La télévision se réinvente. Elle deviendra moribonde si elle s'attache trop à son "petit écran". Il y a d'autres écrans où son génie peut s'exprimer. Et être exploité. Quarterlife.com commence aujourd'hui sa "série internet" mâtinée d'un réseau social. Une expérience à suivre de très près.
Le cinéma hollywoodien a pris une tangente grandiloquente qui a laissé aux vestiaires originalité et histoire pour s'acoquiner avec le marketing et les effets spéciaux. Égalé et dépassé pourtant par le concurrent naturel: l'industrie du jeu vidéo.
La télé traditionnelle américaine suit lentement la même pente pour frayer avec la télé-réalité et la clinquante haute définition, dépassé pour le premier point par l'hyperréalité absolue d'internet et négligé pour le deuxième point par le low-tech absolu qu'est le cellulaire.
La télé traditionnelle semble évacuer ce qui fait pourtant sa force : raconter une histoire complexe, faire découvrir des personnages riches, offrir des intrigues plus subtiles. Comme les romans-fleuves en plusieurs tomes, on reste accroché à ses histoires dont la durée est élastique. La télé est le médium de la fiction.
Jusqu'à aujourd'hui.
Quart de vie
Quaterlife représente bien une extension sur le web du domaine de la fiction. C'est l'histoire de jeunes de 25 ans, à Los Angeles évidemment, qui vivent la nouvelle économie, la nouvelle communication et qui sont aussi à l'aise avec Internet qu'avec une caméra. Une série parlant de ceux qui écoute la série, quoi.
La mise en abîme ne s'arrête pas là puisque le site web quarterlife.com est aussi représenté dans la série comme étant le site de vlogs utilisé par la principale protagoniste de l'émission où elle blogue sur ses colloques, ce qui la met dans une fâcheuse situation.
Site Alpha
Sur le site, après l'accès à quelques bandes-annonces très alléchant depuis plusieurs semaines, voilà que les premiers épisodes sont disponibles (environ 9 minutes chacune). La fréquence est de deux épisodes ("parts) par semaine (jeudi et dimanche). Il n'est pas écrit si la grève des scénaristes qui sévit aux États-Unis affectera le site, mais il y a fort à parier que oui.
Images claires, acteurs professionnels, montage serré, dramatique bien joué. Nous avons affaire à du travail de professionnels, pas de doute (les auteurs sont derrière quelques grandes séries américaines comme "thirtysomthing"), même si le site se dit être en alpha.
L'histoire est tout ce qui a de plus linéaire, mais le sujet touche évidemment la clientèle la plus susceptibles d'écouter : les jeunes internautes dont leur vie est à cheval entre le net et la réalité et où la communauté joue u grand rôle pour se définir.
FaceScreen
Les internautes peuvent commenter sur le site (ou même vidéocommenter) et participer au forum. La partie la plus intéressante reste toutefois la "communauté", le réseau social qui permet de rendre encore plus floue la frontière entre la fiction et la réalité.
En une image, c'est Friends meet FaceBook.
Chaque profil contient des tags et ceux proposés par défaut font parti de la clientèle visée (acting , filming, design, etc). Le site propose ensuite des articles et des liens concernant chacun de ces profils et la possibilité de communiquer entre eux ("a place to find information and ressource for your creative life"). Le profil s'appelle d'ailleurs "My Studio". C'est tout dire.
Recette(s)
Côté contenu généré par les utilisateurs (surtout côté blogue) le site est très articulé et promet de ne pas être superficiel. Peut-être un travail sur l'architecture de l'information et l'ergonomie serait utile pour faire remonter ces perles qui sont dures à trouver...
Le modèle d'affaires se veut basé sur la publicité ( myspace.com/quarterlife contient de la pub, mais pas encore le site principal), qu'elle soit sur le site lui-même et dans l'épisode.
En raccordant un réseau social, en étant transparent, Quaterlife se monte une banque de visiteurs très qualifiés, puisque personnalisée, et pouvant générer des pages vues très appréciables (les annonceurs télé, en 2007, savent très bien que 1 000 000 de téléspectateurs est aussi crédible que dire qu'un site a 1 000 000 de hits). Voilà un bon système pour qualifier son audience.
Télé contre télé
Il y a lieu de distinguer "télévision" et "télédiffuseur". Le pilote de l'émission avait été refusé par ABC. Les producteurs se sont retournés de bord et ont diffusé eux-mêmes sur le web. Voilà le même scénario que têtesàclaques.tv et lecasroberge.com. Ces producteurs n'ont pas attendu d'avoir la permission de rejoindre leur public. La télévision 2.0 passera par eux.
Les télédiffuseurs sont-ils en train de créer, par leur immobilisme, la télévision de demain?
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4 commentaires:
Il ne faudrait pas qu'il entre dans le patern de l'industrie de la music. Les télédiffuseur doivent prendre le virage web, web 2.0 et nouvelles technologie avant de se faire dépasser par les événements
"Le cinéma hollywoodien a pris une tangente grandiloquente qui a laissé aux vestiaires originalité et histoire (...) La télé traditionnelle américaine suit lentement la même pente" En fait, plusieurs des scénaristes les plus originaux d'Hollywood sont passés à la télévision. Depuis le début du siècle, il y a eu un regain à la télévision, avec des histoires complexes, des personnages riches, des intrigues plus subtiles. D'accord, cela dépend de ce que tu entends par "télévision traditionnelle", étant donné que se regain est concentré sur les réseaux cablés, tel que HBO ou Showtime. On n'a qu'à penser à des séries comme The Sopranos, Carnivàle, Dead like Me, Six Feet Under, Battlestar Galactica, Dexter, etc.
Rastamart, le problème actuel réside dans l'anémique retour sur l'investissement. Les modèles d'affaires, côté production, ne siéent qu'aux petites entreprises artisanales. C'est bien, mais il faut plus...
Marc-André, bonne question. Par télé traditionnelle, j'entends la télé qui se fait sur les ondes, le câble ou le satellite, cette télédiffusion unidirectionnelle de "1 vers une masse de téléspectateurs".
Internet dérange tous les secteurs industriels de la culture.
Que la télé soit le devenu le médium de la fiction, c'est Paul Cauchon dans le Devoir de lundi dernier qui le soulignait juste à propos.
Avec le lancement de QuarterLife le jour même, je crois que la coïncidence était fortuite, mais il aurait pu le citer en exemple, Internet est vraiment, pour moi, le prochain prétendant au titre...
Dans un espace infini, nonobstant l'angoisse artistique du manque de contrainte, les créatifs peuvent s'en donner à cœur-joie. Si le modèle d'affaires vient au rendez-vous, évidemment...
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