ZEROSECONDE.COM: Le point avant basculement (par Martin Lessard)

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Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Le point avant basculement

De nombreux bruissements me disent que le présent cycle démarré avec Facebook et Twitter arrive à son apogée et qu'une transmutation est en cours. Dans quelques jours devraient sortir les premières invitations de Google Wave. Faisons le point sur le monde avant le basculement.

Google WaveOn dirait qu'on oublie vite comment "c'était avant". "Avant", sur le web, ça veut dire deux ou trois ans. Google Wave s'en vient et je me propose de me faire une petite note sur ce quelques réflexions sur Twitter, pour mémoire. Et se rappeler ce que l'on disait avant cette "vague" qui s'en vient.

Longtemps, je me suis logué de bonne heure
On ouvre Twitter la première fois : on ne comprend rien. En fait, le site web de Twitter n'est pas l'outil qu'il faut utiliser. Du moins pas si on possède plus que quelques dizaines de personnes à suivre. Il faut aller sur un "client Twitter" comme Twirl, Seesmic, Nambu ou Tweetdeck. Au-delà d'un certain nombre de personnes, il faut arriver à segmenter par panneau ou dossier. Et même là, on ne fait que diminuer que faiblement l'impression de flot.

On n'utilise pas Twitter, on s'y noit.

Apprendre à nager devient donc essentiel. Et les bouées sont les gens que l'on veut suivre. 40 % des gazouillis sont inutiles? Mais honnis soit qui mal follow!! Tendez l'oreille dans la rue et vous aurez ce même ratio. Et pourtant, normalement, vous devriez êtes concentré sur la personne qui vous accompagne. "Follow" devrait être traduit en français par "accompagner". Vous écoutez ceux qui vous accompagnent.

Et quand vous êtes bien entouré, l'outil devient intéressant.

Twitter n'a d'autre valeur que votre réseau qui vous accompagne. Ils sont tous sur Facebook? Allez-y. Ils sont à la Chambre de commerce? restez-y. Twitter n'est pas pour tout le monde. Il y a une diversité d'outil pour tous les goûts.

Twitter vaut bien une messe
Olivier Ertzscheid a développé cet été un excellent billet sur Twitter L'hiératique contre le hiérarchique : Sur Twitter, l'information est brute. Les industries de l'information ont pour métier d'y mettre de l'ordre, or, Twitter, fait tout l'inverse: «pas d'éditorialisation, pas de "niveau supérieur" de l'information. Donc, Twitter est littéralement illisible. ». Vous vous sentez soulagé?

C'est grâce au filtrage collaboratif que le sens émerge de Twitter: on "RT", on cite "@", on "#" et on "bit.ly" et . Perdu? Bien sûr! C'est que, souligne Olivier Ertzscheid, le manque d'espace (limité à 140 caractères) force l'émergence de ces hiéroglyphes. Ce n'est pas tout.

« [C]e qui est le plus intéressant dans Twitter, ce sont les stratégies qu'il met en place pour gérer l'infobésité accrue par le temps réel sur lequel il s'efforce de se caler, et ce sans jamais faire appel à de classiques techniques de hiérarchisation, mais en préférant faire appel à des stratégies visuelles, cognitives et scripturales d'évitement, de substitution.»

Blog sans microblog n'est que ruine de l'âme
À peu près au même moment, Fred Cavazza proposa sur son blogue : comment le microblog a bouleversé les pratiques de blog : Twitter et Facebook ont supplanté le blogue comme support de prédilection pour de l’information chaude. L'écologie du système se diversifiant, il est normal que l'on voie un repositionnement des outils en place. Y compris dans l'écosystème plus large incluant les mass-media.

Il m'apparaît que nous sommes à la veille d'un changement similaire avec l'arrivée de Google Waves. Fred Cavazza résume en une formule le nouvel outil : Google Wave = Email + IM + Wiki + Mashup

Google Wave est à la fois un outil de collaboration, de discussion de document et une plateforme ouverte et extensible. En temps réel. Un (long) document vidéo circule, expliquant le nouvel outil; vous pouvez le voir en cliquant ici. (PS: voici un court)

Actuellement, je dois entrer dans Tweetdeck ou Nambu pour lire les gazouillis de mes contacts, et retourner sur le web pour Facebook. Et ouvrir Mail pour mon courriel. Puis Skype sur mon bureau. Et je n'ai pas encore géré mes SMS et mon Del.icio.us, ni mon compte linkedin ou Flickr...

Je suis le soldat qui tombe devant l'ennemi, écrasé par le poids ses propres armes. Serais-je soulevé par la "vague"?

Relisons-nous dans un an et voyons si la situation a évolué...
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Autre billets sur twitter:
la sérendipité des discussions de couloirs numériques
Parler pour ne rien dire: 40% des gazouillis sur l'outil de micro-bloggage Twitter serait du bavardage futile
Virilio et la peur de l'immédiat « L'immédiateté est le contraire de l'information » (Paul Virilio)
Rupture ou continuité?
un 14 juillet 1789 sur Twitter
Le JT de 140 caractères
Twitter entre dans l'armement stratégique américain
Une révolution 140 caractères à la fois On n'est plus spectateurs de l'événement, on y "participe".
La demi-vie de twitter
Ecosysteme de l'information

4 commentaires:

mercredi, septembre 30, 2009 6:40:00 a.m. Alex a dit...

Avoir le temps et le talent de programmeur, je ferais une application qui permettrait de se connecter à tous nos comptes de «communication». À 10$ la licence, je serais millionnaire en quelques mois. Pas mal certain du moins. Il y a un potentiel énorme. Google Wave répondra à une partie du besoin mais je pense que nous aurons besoin d'une application qui regroupera tout ça dans une interface élégante.

Ceci dit, je suis d'accord avec toi et je rajoute que Twitter ne survivra peut-être pas à Google Wave. En ce moment, on se contente des limites de Twitter, mais elle n'est pas loin l'heure où nous trouverons que l'outil perd de son intérêt justement à cause de ses limites. Comme tu dis, on en reparle dans un an!

mercredi, septembre 30, 2009 7:16:00 a.m. François Guité a dit...

De ce que j'en ai vu, Google Wave requiert un assez haut degré de technicité et de culture numérique. Il me semble que la simplicité et la convivialité, pour ne nommer que celles-là, sont deux qualités que Google Wave devra intégrer avant de supplanter Twitter en terme de popularité.

On pourra cependant objecter que la culture numérique n'est plus nécessairement un obstacle à l'adoption d'un nouvel outil, considérant que le nombre de ceux qui y sont acculturés est suffisant pour passer à un nouveau degré d'utilisation.

vendredi, octobre 02, 2009 4:10:00 a.m. Anonyme a dit...

@Alex : essayez Yoono. C'est un bon début pour ce connecter à "tous" les comptes

@Martin : comment pouvez-vous écrire "Sur Twitter, l'information est brute" ?! Sur Twitter, "l'information" est délivrée par des hommes et femmes, munis de leur subjectivité, qui l'interprêtent en fonction de leurs opinion, position sociale, background culturel, dont le lecteur le plus souvent ne sait rien et ne peut donc appliquer de facteur de correction...
Non, sur Twitter, l'information brute n'existe pas. Sauf peut être celle qui relève de la rubrique des chiens écrasés.

vendredi, octobre 02, 2009 9:49:00 a.m. Martin Lessard a dit...

Bonjour Anonyme,

la définition d’information que j'emploie n'est pas celle des journalistes. J'aurais dû le préciser. C'est le sens "informatique" de "data", que les anglophones appellent parfois "information". Cette confusion peut être évitée en employant les bons mots, mais ils changent souvent selon les disciplines.

Entendons-nous alors sur :

Données (data): représentations symboliques sans contexte
Information : représentations mentales de données en contexte
Connaissance : intégration des informations à des schémas mentaux préexistants

Alors, je devrais écrire "Sur Twitter, les données sont bruts"

Cela dit, et pour éviter que le débat ne soit qu'orthographique (je ne crois que ce soit le sens de votre question) je vais expliciter le sens de mon expression "Sur Twitter, l'information est brute".

En 140 caractères on ne peut pas passer de "l'information" au sens journalistique classique du terme (on appellerait plutôt ça un "titre").

Mais un titre est tout de même une information. On pourrait dire que le titre est presque du "data". Mais c'est de l'information pcq le contexte est donné par le journal, les habitudes de lecture et la société en général.

Qu'on le veuille ou non, le titre est donné en contexte. Même minimal.

Un gazouillis, c'est pareil. Il est brut, car il arrive en vrac à travers un tuyau d'arrosage unique. Il est du data brut.

Mais ce qui est étonnant, et c'est en lisant Olivier Ertzscheid qu'on le comprend mieux, avec Twitter, si l'information qui y circule est "à plat", brut, quasi "illisible, c'est pcq il n'y pas d'éditorialisation, pas de mise en contexte de l'information, pas d'ordre. Twitter ne met rien en ordre.

Or pourtant, Twitter est lu. Il y a donc un sens pour ses lecteurs. Ce sont eux et ensemble (je souligne "ensemble") qui y apporte une hiérarchie. Le filtrage collaboratif qui est à l'oeuvre lors des "RT" (quand on relaie le gazouillis d'un autre) permet de construire collectivement des contextes éditoriaux. En construisant sciemment une bonne base de followers et suivant les bonnes personnes on se crée un filtre qui "fait sens" pour nous. Et nous seuls.

Sur Twitter, l'information est brute. Ou plutôt le data est brut. Mais l'information trouve son chemin dans la tête de chacun.

Et, insistons sur ce et, twitter permet le lien vers une page où on a plus d'information (généralement un article de journal): un gazouillis est le premier niveau d'alerte informationnelle jouant le rôle du titre dans le flot des pages d'un journal qui tournent...

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