ZEROSECONDE.COM: Daily d'initiés (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Daily d'initiés

The Daily is out. C'est cas de le dire. La dernière édition sera mise en ligne le 15 décembre. Autopsie.



L'expérience journalistique sur la tablette a tourné court. The Daily, du magnat Murdoch, était le premier quotidien exclusivement sur tablette, planche de salut espérée du journalisme.

J'écrivais en mars 2011 sur mon autre blogue, Triplex, que si, sur l’iPad,  «The Daily offre une [bien] meilleure mise en page qu’un site web, il n’a pas démontré sa capacité à intégrer le nouveau mode de consommation de l’information (partage, annotation, commentaires, filtrage social…).»

Le projet n'était pas mauvais au départ. Bien financé, bien staffé, il avait tout pour plaire. Tout? Non, car il lui manquait cette compréhension de la culture du contenu numérique: tout, tout le temps, tout de suite.

Alain Gerlache le résume très bien:
L’erreur de départ, c’était de n’être présent que sur une seule plateforme, la tablette. Or, selon Jeff Sonderman, un expert du Poynter Institute, les utilisateurs de tablettes sont, je cite, des « omnivores numériques ». Ils sont très polyvalents. Leurs médias favoris, ils veulent les consulter sur tous les supports, et passer de l’un à l’autre : les tablettes, mais aussi les téléphones intelligents, les ordinateurs et même le papier.
Publié une fois par jour et non en continu (sauf la section sport), la seule différence avec le papier est qu'il ne tachait pas les doigts.

Dans un journal près de chez nous

Ici à Montréal, les regards se sont tournés vers La Presse.


On sait qu'ils préparent un «plan iPad». Heureusement pour eux, et contrairement à Murdoch, ils partent d'une marque connue. La Presse jouit d'une bonne réputation dans ce bastion francophone en Amérique du Nord

Est-ce suffisant pour passer au tout-numérique? L'expérience du Daily illustre en tout cas qu'il ne faut pas se limiter à une seule plateforme.

La Presse, de grand journal dans un marché étroit (il n'y a que 4 quotidiens à Montréal), deviendra une petite application dans un océan de 1 million d'apps...

Pour rester top of mind, la pertinence doit être au rendez-vous.
«Si vous appelez un journal The Daily, vous devez trouver le moyen d'en faire un média à lire absolument chaque jour, ce qui veut dire un contenu différencié» - Ken Doctor, spécialiste américain des médias, du blog Newsonomics. (propos rapportés par Xavier Ternisien du Monde)
Les causes d'un échec

Il y a probablement plusieurs raisons à l'échec du Daily.


- Coûts trop élevés (base de lecteur trop faible)? Peut-être, mais à 100 000 abonnés, plusieurs journaux s'en seraient très bien contentés.

- Prix au numéro pas assez élevé? 40$ / année était peut-être trop bas, mais la publicité aurait pu combler la différence

- Contenu peu attrayant? L'équipe de rédaction était au contraire de haut niveau. L'angle, alors? Peut-être, Murdoch, c'est NewsCorp, ne l'oublions pas.

- iPad seulement? À la fin, ils étaient aussi sur Android et sur les téléphones mobiles.

- Un ensemble de tout ça? Fort possiblement. The Daily ne doit pas être pris comme l'ultime essai indépassable d'un quotidien sur une tablette. Le contenu a probablement plus fait de tort que le contenant.

La plupart des critiques s'entendent à dire que le manque de moyen pour partager les nouvelles a joué pour beaucoup.

Partager les nouvelles offrent deux avantages.

1- vous connaissez ce que les lecteurs lisent réellement (ou du moins ce qu'ils pensent que leur réseau personnel devrait lire) et il est possible ensuite de répondre mieux à la demande

2- vous permettez à votre marque et vos contenus d'être découverts. Dans un monde de surabondance d'information, la "découvrabilité" est un avantage concurrentiel énorme.

Mais il y a tout de même une chose que personne n'ose dire de front: si Murdoch a lâché The Daily, ce n'est pas qu'il ne faisait pas d'argent (par simple arithmétique, j'arrive à 4M$/an comme revenu pour ce projet), c'est qu'il n'en faisait pas assez.

Les financiers lâchent les journaux parce qu'ils ne font pas assez de cash. Les années de vaches grasses sont derrières eux. L'osmose avec le monde de la publicité ne tient plus.

Un modèle de frugalité est à explorer. Bonjour Le Devoir.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais si j'étais un regroupement de journalistes, je commencerais à regarder de ce côté.

À lire:

What The Daily Got Right From Day One, TechCrunch
Scale, tablets, and what to take away from The Daily’s failure, Nieman's lab

The impossibility of tablet-native journalism, Felix Salmon
3 Theses About The Daily's Demise, The Atlantic
Throwing the bathtub out with the bath water, MacWorld
Why The Daily Failed, And What Rupert Murdoch Should Have Launched Instead, ReadWrite



0 commentaires:

Publier un commentaire

Les commentaires sont fermés.