Mettre gratuitement un livre en ligne peut-il être bénéfique pour les ventes? "Les gens téléchargent, mais ne lisent pas. Ils téléchargent pour se donner l'impression de posséder quelque chose qu'un jour ils vont lire. Mais quand les gens ont envie de lire, ils vont acheter les livres." L'expérience de Paulo Coelho l'auteur de "L'Alchimiste" teste durement les nerfs des éditeurs.
On apprend sur le site de Bruno Giussani (
Paulo Coelho: Why I pirate my own books, 4 fév 2008, anglais, 992 mots) que
Paulo Coelho a publié en 2000 sur son site un texte qu'il a écrit spécialement pour le Web : "
Histoires pour les parents, enfants et petits-enfants".
En cinq mois, le livre a été téléchargé plus de 1 million de fois. Résultat? "
Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais eu de commentaire sur ce livre " dit Paulo. (Repéré par
Blogging the news)
Téléchargement à volontéEn d'autres mots, télécharger un document du web ne signifie nullement en prendre connaissance. J'ajouterais que cette pratique prolonge l'acte de "photocopie à tout crin" pour ceux qui sont assez vieux pour avoir connu cette technologie ;-)
Si vous êtes comme moi, vous n'avez pas plus lu ce que vous avez photocopié que ce que vous mettez aujourd'hui dans vos signets. Le téléchargement suit le même chemin.
"скачать бесплатно" comme disait ma grand-mèreMais poursuivons l'histoire de Coelho : il a mis une édition russe de L'Achimiste en ligne ("скачать бесплатно" - free download). À ce moment, les ventes du livre flottaient à 1000 copies par année dans l'empire de Poutine. Pas terrible. En 2001, à la grande surprise de tous, ce nombre est monté à 10 000 exemplaires, puis l'année suivante, à 100 000 exemplaires.
La population avait commencé à lire et/ou à en parler, et comme elle aimait le livre, elle l'a acheté. La troisième année, ils ont atteint 1 million d'exemplaires. "
Nous sommes maintenant à plus de 10 millions d'exemplaires en Russie." Depuis il a établi un blogue,
Pirate Coelho pour faciliter la transmission de copies électroniques de ses livres,
dixit Giussani.Goûter avant d'acheter"
Vous donnez au lecteur la possibilité de lire vos livres et le choix de les acheter ou non." Et d'ajouter Giussani que dans les librairies américaines, il n'est pas rare de feuilleter un livre et de siroter un café avant de faire le choix des livres à rapporter à la maison. Donc ce butinage n'est pas exclusif au web.
Paulo affirme que la distribution électronique alimente la vente en magasin pour ses livres "
parce qu'ils [les lecteurs] ont la possibilité de juger ".
Il n'est pas le seul à penser comme ça.
Des actes contre nature (pour les éditeurs)
"Down and Out in the Magic Kingdom", publié en janvier 2003 par Cory Doctorow, a été proposé en même temps gratuitement sur l'Internet.
"
I've been giving away my books ever since my first novel came out, and boy has it ever made me a bunch of money." dit-il dans l'article
Giving it away (Forbes, 2006, anglais, 1457 mots)
Le même jour, il y a eu 30 000 téléchargements (sans compter les copies de copies que les utilisateurs ont distribuées). Aujourd'hui, au-delà de 700 000 exemplaires ont été téléchargés à partir du site de l'auteur.
"
La plupart des gens qui téléchargent le livre ne finissent pas par l'acheter, mais ils ne l'auraient pas acheté de toute façon, je n'ai donc pas perdu aucune vente, je viens de gagner un public" dit-il.
Encore, encore
Seth Godin sort en 2001 son livre "Unleash the IdeaVirus" (qui se résume ainsi: les idées sont des virus et se propagent comme la grippe.) Et comme les idées gratuites se propagent plus vite, il le met en vente tout en
le donnant gratuitement sur son site. Résultats? Premier jour: 3000 téléchargements. Puis après: 1 million. Au bas mot 2 millions de copies circulent. et
ça lui a rien coûté pour atteindre cette audience. Hum.
Et toujoursJoël De Rosnay et Carlo Revelli ont publié "La révolte du pronétariat, des mass media aux médias des masses " en 2006. Puis après 6 mois, hop, en ligne. Nous préconisons "
la mise à disposition gratuite au plus grand nombre d'un ouvrage de référence sur la révolution du Web". Texto.
Et un dernier pour la routeLoïc Lemeur annonce en 2005 qu'il dépose sur son blogue très influent
les chapitres de son "Blogs pour les pros". Ces billets deviennent les chapitres de son livre, incluant les commentaires et les corrections des lecteurs.
Reprenons nos sensCes cas, on s'en doute, seraient moins probants pour des auteurs ne possédant pas déjà un lectorat mondial bien établi. On est devant l'oeuf et la poule.
Le livre fait parti de ces biens qui ont la particularité de ne pas pouvoir se "consulter" sans affecter sa valeur (contrairement à un marteau dont l'utilité ne disparaît pas avec son utilisation): lire un livre est l'acte de consommation et normalement le livre ne se consomme qu'une seule fois. Il n'y a donc pas moyen de le consulter sans affecter sa valeur. D'où l'apparente contradiction dans ces histoires de "livres gratuits".
Simplicité d'accèsJe crois quant à moi que la logique en place en est une de distribution: quand un livre possède une distribution très fluide, une recherche sur le réseau n'offre pas la même satisfaction ni la même facilité d'accès. Contrairement à ce que l'on pense, trouver quelque chose de précis sur Internet reste une activité ardue (C'est par contre un excellent outil de recherche par sérendipité.)
Dans ce cas, ce sont ceux qui sont archiconnus qui peuvent peut-être en bénéficier -- les moins connus courent au moins la chance de se créer un auditoire.
Quand on veut lire [un livre], on va encore à la librairie ou à la bibliothèque, on ne fait pas des recherches effrénées sur Google. Et de tout façon tant que la lecture [d'un livre] sera plus pénible à l'écran que sur du papier, ce ne sera pas demain la veille.
Où allons-nous?Une piste: l'accès et la qualité de l'écran s'améliorent. Alors en ont-ils encore pour longtemps?
Même RadioHead a mis fin à leur expérience de téléchargement gratuit. Serait-ce la fin de la récré?
Une autre piste (contraire): Le New York Times annonce aujourd'hui que l'américain HarperCollins donne un accès complet et gratuit en ligne à certains de ses livres dans le but d’augmenter les ventes (via
TeXtes). Serait-ce la voie à suivre?
---
Piste de lecture-Jean-Michel Salaün :
Le web média, Synthèse (Nov. 2006, français, 1185 mots) où il décrit l'économie qui se met en place sur le web pour tout ce qui est contenu numérisé.
-Frédéric Kaplan : Futur 2.0 :
Si les livres pouvaient parler (Avr. 2007, français, 1733 mots) où il narre sa vision du livre d'hier à demain.
-teXtes :
Donner c'est donner (12 fév. 2008, français, 466 mots) Retrouvez d'autres cas de livres gratuits pour faire vendre.
-Issuu: widget permettant de visionner sur le mode du "feuilletage de page", sur le web, un pdf comme si c'était un livre. Comptes rendus de
Hubert Guillaud et
Olivier Ertzscheid.
---