On crie, on s'essouffle, on s'exclame, on se questionne. Le CRTC se demande si Internet ne pourrait pas être réglementé dans le cadre de la Loi sur la radiodiffusion canadienne. Appuyez sur pause. On prend un verre d'eau. Et on fait un inventaire des lieux, question de préparer des munitions pour le long terme.
Étincelle
Une dérive alarmante, s'écrie la coalition de 18 regroupements d’artistes et d’entreprises culturelles canadiennes, la culture n'est pas une marchandise comme les autres: il faut la protéger des lois aveugles du marché. Et le rôle du CRTC est justement de réglementer la présence sociale et culturelle, dans le système de radiodiffusion, de l’identité culturelle canadienne. Notamment par des quotas de contenu canadien en onde.
Paille
Les porte-parole du regroupement dénoncent une "dérive réglementaire du CRTC" qui laisse entendre qu le développement fulgurant des nouvelles technologies (internet au premier plan) démontre la désuétude de ses politiques culturelles, prétexte, pour le CRTC, de déréglementer l’ensemble du système canadien de radiodiffusion afin de favoriser les lois du marché et les forces de la convergence.
Huile
Effectivement, le rapport Dunbar-Leblanc, commandé par le CRTC cet été, propose le démantèlement de plusieurs pans de la réglementation actuelle. Les quotas, il faut le comprendre est une affaire de gros sous pour les artistes. En visibilité et en subvention. D'où le coup de gueule, car les nouvelles technologies viennent changer la donne.
Flamme
"Alors? Le défi consiste à faire en sorte que l'offre soit proéminente sur internet. Vraiment? Comment, en 2007, peut-on imaginer des règles contraignantes sur internet qui feraient en sorte que les musiques québécoises et canadiennes puissent être ainsi mises en valeur? À l'ADISQ, on y croit." (Alain Brunet, Cyberpresse). Pourquoi pas proposer une solution à la chinoise tant qu'à y être? C'est déjà pensé !
Retour de flamme
M. Arpin, vice-président, radiodiffusion, au CRTC, en réponse à la coalition, annonce qu'il compte tenir des audiences sur Internet ("Devrait-on réglementer l’internet et comment?") et agir dans les trois prochaines années sur ce sujet.
Cendres
Il faut savoir que le CRTC dans son rapport de 1999 annonçait qu'il était contre l'idée d'intervenir sur Internet, notamment parce qu'à cette époque "la plus grande partie de ce qui est transmis sur Internet est essentiellement alphanumérique et, par définition, n’est pas de la radiodiffusion au sens où l’entend la Loi sur la radiodiffusion." Le contenu sur Internet "n’est pas destiné à un usage « grand public » et n’est donc pas de la radiodiffusion."
Souffler
Donc, en relisant leur propre conclusion, il est clair qu'internet a évolué et que ce qui "est transmis sur internet" est dorénavant très proche de ce que les radiodiffuseur transmettent. L'obligation de s'y repencher se fait plus pressant.
Pyromane
Nous devons faire comprendre à ces joueurs, immédiatement, que nous ne sommes pas face à un phénomène similaire: la radiodiffusion règlement un l'espace raréfié: le nombre de station est limité et le nombre d'heure est limité. Assurez des contenus canadiens (quotas) peut avoir un sens pour "contrer les forces aveugles du marché". Une programmation, c'est un "monstre à nourrir" ... et certains diffuseurs le nourrissent à l'avoine transgénique américains. Ça de moins pour l'avoine bio canadien.
Pompier
Internet, c'est la gestion de la demande et l'offre infinies. Ce n'est pas en aval qu'il faut réglementer, c'est en amont qu'il faut stimuler la production. Toute production de contenu multimédia fait en territoire canadien est un produit culturel canadien. Contrairement aux ondes, qui est un univers d'espace limité "de tablettes", internet c'est une auberge espagnole infini où on y trouve que ce que l'on y amène.
911
On craint d'un côté le démantèlement du CRTC et du même souffle on attise le spectre de l'abandon de la neutralité du net. Si on ouvre la boîte de pandore, attendez-vous au déchaînement de plusieurs forces obscures qui déploiront les flammes de l'enfer pour prendre une part du gâteau. Car ici il n'est pas question de principes et vertus...
À lire au coin du feu
Précision sur la dérive du CRTC par Pierre Trudel, Professeur et titulaire de la chaire L. R. Wilson sur le droit des technologies de l'information de l'Université de Montréal.
ADISQ Seeks Internet Canadian Content Requirements par Michael Geist, Canada Research Chair of Internet and E-commerce Law at the University of Ottawa.
CRTC needs to support Canadian Internet Industry, une attaque bien placée, de Digital Thoughts, pour déplacer les subventions des broadcasters vers les producteurs.
Roberto Rocha, dans The Gazette, fait un bon papier sur le sujet.
Lettre ouverte à l’ADISQ, de Sylvain Carle, a frog in the valley, un vieux de la vieille de la culture digitale.
Réglementer Internet?, une réflexion de Clément Laberge, Remolino, blogueur de la première heure.
L’ADISQ est anti-neutralité de réseaux, sur Branche to iPod.
Liste des personnages principaux chez le CRTC, par Pierre Côté, question de passer à l'action
Les personnages principaux du côté du CRTC, un groupe sur FaceBook (via Philippe Martin)
Bona-fide “made in Canada” idiocy, du blogs.law.harvard.edu
The CRTC & the Internet: Forbidden Domain, une longue réflexion d'un internaute.
MàJ (09Nov'07): Émission radio Citoyen Numérique où Michel Dumais s'entretient avec Alain Brunet sur son scoop sur CRTC.
---
3 commentaires:
D'abord, bravo Martin: tu excelles vraiment pour rassembler toutes les sources autour d'un sujet. Bien des journalistes doivent t'aimer de leur mâcher la job. :-)
Quand à nos élites culturelles, j'ai failli les traiter de "gang de tarés" mais je me suis souvenu à temps que je connaissais des gens normalement brillants parmi eux. :-)
Encore une fois, il s'agit du phénomène d'être extérieur à Internet ou d'en faire partie. Quand tu es extérieur, tu perçois la formidable puissance d'Internet comme une menace.
Quand tu en fais partie, cette formidable puissance est à toi et multiplie tes possibilités de créativité et de diffusion: c'est une bénédiction pour les artistes.
Nos élites culturelles devraient être en train d'aider leurs artistes à y accéder. Mais comme elles sont à l'extérieur, elles en ont peur.
Mais il ne suffit pas de leur dire qu'ils n'ont rien à craindre. Les temps de crise sont des temps d'opportunité. Il faut passer le message à nos élites culturelles que des gens comme toi ou Michel Leblanc ou Marie-Chantale Turgeon et tant d'autres sont à leur disposition pour les aider à utiliser cette force au profit des artistes et de chacune de leurs organisations.
La Force est juste là si vous voulez plonger. N'ayez pas peur, on vous tient par la main. :-)
Merci Bruno! Bien lancée, comme commentaire!
Ma première intuition, mais elle n'a aucune valeur scientifique, sinon de révéler mon idée préconçue, c'est que le CRTC n'a aucune intention de faire quoi que ce soit, sauf faire ces foutues audiences pour répondre au lobby du "regroupement d'artistes", avec une espérance que "les lois du marché" vont répondre une bonne fois pour toutes à ce lobby (et ils diront: c'est l'industrie qui a parlé)...
Si on réglemente Internet, demain, 15 millions de producteurs et d'artistes vont se lever au Canada pour dire que leur site web, c'est un produit canadien et qu'ils veulent une subvention pour continuer à téléverser leur vidéo de famille, leurs photos de party et leur tentative d'autofiction...
Pas tout à fait ce que le CRTC souhaite...
Allo Martin.
J'ose un premier commentaire sur le parvis du mâitre.
J'ai peur de la connerie. Pas celle de la foule. Celle des truands qui font de l'argent à distribuer le contenu des autres aux frais de la princesse. Celle aussi de ceux qui ne comprennent pas et qui ont droit de cité.
J'aimerais croire en la neutralité du net. Mais cette neutralité est déjà menacée.
Je cherche un signe d'encouragement. Un tsunami pour éteindre l'idée de feu.
ps: J'aime ton titre
m!.
Publier un commentaire
Les commentaires sont fermés.