Qui est "you" ?
Si on s'adresse à "you" ainsi, on est en droit de penser qu'il s'agit de 100% d'entre vous (voir mon billet de l'an dernier --m'enfin d'hier soir). Ce n'est pas le cas et Jakob Nielsen l'a répété il y a quelques semaines:
User participation often more or less follows a 90-9-1 rule:
- 90% of users are lurkers (i.e., read or observe, but don't contribute).
- 9% of users contribute from time to time, but other priorities dominate their time.
- 1% of users participate a lot and account for most contributions: it can seem as if they don't have lives because they often post just minutes after whatever event they're commenting on occurs."
- Blogs have even worse participation inequality than is evident in the 90-9-1 rule that characterizes most online communities. With blogs, the rule is more like 95-5-0.1.
- (via Paulina : source Jakob Nielsen octobre 2006)
Cette statistique suit la même courbe de Zipf qui caractérise les grands nombres dans le domaine culturel et social. Mais alors qui est le "you" dont parle le Time? Pourquoi faire une telle couverture qui s'adresse à tous mais qui est en fait dirigé vers seulement 1% de la population?
Les paradoxes du Time
1. "you" is not you
«The person of the year : you». Avec un papier miroir en couverture du Time. Comme Mario Asselin, je m'interroge sur la pertinence de faire réfleter le visage du lecteur, qui probablement n'est pas un producteur de contenu sur le web : Times magazine corresponds à un filtre papier pour trier l'actualité à notre place. S'y abonner indique une attitude rationnelle d'optimiser son propre temps afin de recueillir des nouvelles pertinentes et validées.
Il y aurait fallu plutôt offrir ce miroir aux internautes de leur propre site web. "You" n'est pas le lecteur du Times (papier), ce sont leurs non-lecteurs...
2. Fêter le loup dans la bergerie
Les producteurs de contenu sur le web sont les concurrents directs des medias traditionnels, en ce qui concerne le "temps cerveaux" des lecteurs. Je ne parle pas de qualité ici, mais de quantité. On ne peut pas lire Time magazine et écouter youtube en même temps. Les jeunes peuvent couper en quatre leurs temps d'attention (voir mon billet Teen Teen, Boring Boring), mais les adultes doivent se concentrer quand il s'agit de "choses sérieuses" (voir mon billet Le spectacle du monde, pour nuancer cette assertion).
Time cherche à attirer les regards le temps qu'il peut: en tant qu'agenda setter, il s'accorde le loisir de se voir créditer l'annonce de la "révolution", même si cela annonce des temps troubles pour eux.
3. La partie pour le tout
Avec 1% de participants, on ne peut parler de parole du peuple. Comme les Hippies ont caractérisé une génération, loin s'en faut pour dire que tous les jeunes des années 60-70 vivaient en commune, consommaient des psychotropes et bénéficiaient de moeurs sexuelles ouvertes.
L'emploi de la synecdoque correspond à un stratagème marketing bien connu et fort racolleur : flatter le lecteur et lui donner une image aspitationnelle de lui-même. Mais une fois l'annonce faite, ont-ils été plus loin que le simple buzz?
4. It's the economy, stupid
Le buzz du web 2.0 est évidemment culturel. Nul doute que nous (re)vivions sur une plus large échelle ce qui s'était passé à une échelle réduite sur Internet avant le web (voir mon billet sur les 6 cultures d'Internet). Il faut reconnaître, comme Thierry Crouzet, que nous vivons une belle époque pour voir monter un "power to the people".
Mais la vague est entièrement supportée par le secteur commerciale (Google en tête) : hébergement et espace disque gratuits (blogger, flikr, gmail), service gratuit (del.icio.us, netvibes, gmap), bande passante (youtube, dailymotion), etc.
Le Opensource et le Libre sont des vecteurs démocratiques fondamentaux qui n'ont pas été cité. Parce qu'ils sont le point aveugle de l'économie capitaliste. Il est important de rester vigilant. Et le Time magazine le sait. Mais n'en dit pas un mot.
"L'expérience grandeur nature" du web 2.0 est digne d'être soulignée, mais ses dangers ne doivent pas être passé sous silence.
Je me demande si le Times ne joue pas ici le chant du cygne...
Deux point zéro 2.0
Pour le grand public, il y a une chose qui est nouvelle -- et c'est l'essence du web 2.0 --, c'est que le "virus" du "you can do it too" est maintenant parmi eux : un message qui leur dit qu'ils peuvent être producteur de contenu, s'auto-produire et s'auto-diffuser. Internet est à la fois un outil et un canal.
Ce qui est nouveau et dont le grand public est maintenant conscient, c'est que le choix éditoirial ne se fait plus par des filtres institutionnels mais par la statistique du grand nombre. Maintenant tout peut être "2.0"...
1 commentaires:
En l'an 2000, l'un des 2 hebdos francais : Nouvel Observateur ou L'Express a employe le meme procede de couverture avec un effet miroir. C'est la un bel effet marketing.
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