ZEROSECONDE.COM: août 2012 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Dé-JOBSisation accélérée d'Apple?


Ça reste des rumeurs, mais des rumeurs très insistantes, sauf que là, Bloomberg vient de mettre sa crédibilité en jeu en annonçant que Apple va bel et bien lancer un mini-iPad. 

Le blogue de Benoît Descary, l'endroit de choix pour se tenir fermement au courant des nouveaux dans le milieu des nouvelles technologies, souligne ce matin que l'agence de presse spécialisée se base sur pas moins de quatre sources pour affirmer que la rumeur est vraie.

L’iPad Mini aurait un écran de 7.85 pouces (contre 9,7 pouces pour le "grand" iPad). Il vient concurrencer le Nexus 7 sortie en début d'été et le Kindle Fire (la version 2, qui est supposée sortir bien tôt) sur le marché des liseuses évoluées que sont les petites tablettes.

Mais les rumeurs sont des rumeurs et les seuls à pouvoir lever le voile restent en premier lieu Apple.

À moins que la compagne soit derrière les "fuites" pour tester le marché et que nous sommes fasse à une intoxication. Mais l'intensité actuelle des rumeurs ressemble trop à celle qui précédait le lancement initial du iPad (qu'on appelait iSlate à l'époque).

La vraie nouvelle

Moins d'un an après la disparition de Steve, Tim le nouveau PDG irait à l'encontre de ses dernières volontés ? Steve avait réaffirmé fermement qu'il n'irait jamais vers des ipads plus petits!

Mais la demande me semble être du côté des petites tablettes en ce moment. Le marché est chaud. Il est donc tentant pour Apple de proposer cette liseuse évoluée.

Par contre, ça me semble être un drôle de geste de leur part: Apple suit le marché!?! Ce n'est pas l'Apple que je connais que j'ai bien voulu me faire croire.

C'est plutôt ça la vraie nouvelle à mon avis. Ce mini-ipad est un symptôme d'une dé-JOBSisation accélérée de la compagnie...

Déjà qu'en début d'été Apple avait tenté de s'extraire de contraintes environnementales et que, sous la pression populaire, la compagnie a reconnu son erreur! Même au pire temps de la crise des antennes du iPhone 4, Steve ne s'était jamais excusé. Il avait donné des cadeaux, il s'était expliqué, mais il n'avait pas avouer avoir fait "une erreur".

Avec le récent succès judiciaire contre Samsung, Apple se tient-elle maintenant du côté du conservatisme et délaisse l'innovation?

Pourquoi je vote

Le DGE (Directeur général des élections du Québec) fait une campagne de promotion tout azimut en ce moment pour encourager le vote (des jeunes surtout) pour l'élection en cours.




J'ai participé à une de leurs campagnes où on nous demande d'expliquer la raison pourquoi on devrait voter. Je n'y vais pas par quatre chemins.

La voici:

Plus d'informations : pourquoijevote.qc.ca et monvote.qc.ca/fr

Bien entouré

Je suis bien entouré dans cette micro-campagne qui débute aujourd'hui. Le DGE a demandé à trois autres blogueurs de renom, comme mon collègue Benoît Descary:

Et Gab Roy


Et Julie Desormaux

N'hésitez pas à faire partager ces vidéos dans vos réseaux! Les études montrent que la façon la plus sûr de faire voter quelqu'un qui ne sait s'il va voter ou non est d'être soi-même convaincu d'aller voter. Partagez vos convictions pour la démocratie.

Blogueur un jour, blogueur toujours

Il y a toujours ces petites perles qu'on trouve dans la blogosphère:
"Once you have a blog you notice more, you start to think “I might write about this on my blog” "What do I want to say?” “What will people’s reaction be?”. Over time you get better at noticing and the better at noticing you get the more noticed you get! You end up in the wonderful collective web of “Oooh that’s interesting” which I now wouldn’t ever want to be without."
Source
L'auteur de cet extrait faisait référence à Dave Weinberger qui affirmait il y a fort longtemps que bloguer c'est “writing ourselves into existence”.

Écrire semble être une façon de saisir la réalité et de s'y inscrire. Pas étonnant que les médias sociaux aient autant de succès auprès de la population.

Ça me fait penser à un billet de Clive Thompson qu'il a écrit l'an passé, à peu près à pareille date ("The Art of Public Thinking"), où il développait pourquoi le fait qu'il bloguait moins souvent lui donnait l'impression qu'il n'arrivait plus à penser.
"I feel like I’m losing some of my ability to think. Why? Because I’m not blogging any more." (source)
Écrire, dit-il, est une façon de formaliser sa pensée sur un sujet. Écrire pour un public force de sucroît à trouver les faiblesses de sa pensée et à les corriger. Sans public, que ce soit une personne ou des milliers, il est facile de remplir les trous de sa pensée de façon paresseuse.

Clive fait ensuite référence à un article de Robin Sloan (“The Art of Working in Public”) qui illustrait le génie de l'écriture en public ("the unique cognitive style of public thinking").

Dans son billet Sloan dit que non seulement l'auteur du blogue trouve son compte à partager ses idées, mais que le lecteur appréciait pouvoir faire un tour guidé dans la tête du blogueur:
"Working in public like this can be a lot of fun, for writer and reader alike, but more than that: it can be a powerful public good. The comments on Matt’s post all go something like this: Hey, thank you. I’m running a small studio myself, and this is really instructive. When you let people inside your head, they come away smarter."
(source)
C'est ce que j'aime des blogues, ce partage des stratégies de vie...

Élection Québec 2012 et Twitter

Depuis le printemps érable, à l'automne 2012, ce soulèvement estudiantin québécois qui a dégénéré en une indignation populaire (et qui trouve son aboutissement dans l'élection  actuelle), la montée des médias sociaux, et de Twitter en particulier, a suscité une question qui revient de plus en plus dans les médias: est-ce que ces élections québécoises seront 2.0?

J'avais commencé à répondre à la question sur mon autre blogue, Triplex : pour un politicien, être présent sur les médias sociaux, ça représente des risques, mais aussi des avantages car il peut créer un lien direct avec la population, par delà les journalistes, relais traditionnels.

Est-ce que ça fera de cette élection une élection 2.0? Non. Il ne suffit pas d'ouvrir un compte Twitter au déclenchement des élections pour qu'elle devienne «2.0».

Surtout si on ne compte l'utiliser que comme une extension des communications traditionnelles (communiqué de presse, langue de bois, unidirectionnel descendant), on reste en fait davantage dans le domaine de la communication que de la politique.

S'il y a du «2.0», ça serait alors du «média 2.0». 

Mais c'est tout de même déjà ça de gagné.

Le mythe du temps perdu

Pour être présent sur les médias sociaux, certains politiciens doivent surmonter la crainte viscérale de paraître trop "suiveux" (on se fait reprocher d'utilsier le dernier gadget à la mode) ou pas "sérieux" (Twitter serait le grand frère du SMS, canal qu'on reproche de créer des décérébrés).

Pour vous donner une idée de la pression qu'ils peuvent ressentir, voici ce qui a été publié dans le courrier des lecteurs du Devoir, lieu où on se dit les «vraies affaires»:
«Pour être un hyperactif de Twitter, comme des dizaines de personnes qui gravitent dans la sphère politique en sont, il faut y mettre un nombre d’heures tel que la conséquence très probable de cette implication est de couper les utilisateurs d’une réalité politique et sociale beaucoup plus nuancée et certainement moins dramatique que les bombes qu’elles tentent de faire exploser à tout moment. »
Ludovic Soucisse - finissant à la maîtrise en science politique à l’Université Laval (ses recherches portent essentiellement sur la couverture médiatique de la politique au Canada et au Québec.)
Source
Au lieu de «hyperactif de Twitter» il aurait pu aussi bien choisir «boulimique» ou «accro» que l'effet aurait été le même. L'auteur entretient l'idée qu'être sur Twitter, c'est nécessairement prendre beaucoup de son (précieux) temps qui pourrait être utilisé à meilleur escient. 

Si on met «un nombre d'heures» à gazouiller, c'est nécessairement au détriment d'autres activités à son agenda, non?. C'est un jeu à somme nul, non?

Non.

Il est impossible de mettre «des heures» à écrire des gazouillis. À coup de 140 caractères, on met au mieux 1 minute à écrire sa pensée. Pas question ici de sortir un aphorisme nietzschéen, bien sût. On parle de recopier une pensée qui nous traverse l'esprit.
Si on sort 60 gazouillis par jour, on atteint une heure en temps continu. Mais est-ce une heure de perdue? Est-ce que réellement le politicien a arrêté un discours, un interview, une réunion pour se mettre à gazouiller? Non, il a rempli ces moments morts qui se trouvent tout le long de sa journée (dans le taxi, l'autobus, avant le début d'un discours). 

Il a augmenté la quantité de choses qu'il a faites dans son agenda. Il a rempli les petits interstices de son agenda pour justement commenter son implication politique et la réalité qu'il vit.

«Coupés de la réalité»?

Ceci dit, il est vrai que la «réalité politique et sociale [est] beaucoup plus nuancée» comme l'auteur du courrier des lecteur le dit si bien. Mais à ce compte, toute médiation est une trahison. Les journalistes aussi réduisent les nuances de la vraie vie politique et sociale pour entrer dans les contraintes de temps ou d'espace de leur médium.

Si on persiste à penser qu'on peut faire une couverture journalistique ou un discours politique en 140 caractères, il y a évidemment de quoi s'inquiéter. La limite d'espace sur Twitter s'apparente davantage celle d'un titre d'article ou d'un mot d'esprit. 

J'écrivais dans le même billet sur Triplex que gazouiller est devenu une extension de l’agora, ce lieu de rassemblement et d’échanges. Les échanges sont un point de départ de la politique. Verra-t-on deux politiciens débattre sur leur compte Twitter? Si on a en tête un dialogue entre Bernard Pivot et Umberto Eco à Bouillon de culture, il y en aura quelques-uns qui seront déçus évidemment. Il faut accepter simplement que ce soit un bref échange, entre deux personnes.

Twitter, média d'interpellation et arène romaine

Si on veut qu'il y ait un véritable débat, il faut que ça se poursuive ailleurs. Twitter est un déclencheur, un média d'interpellation. Pour qu'il y ait des élections 2.0, il faut donc tout un écosystème pour que la conversation se poursuive (dans un forum, une liste d'envoi, un blogue, une interview, etc.). La pensée en profondeur ne se fait pas sur un seul gazouillis, mais elle y mène pour peu qu'on y ajoute un hyperlien. 

Au mieux la twittosphère est une arène romaine où les spectateurs votent avec leurs pouces sur le sort des gladiateurs. Si on s'en tient au spectacle, ce ne sera que du pain et des jeux. Si le débat se poursuit dans les gradins, alors là on commence à changer.

«Politique autrement»?

On parlera d'élection 2.0, de politique 2.0 et de démocratie 2.0 (qui sont trois concepts différents) quand les choses se feront «d'une nouvelle manière» (à commencer par cesser de mettre des «2.0» partout).

Nous sommes loin de voir les politiciens converser avec son électorat (pour justement faire ressortir toutes les nuances de la réalité politique), faire remonter des idées de la base (et ce, en tout temps et non 1 fois tous les 4 ans), repenser la représentativité (qui dépasse largement le fait d'être sur une liste électorale).

Cette fois-ci «n'est pas la bonne». Ce ne sera pas une «élection 2.0». Et ce n'est pas grave. 

Nous ne sommes pas dans un pays gros comme les États-Unis où Obama a effectivement intérêt à utiliser les nouveaux canaux de façon massive. Une petite nation est déjà un réseau social et les réseaux socionumériques ne remplacent pas aussi essentiellement les relations de proximité qui sont perdues quand on est un "pays-continent".

Cette fois-ci ce sera plutôt une poursuite de l'intégration des médias sociaux aux médias traditionnels, mais avec une sauce politique.

Les politiciens apprivoiseront la communication sur ces nouveaux canaux, mais ce sera une minorité. Ceux-là vont tenter de gérer l'agenda médiatique, peut-être à coup de "bombe", peut-être par du "salissage 2.0". Je souhaite que non -- une grenade, même en gazouillis, peut toujours nous exposer à la figure.

La twittosphère est un lieu pour la société civile et les politiciens auront fort à faire pour s'y trouver confortables. Ça va venir. Mais pas en 35 jours.