knowledge building » en communauté?"
--(comm.) Christine Hamel::2003-09-19::"Je ne crois pas qu'on soit ici en présence d'une coconstruction des connaissances..."
--(Comm.) Stéphane::2003-09-19 ::"C'est un journal de pratique réflexive plus évolué et surtout plus ouvert!"
--Christine::2003-09-16::Le débat est lancé... (+13 commentaires) "Est-ce qu'il a vraiment une construction collective de sens puisque c'est moi qui améliore mes idées, les peaufine, les change au contact des autres?"
--(réf)Retour en enfance... ("l'usage des cyberporfolios à l'institut St-Joseph où une communauté d'apprentissage se forme")
----(comm.) Mario::2003-01-16::"C'est pour toi une construction à partir de points de vue collectif puisque les autres ont contribués (en te lisant et en réagissant)"
----(comm.) Christine::2003-01-16:: "mais ne sagit-il pas plutôt d'une construction personnelle grâce aux interactions avec la collectivité?"
----(comm.) Clément::2003-01-16::"Une construction de sens peut prendre place sans que cela ne soit forcément « visible ». Quel est l'intérêt de chercher à rendre visible une construction collective de sens si l'ensemble des personnes participantes aux échanges sont personnellement engagée dans une construction de sens qui est perçu comme telle?" (+ un ping humain à Seb)
----(comm.) Christine ::2003-01-16:: "La construction collective de sens amène les auteurs à le négocier pour en arriver à une compréhension commune et collective qui sera partagée par le groupe et non pas s'en servir à des fins personnelles, plus individuels"
----Clement::2003-09-17:: Les carnets et la « construction de sens »: affaire collective ou personnelle? (1 commentaire)
2. Les deux billets du point c sont en fait des parties d'une discussion commencée plus tôt par :
Mario::2003-12-10::Sans hyperlien !(+9 commentaires)
--Clément::2003-12-10::(réf) zone proximale de développement
----Mario::2003-12-11-10::(réf) Le professeur peut avoir tort. Réfléchissez vous-même
--Stéphane::2003-12-11::Bloguesphère: la danse de l'abeille
----Stéphane::2003-12-11::(réf) http://ask.metafilter.com/
----Clément::2003-12-11::Les carnets: pour qui? pourquoi? Et moi dans tout ça...(+4 commentaires)
------Stéphane::2003-12-29::Bloguesphère: la danse de l'abeille (revisité) (+2 commentaires)
--------Stéphane::2003-12-29::(réf) Une toile vraiment intelligente!
--------Stéphane::2003-12-29::(réf) Web sémantique, prise 2
3.Gilles::2004-11-06::Après trois mois (+3 commentaires **)
----Gilles::2004-11-06::(réf) Carnets vs Wiki
----Gilles::2004-11-06::(réf)Welcome to my life.......
----Gilles::2004-11-06::(réf) http://www.portfolio-multi.net/
----Gilles::2004-11-06::(réf) http://www.dotclear.net/
------Mario::2004-11-06::La pensée « socio-hypertextuelle » (+1 commentaire **)
------Stéphane::2004-11-07::Les blogues, banc d'essai sécuritaire pour les réflexions (1 commentaire)
------Pierre::2004-11-09:: Stratégies pour suivre le fil!
** Arrivé à cette étape de mes recherches, je remarque que je suis moi-même entré dans la conversation sans le savoir: j'avais commenté un billet de Mario sans connaître ses liens avec celui de Gilles et encore moins avec la recherche en cours. Hum. Suis-je un suspect dans la démultiplication du contexte? heureusement, je m'en suis tenu à quelques phrase sans donner d'hyperlien!
Mais maintenant, que faisons-nous? nous voilà avec trois sources, voyons les réponses provoquées par le post lui-même pour avoir un portrait global: quatrième point.
4. Stéphane::2004-11-21:: Blogue, wiki, forum: quelle place pour l'individu? (5 commentaires)
--Pierre::2004-11-21:: Réflexion du dimanche matin
----Pierre::2004-11-21::(réf) Forum de LinuxÉdu-Québec
----Pierre::2004-11-21::(réf) Stratégies pour suivre le fil!
----Mario::2004-11-21::Analyse de pratique dans l'utilisation de certains outils de publication Web
----Mario::2004-11-21::(réf)Glossaire subjectif du jargon carnetier
----Stéphane::2004-11-21::Blogue, wiki, forum: quelle place pour l'individu? (partie II) (+3 commentaires)
------Pierre::2004-11-21::(réf) le wiki peut aussi servir à développer une vision commune d'un sujet.
Deuxième remarque aussi, voyez comment les bouts de conversation sont rapprochés dans le temps. Ici, tout se joue dans la même journée (un dimanche de novembre il faut dire).
5.Et on pourrait rajouter un cinquième point (comme table des matières?) ce billet que vous lisez en ce moment.
C'est en suivant tous ces liens présentés ici que vous serrez en mesure d'avoir le maximum de contexte explicite. Bien sûr, je précise explicite car il est toujours possible de chercher du contexte latérale, c'est à dire de fouiller un blogroll, rechercher sur les posts publiés auparavant pour se donner un maximum d'éléments pour appréhender ce qui sera lu.
Ce qui frappe en lisant le tout, c'est de voir que la conversation n'en est pas une avant quelques billets, que les idées fusent ça et là mais qu'il n'y a pas de volonté de créer absolument une conversation formelle, c'est à dire une suite de billets, comme un forum le ferait. Elle se crée après coup, seulement dans la reconstitution qu'un lecteur peut en faire, comme ici.
On voit aussi que les discussions sont en fait des "déchaînements localisés dans le temps" (une salve de posts et de commentaires arrivent souvent dans la journée même). Mais la conversation se poursuit sporadiquement grâce aux hyperliens (4 étapes). Autrement dit, les commentaires apparaissent à chaud mais les trackback à froid.
Autre conclusion intéressante: pour participer à une conversation, il est important de possèder un carnet personnel car les commentaires ne semblent pas être l'endroit pour poursuivre une conversation commencée longtemps auparavant... (Ce que l'on pourrait appeller l'approche organique ou bottom up)
Dernière remarque. Le carnet permet la discussion à bâton rompu, ce qu'un forum ne permet pas toujours (la digression, réelle ou perçue, peut soit étouffer les individus ou soit tuer le forum). La conversation de carnets permet de dévier du sujet de départ.
La première phrase de tout cette (longue) conversation était celle-ci: "Les cybercarnets sont-ils des outils efficaces pour soutenir la construction collective de savoirs?".
C'est après avoir parcouru ce "contexte" de conversation que vous pourrez situer ce que je vais rajouter:
Je crois que oui. ;-0
Sur le contexte dans un carnet
"[le carnet] nous permet de garder une trace de nos discussions et de formaliser le contenu de ces discussions. C'est particulièrement important pour les projets longs lors desquels les interlocuteurs sont amenés à changer. Lorsque c'est le cas, toute l'information est accessible, organisée et disponible."
Il ajoute : "L'approche weblog est structurante car elle nous force à décomposer notre contenu en composants unitaire (les posts) qui ont chacun un sens". (je souligne)
Très intéressante remarque. Jusqu'à maintenant, on célébrait surtout la "liberté" qu'offrait le carnet. Il eut été étonnant que cet outil s'affranchisse de ce phénomène : un l'outil modifie toujours le processus ou les contenus.
Mais connaissant la simplicité désarmante d'un outil comme le carnet, comment est-ce possible?
Oh rien de technique. Je dirais que c'est systémique: l'absence de contexte dans la relation médiatisée oblige à "encapsuler" un maximum d'information pour permettre de le reconstituer. C'est ce que veut dire "décomposer notre contenu en composants unitaire (les posts) qui ont chacun un sens".
J'avais déjà nuancé la notion de contexte dans un carnet, mais je dois reconnaître que même si le carnet n'est pas parfait il permet au moins de faire prendre conscience aux gens qui communiquent par réseau cette notion fondamentale : on ne communique pas seulement avec des mots.
Ce qui démontre les limites (actuelles) de la communautique (social software) mais explique pourquoi il est important de s'initier jeune à ce mode, car un nouveau code se développe.
Je pense aux émoticons ;-) mais aussi à des mots clefs comme "backtrack" ("rétrolien" - traduction tout aussi obscure), "#" (pour "permalien' ou URL - mais ce n'est pas plus clair), "via" (convention de citation)...
Je pense surtout aussi aux pages accueil d'un blog (qui défie l'ancienne convention "une page, un url" - elle est conçue pour être "scrollée" rapidement, et non pas surfée en "hypertexte")...
Je pense encore plus aux outils dits d"ego-surfing", qui sont en fait des outils de type "Echelon" -mais personnel ;-). Regardez ces exemples qui illustrent comment on attire l'attention entre "bloggeurs":
1. Sylvain écrit "Ça va plaire à Clément ce truc!". (Il n'y a pas de complément d'information, seulement un "ping humain").
2.Steve Gillmor écrit "Anyone who wants to get Robert [Scoble]’s attention merely puts his name in a post, preferably in the first graf where the abstract will pick it up on description-only RSS feeds. Next, you have to talk about something Robert’s interested in, [suit une liste de mots clefs].
Le carnet produit une culture, donc des codes, pour recréer un subsitut de contexte. En entreprise, cette voie permet de formaliser des "conversations" et conserver, au final, du "contexte" pour l'entreprise.
J'en étais à ces réflexions quand ma copine, de la cuisine, me dit : "Il veut qu'on l'appelle". Et moi, sans me retourner, je commence une conversation sur la politique municipale. Oui. La politique municipale, car je la savais dans la cuisine (voix lointaine), en face du réfrigérateur (voix masquée) où se trouve une étrange note de notre conseiller municipal demandant d'appeller le maire sur un sujet local. Jamais aucune note ne pourra contenir autant de "contexte" dans si peu de mots (pour la simple et bonne raison que le contexte ne venait pas des mots). Pour un médium écrit, c'est tout un défi...
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Si vous êtes intéressé par les carnets, il y a une bonne discussion en cours sur sa place vis-à-vis des forums et des wikis sur le carnet deYtsejamer.
Post-scriptum (17h00)
je viens de faire le travail de contextualiser (à la main) la "conversation" de Ytsejamer - question de garder une trace...:
Mario::2003-12-10:: Sans hyperlien !
Stéphane::2003-12-11:: Bloguesphère: la danse de l'abeille
Clément::2003-12-11:: Les carnets: pour qui? pourquoi? Et moi dans tout ça...
Stéphane::2003-12-29:: Bloguesphère: la danse de l'abeille (revisité)
Stéphane::2004-11-21:: Blogue, wiki, forum: quelle place pour l'individu?
Pierre::2004-11-21:: Réflexion du dimanche matin
Stéphane::2004-11-21::Blogue, wiki, forum: quelle place pour l'individu? (partie II)
Le problème de "remonter" la conversation en "temps réel" est que l'on pert le fil et qu'un "début" n'est jamais clairement établie ; plusieurs branches peuvent pousser en cours. Ici, heureusement le billet qui a "inspiré" le "thread" est sans hyperlien. On voit ici la puissance d'un hypothétique "agrégateur de conversation" qui placerait les "notes" comme dans un forum...
Les hyperliens ont un concurrent : la citation !
"Google Scholar enables you to search specifically for scholarly literature, including peer-reviewed papers, theses, books, preprints, abstracts and technical reports from all broad areas of research. Use Google Scholar to find articles from a wide variety of academic publishers, professional societies, preprint repositories and universities, as well as scholarly articles available across the web."
Source
L'outil permet de retrouver les documents d'un auteur particulier avec le nouveau préfixe "author:" (exemple " author:mccarthy artificial intelligence").
Nouveau paradigme aussi: la "citation". Google retourne des "liens" qui ne sont pas des liens. Non, ce sont les "citations" vers des documents qui ne sont pas en ligne, en attendant qu'ils soient disponibles un jour.
Ce dernier aspect mérite toute notre attention.
L'Internet offrait aux rechercheurs une liberté de publication, mais au prix de se retrouver noyé dans la masse d'information. Google vient résoudre le problème. La course aux "citations" prendra de l'ampleur et Google veut se positionner comme l'outil numéro 1 mondial de la citation.
Ne vous trompez pas, les "scholar journals" sont une grosse "bizniss". Google vient de marquer un coup gigantesque. Gigantesque.
On propose souvent une formule pour décrire le phénomène de citation: qu'importe le sujet, un petit groupe (noyau) de revues procure le tiers des citations recherchées, un moyen groupe (moins central) en procure un deuxième tiers, et un très large groupe (périphrique) donne le dernier tiers.( Selon la Loi de Bradford)
C'est à dire : sur votre sujet X, vous trouvez 300 citations, il y a de grande chance que 100 citations proviennent d'un groupe (core) de 5 revues, 100 autres citations proviennent de 25 autres revues moins centrales et 100 citations de 125 revues périphériques.
Possèder les 5 revues "core" garantissait à l'éditeur le contrôle de ce qui sera lu, acheté et cité. Gros sous, gros sous, je vous disais. Encore mieux, l'autorité qui "dictait" quels étaient les 5 revues cores d'un domaine précis, devenait de facto, par prophétie auto-révélatrice, (1) l'autorité pour nommer ce core et (2) créait le core car tous le monde cherchait ensuite (a) à publier dans ces revues core (b) acheter ces revues core et (c) lire et citer ces revues core.
Vint Internet. En se libérant de ces revues core, par contre, on se noyait dans la masse d'information (Umberto Eco disait que La Pravda de la belle époque et le New York Times avaient le même objectif, car l'un empêchait la diffusion de l'information et l'autre la noyait dans tout ce qui "fits to print").
En proposant Google Scholar, un "citation space" s'est créé. Ceux qui me lisent comprennent très bien la valeur d'un hyperlien. La citation possède une valeur hautement plus symbolique car elle lie deux documents ensemble... et non deux URL. La citation dit : ce document m'a précédé et je lui rend ce que je lui dois. Voyez le comme un "hyperlien pondéré avec un certificat d'authentification" (car je vois mal comment fabriquer des "google bomb" sans briser sa crédibilité). Et même dans le cas de Google Scholar, la première étape de rapprocher le print et le digital via un hybride hyperlien/citation est amorcé.
Le citation rank sera aux intellectuels ce que le page rank est aux bloggeurs.
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Intéressé par la loi de distribution de Bradford et les index de citations? lisez le document de Jean-Claude Guédon de l'université de Montréal et particulièrement le chapitre 6 ( The Science Citation Index and Some of Its Consequences ).
(17 dec 2004) Intéressé par les moteurs de recherche académique en ligne? (via Urfist)
C'est l'algorithme qui décide!
Réponse de l'équipe?:
Well, we just pushed out our latest round of automated relevance improvements and they changed the results. Now neither Google nor Microsoft rank in the top 10 any more for this particular query. Our algorithm changed its mind."Our algorithm changed its mind". Wow. La technologie a décidé toute seule!
Just so you know (since I’m sure you’ll ask), this wasn’t a targeted change. We are constantly refining our ranking algorithms to produce the best, most accurate results, so changes like this happen all the time. [...] The algorithm decides!"The algorithm decides!". Belle démonstration de l'idéologie TI qui mèle ici encore ce qu'elle croit à ce qu'elle voit. Ah ce que je sache, l'algorithme ne s'est pas modifié lui-même.
S'il fallait ne donner qu'un seul exemple qu'un moteur de recherche façonne notre conception du monde, il est trouvé! Derrière le moteur se cachent des principes implicites de classification du savoir et d'organisation de la connaissance. Les peuples, les cultures et leur gouvernement doivent impérativement s'intéresser à ce phénomène au risque de voir disparaître un pan de sa connaissance parce qu'un "algorithme en a décidé ainsi"...
Qualités émergentes du carnet
- Auto-édition personnelle (parfois de groupe)
- Notes affichées en ordre chronologique inversé sur une page d'accueil
- Mise à jour fréquente
- Forte composante d'hyperliens
- Archives
- Ouvert aux commentaires
- HTML, XML, RSS <-- rendu à ce stade-ci, mes pauvres auditeurs sont déjà en train de penser à ce qu'il doivent acheter pour préparer leur souper. Je me suis même une fois rendu à expliquer le trackback! Cà et une Jeep embourbée dans du sable mouvant c'est pareil. Les arguments coulent à pic et le client disparait sans laisser de trace. En réduisant le phénomène des carnets à ses constituants, on se perd dans des détails qui nuisent à la compréhension émergente. Les carnets ont beau être les descendants des pages personnelles, quelque chose de plus ressort de la blogosphère...
- Voix personnelle
- Sincérité
- Aucune intonation marketing
- Expression d’une expertise
et…
- Bâtir la confiance
Prenez par exemple Microsoft. Il devient clair que son image change avec son utilisation des carnets. L'excellent carnet PointBlog décrivait avec justesse comment les dysfonctionnements lors du lancement de l'engin de recherche de Microsoft seront perçu différemment avec la venue du blog de l'équipe de développement...
"Nous avons eu des difficultés techniques qui ont causé des dysfonctionnements et des indisponibilités [...] Nous y travaillons et tout devrait s'améliorer rapidement [...] Nous nous attendions à avoir des problèmes avec la version beta, et nous pensons qu'il faudra limiter la disponibilité pour des raisons de maintenance. Nous voulons identifier ces problèmes pour pouvoir mettre au point un meilleur produit, et vous remercions de votre aide pour ce faire."
Source originale
Traduction de Cyril Fievet, PointBlog
Voir aussi ClickZ: "MSN Search Team Blogs, Admits Bugs" (toujours via PointBlog)
Les relations publiques ne seront plus jamais les mêmes : les carnets aident à bâtir la confiance. Confiance avec le public mais aussi confiance avec ses propres employés. Microsoft met en application ce que Robert Scoble, un bloggeur très connu chez Microsoft, a écrit dans son "corporate blogs manifesto". Cyril nous fait remarquer en plus que "le court blogroll du blog Microsoft fait figurer les blogs respectifs de ses deux principaux concurrents, Google, et Yahoo!...". Changements en vue!
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