ZEROSECONDE.COM: novembre 2013 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

L'après culture numérique

L'émergence de la culture numérique issue du web nous a fait prendre conscience que, jusqu'ici, ce que nous appelions la "culture" était en fait la "culture du livre".

C'est ce qui explique une certaine crainte (et même une crainte certaine) de la part de gens, surtout éduqués, face au numérique.

Serge Tisseron, directeur de recherche à l’Université Nanterre-Paris Ouest, invité à une émission de Place de la Toile en mars dernier sur le sujet de la « Culture du live et de la culture des écrans » explique pourquoi il en est ainsi.

«Depuis la révolution de l'imprimerie, nous vivions dans la culture du livre comme les poissons dans l'eau, c'est-à-dire en ignorant qu'il y a d'autres espèces qui vivent autrement, qui respirent l'oxygène de l'air. La culture numérique a propulsé à l'avant-plan la culture de l'écran."


La culture est l'écran!

Si on définit la culture comme un ensemble de savoirs, de croyances et d'habitudes acquises en société, on doit accepter que la culture numérique soit une culture comme les autres. (Je vous vois lever les yeux au ciel --Oui, je sais, je sais, il faut mettre les points sur les i)

Mais si on entend culture comme le développement intellectuelle par l'apprentissage des arts, de la littérature et des sciences, comme on se l'imagine aux Lumières, le numérique ne peut être une culture, car elle est un procédé qui nous rend servile et nous restreint dans la compréhension du monde. (je vous vois avec des points d'interrogation dans les yeux -- Oui, si "code is law", le réseau ne nous rendrait pas si libre après tout)

Pour être plus précis, si on l'enttend de cette deuxième façon, il est possible de ne pas voir dans le numérique une culture.


Manifeste numérique

Circule en ce moment, un « énoncé d’intention sur la production culturelle numérique et interactive québécoise » (Le manifeste des nouvelles écritures) qui se veut un plaidoyer pour soutenir une création interactive: elle n’est pas une déclinaison d’une autre forme d’expression et a une démarche qui lui est propre.
«L’industrie de l’interactivité est une industrie culturelle. Ses créateurs ne sont pas des fournisseurs de service. C’est par une pratique appuyée qu’émerge une culture d’auteurs.»
À moins de voir le beau webdoc Fort McMoney, un « jeu documentaire » accessible en ligne depuis lundi, comme une machine pour assouvir nos besoins et nous empêcher de nous élever, force est de constater que la culture s'exprime aussi par le numérique.

L’auteur, David Dufresne, nous fait parcourir une ville, Fort McMurray, à la rencontre de personnages et de lieux qui alimenteront votre réflexion sur l’environnement, l’industrie pétrolière et les conditions sociales qui sous-tendent tout ça. (lire mon billet sur Triplex: « Est-ce un jeu? Est-ce un docu? Non, c’est Fort McMoney! »)


Le sujet n'est ni nouveau ni sous les radar des médias. Mais est-ce que, après voir investi 870 K$, verrons-nous «l'interactivité changer quelque chose dans la façon de rejoindre le public et de l'impliquer»?, demande Dominique Willieme, le producteur de l'ONF qui est derrière le projet avec ARTE, cité dans le New York Times il y a quelques instants.

La question n'est pas anodine. «L’acte de diffusion fait partie du geste de création» dit le point 7 du manifeste.

Quel public sera au rendez-vous? Quel impact aura-t-il sur la perception de la culture numérique? Les plus heideggeriens d'entre vous, s'il en existe encore, n'accepteront pas que la cybernétique puisse "créer". Au mieux, Fort McMoney n'est que l'assemblage d'autres arts et la somme des parties ne fait pas naître un tout supérieur.

Pour eux, seul le livre compte, le reste n'est que "régression intellectuelle". Mais, sérieusement, ils sont aujourd'hui dans une position minoritaire. Il est loin mon dernier billet sur le dernier de ces hommes et leur vision de "l'épidémie blogueuse".

Il leur faudra apprivoiser l'idée que l'auteur fait de son audience un flux parmi d'autres flux (c'est l'aspect jeu de Fort McMoney où nos décisions ont une influence sur le déroulement). Cette oeuvre ne relève pas de la logique auctoriale traditionnelle, mais d'une logique de relation qui relient le spectateur/acteur avec les interviewés/acteurs.

Le numérique peut aussi offrir un temps à la méditation. Il faut juste troquer les promenades dans le bois (les Holzwege d'Heidegger) pour une séance de navigation en ligne.



Qui dépassera la culture numérique?

McLuhan disait:
« La télévision ne sera pas comprise avant d’être dépassée par un nouveau média. Quand survient la désuétude, tout média devient une forme d’art, et c’est à ce moment-là qu’il est possible de s’en servir. Le média cinéma et le média photographie sont mieux compris depuis l’apparition de la télévision. » (cité par Jean PARÉ. Conversations avec McLuhan, 1966-1973. Éditions du Boréal, via le blogue du Fonds des Médias)
Si on pousse l'idée, on peut dire que la télévision, qui vit avec ses séries (surtout américaines) son âge d'or, se voit conférer maintenant un aura artistique, une reconnaissance culturelle si longtemps refusée, parce que derrière elle poussent les nouveaux contenus numériques qui devront, maintenant, commencer leur traversée du désert.

Faudra-t-il attendre que la culture numérique se fasse dépasser pour qu'on la reconnaisse? Le penser, c'est penser ce qui vient ensuite.

Télékinésie assistée par ordinateur

C'est le genre de démo qui nous font émerveiller devant la technologie

Placez une grande surface remplie d’une série de broches. Un peu comme le bidule où on place notre main ou notre visage et ça épouse la forme.

Imaginez maintenant que vous bougiez vos mains et qu'à l’autre bout, ces broches reproduisent le mouvement de vos mains.

Vous pourrez ainsi faire bouger une balle à distance.

Regardez cette vidéo du MIT:

inFORM - Interacting With a Dynamic Shape Display from Tangible Media Group on Vimeo.

Comment ça marche

D’un côté, une kinect qui capture le mouvement de vos mains et devant vous, un écran pour voir le résultat.

À l’autre bout, vos mouvements de mains sont reproduits sur une surface pleine de broches et une caméra qui filme le tout pour vous renvoyer l’information.

Le capteur est capable de cartographier avec précision et interpréter la position des objets 3D.

Le MIT appelle ça le Radical Atoms (Atomes radicales). D'abord conceptualisée il y a plus d'une décennie , les atomes radicales sont ce que MIT croit être l'avenir de l’interactivité: «tous les renseignements numérique possèderont une manifestation physique».

On a hâte!

Qu'est ce qu'une communauté en ligne

La notion de «communauté» qui semble être clairement au coeur du web et des contenus est en fait un terme un peu flou. 

Dans l'industrie du contenu, on est habitué à l'appeler audience.

Pour le grand public, on le mélange avec foule ou un groupe. 

Pourtant, une foule dans une gare n’est pas la même chose que la foule réunie à la SAT aujourd'hui pour participer à l'événement Communauté social et contenu média


Un groupe d’individus qui partage les mêmes intérêts sur un forum est-il la même chose qu’un groupe dans une liste d’envoi de courriels?

Les communautés en ligne peuvent être entendues au sens large comme des groupes qui, à un moment donné, ont un intérêt en commun et surtout qu’on peut rejoindre individuellement. C'est la différence avec l'audience, que l'on traite en terme statistique.

Effectivement, une communauté en ligne, ce n’est pas une audience anonyme, c’est un groupe que vous avez le potentiel de connaître et d’être en moyen de rentrer en relation avec chaque individu si vous le souhaitez.

Quand on parle de promotion de contenu avec les communautés, on parle en fait de bouche à oreille. Depuis la montée fulgurante des médias sociaux, il est possible pour tout producteur de contenu d’avoir des moyens de rejoindre son auditoire qui était autrefois réservé surtout aux diffuseurs.

D'où l'impératif absolu de se débarrasser des codes, conventions et habitudes héritées du marketing traditionnel quand il s'agit de communiquer avec votre communauté.

Post-Scriptum: La réflexion a commencé ici: Communautés sociales & contenu média

Communautés sociales & contenu média

J’aurai la chance d’animer les deux panels d’experts lors d’un événement du Regroupement des producteurs multimédia la semaine prochaine: «Communautés sociales & contenu média».

L’événement aura lieu à la SAT, endroit que j’adore. Les thèmes abordés sont aux confluents de deux domaines qui m’intéressent beaucoup (au moins depuis que j’ai fait ma maîtrise en communication multimédia il y a plusieurs années): la rencontre d’internet et de l’audiovisuel. 

Pour être plus précis, car les termes employés dans le paragraphe précédent sont devenus désuets, c’est la rencontre des communautés socionumérique et des contenus média. Ça été ma motivation première, croyant que cette convergence allait se produire quelque chose de nouveau et innovant. Ça tarde un peu, mais c'est dans la bonne direction.


Vous avez dit communauté?

La communauté en ligne, c’est l’incarnation du bouche à oreille. La notion de communauté, au sens large, doit inclure les conversations qui ont lieu hors de votre site web.

J’avais discuté avec un producteur l’an passé. Il cherchait à «ramener sa communauté» sur son site. Pourquoi? Parce qu’elle se trouvait dispersée sur d’autres forums que le sien, disait-il. Erreur. La gestion de communauté se passe aussi bien sur ces « forums externes », et peut-être mieux. La gestion de communauté se fait aussi ailleurs que sur son site.


Il y a une erreur d’interprétation quand on parle de «communautés» aux producteurs. Si vous devez faire un film d’horreur, pour prendre un exemple facile, il n’y a peut-être pas lieu de bâtir vous-même une communauté. Elle existe déjà sur des forums de discussion, comme celle qui entoure Patrick Sénécal par exemple. Il est plus facile de proposer votre contenu à une communauté existante que de la bâtir de toutes pièces. Durant la progression de votre projet, cette communauté est aussi la vôtre.

Deux approches seront discutées durant cette journée.

1) Communauté et promotion

Le premier panel (impact des communautés sur la promotion d’un contenu média) touchera sur la façon directe et indirecte que les communautés en ligne ont une influence sur le succès d’un oeuvre.

Entre autres, des études de cas seront présentées par Paul Allard de #engagementlabs autour de marques médias (émissions de télé, films, jeux vidéo).

Il peut sembler étrange dans un marché de l’audiovisuel subventionné comme le nôtre que les productions puissent avoir moindrement un souci de ce que des communautés en ligne pensent. Après tout, on pourrait penser que si on présente un projet de film sur mon nombril et qu’il est accepté par les instances de subventions et les télédiffuseurs, qu’a-t-on à cirer de ce que les gens sur Facebook pensent?


En fait, c’est avant l’acceptation d’un projet et à sa diffusion que le poids d’une communauté se fait sentir. Sans tomber dans le populisme, il y a probablement là une forme de légitimation (au moins partiel) d’un projet qui pourrait reposer sur le fait qu’une communauté en ligne manifeste son appui en amont. Si j’ai X milliers de fans qui s’intéressent à mon projet de film sur mon nombril, il y a là matière à regarder de plus près (tous les autres critères d’évaluation étant égales par ailleurs).

Il y a aussi à la diffusion où l’effet sur le public peut être mesuré finement, ou du moins quantitativement, et presque en temps réel sur les médias sociaux. Le brouhaha autour d’un mot-clic (#) n’est pas sans laisser impressionner. Nous verrons avec #engagementlabs le forces et les limites de ces conversations.

2) Communauté et financement

Le sociofinancement, popularisé par Kickstarter, est une façon encore plus concrète de mettre à contribution la communauté. C'est le thème du deuxième panel (Impact des communautés sur le financement d'un contenu média).

Sur place il y aura  Fabien Fournier et Anne-Laure Jarnet, producteurs et créateurs chez Olydri Studio qui nous parleront du financement participatif pour leur long métrage « Noob ».  Cette marque a levé 680 000€ sur Ulule, un record européen. (Alexandre Boucherot d'Ulule sera d’ailleurs aussi sur place pour la conférence d’introduction).


La principale erreur commise avec le sociofinancement. c’est d’ignorer que la communauté précède la demande de participation. On ne lance pas le projet de sociofinancement pour trouver ensuite une communauté qui serait prête à mettre la main à la poche. C’est l’inverse. C’est parce que vous avez une communauté que vous pouvez penser qu’elle peut mettre la main à la poche.

Promo pour les lecteurs de Zéro Seconde

Si ça vous tente, laissez-moi votre courriel dans les commentaires et je vous enverrai un code promo de 25% sur le prix d’entrée de l'événement (sur Eventbrite). Vous pouvez aussi m'écrire à martinlessard (à) gmail.com avec 'code promo' dans le titre.

Pour les autres, je vous tiens au courant sur ce blogue de mes discussions avec les intervenants dans les prochains jours, car je compte bien vous partager ce dont nous discuterons plus profondément sur les panels.

[M2 #8] Conversation et entreprises (avec B. Descary)

Le Graal, c'est les médias sociaux. Toutes les entreprises veulent en profiter. Peu réussissent

Huitième balado de M2. Benoit Descary est un des blogueurs techno les plus suivis au Québec. Consultant, conférencier, formateur, il traite de l’actualité du Web2.0 et des médias sociaux depuis plusieurs années.



«Conversations, conversations, est-ce que j'ai une gueule de conversation?»

De la même façon que le web a changé la façon de faire du commerce dans les années 90-2000, les médias sociaux ont de 2005 à 2010 changé de nouveau la donne. La vitesse à laquelle tout cela change ne doit pas nous faire perdre de vue lʼapproche stratégique : le choix tactique dʼune plateforme doit se faire seulement après avoir développé sa stratégie, et cette stratégie doit être toujours être liée aux besoins de votre entreprise. Et non pas lʼinverse.

Benoit raconte sa vision des choses et partage son expérience. Il y a bien sûr, en partie, un effet de mode dʼêtre présent dans les médias sociaux, mais pour réussir à arrimer cette culture des réseaux avec celle de votre entreprise, ça demande plus que juste d'ouvrir un compte Twitter. Benoit nous dit pourquoi.  Nous l'avons rencontré au Café Cherrier un jour de pluie -- on devait l'interviewer au carré St-Louis.

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Pour écouter juste cette émission: M2 #8 :: Conversations et entreprises (Benoit Descary)

Cette émission vous est proposée par Martin Girard et moi-même. Plus d'info.

Qu'est-ce que M2?

M2, c'est M au carré, car nous nous sommes deux Martin derrière la réalisation de cette balado. M, aussi pour mutation. Mutation au carré, car le numérique accélère comme jamais les changements en société.

M2 se veut des conversations autour des métamorphoses apportées par les technologies numériques. Cette baladodiffusion est un pont entre les savoirs des réseaux numériques, des universités, des médias et de la politique avec des gens qui pensent le numérique.

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