Vincent Olivier m'a refait parvenir le lien vers un de ses
grands textes qu'il a écrit et que j'ai relu avec plaisir (et avec plus de disponibilité et de recul que la dernière fois -- certaines lectures de Nietzsche que j'ai fait depuis aidant, même si elles ne sont pas nécessaires à son interprétation).
Je vous en livre un extrait, parce que c'est à petite dose qu'il faut savourer les grandes idées.
«Sois parfait! (haweî shelîm, Génèse 17,1 והוי שלים dans l'araméen original) telles furent les paroles de Dieu invitant l'homme à devenir surhomme, qui, depuis une tradition orale née en Mésopotamie, le berceau de la civilisation humaine, environ en 6000 avant notre ère, fondèrent l'occident sémite. Faisant du personnage de Yaveh le fondateur d'un humanisme qui est pratiquement resté inchangé depuis. Ce sois parfait semble d'ailleurs être de loin la parole la plus étymologiquement importante de toute notre histoire, car de shelîm, le mot araméen pour entier/entièreté, parfait/perfection, paix/paisible, intègre/intégrité, complet/complétude, par lequel nous sont parvenus les mots shalom, salem, Jerusalem (ville parfaite), saalam, Islam (exercice de la perfection) muslim (pratiquant de la perfection), et aussi le latin salus, le français salut, et par une savante alchimie mélangeant les langues dérivées du nostratique que j'ai confirmé auprès du célèbre protolinguiste George Starostin, il est maintenant apparent que nous devions à shelîm (ou à tout le moins à ses racines antérieures) le grec helos, et les salutations hello, allo, etc. Force est de constater qu'à même l'ADN occidental, à travers chaque salutation, chaque poignée de main, se reconduit cette invitation au dépassement de soi.»
Extraits de La Maison Laide, Vincent Olivier
C'est sûr qu'après
#tlmep ou
#oc8, ça peut faire mal à la tête. Mais c'est bon pour l'esprit. L'extrait ne fait que mettre l'eau à la bouche et le reste est encore plus dense. Ce qui me confirme que c'est par à-coup qu'il faut y revenir, le temps de digérer.
Comme j'ai toujours de la misère à retrouver les sources de mes lectures, Zéro Seconde est un endroit finalement pratique pour m'y retrouver et bâtir un corpus intéressant des idées qui viennent. Je me permets donc de citer cet extrait pour mémoire. Et ce travail me permet d'intégrer ses concepts.
Les opérateurs du prochain Grand Jeu
La question profonde qui traverse son texte rejoint celle du sens à donner à la "révolution" en cours, celle d'internet qui prend d'assaut toutes les sphères et reconduit en fait un sempiternel combat entre une élite oppressive (mais changeante,
dans le sang parfois) dominant les masses (toujours aussi soumises) alors que se met en place, en fait, une mutation par une autre élite (les Programmeurs) qui proposera un nouvel environnement (et on ne parle pas ici d'une mise à jour de Facebook) qui devrait déloger définitivement les humains de leur anthropocentrisme.
Les multiples questions qu'il se pose ne peuvent pas être répondues tout de suite -- on a encore le temps et l'espace pour le faire.
Mais il est clair que le Grand Jeu qui se met en place dépasse les simples enjeux de ce qu'on nomme pour des raisons baptismales de facilité «Web 2.0», même s'ils le précèdent, le préparent et en tracent des contours. Qu'est-ce qui sortira de ces changements en cours, quel humain et quelle dignité peut-on espérer?
e-pluribus unum
Comme sa théologie spéculative est une «invitation à se libérer à se dépasser et à se réfléchir meilleur» -- d'où mon besoin d'aller chercher des réponses auprès de Nietzsche-- il n'y a pas nécessité de se presser à jouer le jeu du temps réel, mais, comme pour paraphraser Sloterdijk, les billets sont de petites lettres lettres adressées aux amis, une télécommunication dans le temps à des esprits qui cherchent des réponses à des questions similaires: le temps viendra à ceux qui savent attendre --tout de même une définition tautologique qui n'est pas dénuée de sens.
J'ai effectivement mes petites questions à répondre aussi. Justement celles que Vincent-Olivier m'avait adressées cet été. Une partie des réponses se trouvent dans le vidéo plus bas, mais je les laisse in extensio ci-dessous pour mémoire.
La plupart des réponses seront données au cours des prochains mois sur le fil de Zéro Seconde, pour tenter d'amorcer la nouvelle décennie avec la réflexion appropriée. On ne peut pas s'en tenir à voir l'avenir le nez collé sur sa roue de tricycle.
Réflexions
Vidéo à écouter sur l'édifice.tv. Un interview que j'ai donné cet été, et remixé par Vincent Olivier
Questions de Vincent Olivier qu'il me pose après l'interview, suscitées par les réponses données durant l'entrevue, elles-mêmes soulevées par ses questions d'intervieweur. Vous suivez toujours?
- Est-ce qu'il est possible de s'adresser à l'intelligence des gens et être populaire? Est-ce que l'incapacité à le faire signifie que la majorité des consommateurs de contenus sont stupides? Est-ce que les auteurs en sont réduits à une littérature confortable ou comique, parce que la lucidité, c'est out? On dit vouloir des intellectuels au Québec, mais est-ce vrai? Serions-nous réellement capables de leur faire une place dans la sphère médiatique? (des pistes @ 1:12)
- Qu'est-ce qu'IBM cherche à prouver avec d'abord Deep Blue et aujourd'hui, avec Watson? Comment interpréter les slogans d'IBM qui ont toujours tourné autour de l'intelligence (le THINK! original, au "bâtissons une planète plus intelligente" en ce moment)? Que se passe-t-il si l'intelligence de la presque totalité des humains est obsolète (en rappelant ici le concept du "tittytainment")? Que reste-t-il de l'humain, sans l'avantage compétitif de l'intelligence? La fin de l'intelligence humaine est-elle la fin du propre humain, justement, l'intelligence étant ce qui nous distinguait jusqu'ici des animaux et de la technologie? Quel sera l'impact sur la culture, si nous avons majoritairement abdiqué l'intelligence? Restera-t-il même une culture? (des pistes @ 2:47)
- Est-ce que la jouissance est la finalité de l'existence et la complétude de l'humain? Que faut-il en penser, si Lacan et d'autres philosophes majeurs ont d'ailleurs spécifiquement opposé jouissance (et quête de) à intelligence (et quête d'). Sommes-nous programmés et manipulés par le bout de notre jouissance, ainsi que Crighton l'a suggéré dans L'homme terminal? N'est-ce pas là le propre du marketing? Est-ce que la jouissance est le langage de programmation de l'humain comme le pensent les informaticiens (par la ludification) et les psychanalystes (le neveu de Freud, Edward Bernays ayant inventé le marketing moderne)? (des pistes @ 4:12)
- Existe-t-il une séparation réelle entre les bergers "lettrés" (de cette nouvelle "littérature" numérique) et le bétail domestiqué (contrôlé par son rapport à la jouissance et au confort, rappelant le "du pain et des jeux" antique)? Qui sont les nouveaux bergers? Peut-on voir dans les pilules bleue (Viagra, quelqu'un!!!??!) et rouge dans la Matrice une parfaite illustration de la violence de la séparation entre la lucidité et l'enchantement domestique? Deux espèces différentes, d'un point de vue de la mémétique? (des pistes @ 6:13)
Source
Je répondrai à certaines de ses questions. Il m'a surnommé le Marshall McLuhan québécois. On devrait être capable d'être à la hauteur.