ZEROSECONDE.COM: juin 2010 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Laissez-vous les camelots titrer vos articles?

En cette époque charnière où le web tout puissant semble saper les bases de la presse papier, j'ai interrogé le moteur de recherche de mon journal favori (Le Devoir) pour connaître justement ce qu'il avait à dire sur le sujet. La surprise n'est pas venue d'où je pensais.

Bruegel: La Parabole des aveuglesOn subodore parfois des réalités rien qu'à voir les types de résultats de recherche. Ma petite expérience ne fait pas exception. Promenons-nous dans les bois numériques.

Web, y es-tu?

Avec la requête «web» (difficile de faire plus vague), j'ai interrogé le site du Devoir. Résultat? Rien. Nada. Que dalle. Vide. Pas de résultat. Ah si! La page d'aide. Et celle du centenaire du journal, allez savoir pourquoi!

Bon j'imagine que le mot est soit mal indexé, ou, vraisemblablement, exclus de la base de données pour des raisons de configurations obscures mal réglées (genre: toutes les pages «web» sortaient --ou quelque chose comme ça).

Compréhensible, mais étrange. Comme si vous interrogiez la banque de données des journaux --mais sans pouvoir utiliser le mot «journal».

Internet, y es-tu?

Alors j'essaye «Internet» (hé oui, on peut faire effectivement plus vague) dans le moteur du Devoir. Résultats? Aaah! Mieux! Il y a au-dessus de 10 000 articles!

Euh... Mieux? Techniquement oui. Mais qualitativement, non. L'occurrence «Internet» était dans la plus part des cas un mot plus que secondaire dans les articles que le moteur a ressortis.

Compréhensible, mais décevant: voyez par vous-même les 10 premiers résultats. Voici les 3 premiers trouvés ce matin:

- Lucia Ferretti: «Le Québec est bel et bien une société distincte au Canada» [sur la religion]
- Des chantiers paralysés? [sur la construction]
- En bref - Magazines éducatifs pour les écoles [sur des magazines papier !! ]

Le reste est du même acabit. Donc, non, ce ne sont pas des articles sur «internet"...

Le Devoir n'a pas à se sentir seul, il est en bonne compagnie. La Presse aussi n'a pas tout à fait bien attaché ses souliers : une recherche sur «internet» donne un résultat tout aussi mitigé.

Promenons nous dans les bois pendant que le journaliste n'y est pas

Un bon programmeur définit la fonction "recherche" sur un site comme une «requête à la base de données». Et la page contenant les réponses à la requête tombe du coup sous sa responsabilité. Grave erreur. Ce n'est pas de la programmation! C'est de l'information que vous retournez!

Tout échange d'information est de l'information. Une requête à la base de donnée est un échange d'information, donc tombe dans la cours des journalistes.

Ce que vous mettez en page est de l'information. Ce que votre moteur de recherche affiche est de l'information.

Vous ne laissez pas vos camelots titrer vos articles? Ne laissez pas les TI gérer les résultats de recherche! Assurez-vous que vous avez le contrôle pour pondérer les pages.

La révolution menée par des amnésiques

Le Devoir titrait la semaine dernière «Le train numérique passe, le Québec reste à quai» en parlant du retard de plus en plus irrattrapable dans les technologies de l'information au Québec qui isole lentement le pays parmi le tiers-monde du savoir numérique, faute de colonne vertébrale politique et d'attentisme commerçant.

Comme on connaît la propension des journalistes à vouloir guider avec leur lanterne le peuple et les dirigeants dans le flou obscure de la réalité de la vie, on se demande si on ne suit pas nous même ces aveugles. Ou plutôt ces amnésiques. À lire leur moteur de recherche, on peut penser que oui.

Journaliste, y es-tu ? Entends-tu ? Que fais-tu ?

Bien sûr, il s'en écrit des choses sur «internet» et le «web» dans ces journaux, mais sans trace, comment pensent-ils avoir une perspective cohérente sur les changements en cours? Via leur moteur de recherche, ils donnent à penser qu'ils n'ont pas de réflexion profonde sur le sujet.

«Le train numérique passe, mais les cheminots sont au bar»

À bien y regarder, bien sûr il y a quelques chroniqueurs qui se sont laissé aller à donner leur avis. En général sur leur blogue. Plus rarement dans le journal papier. Mais pas souvent un article de fond ou débat sur le sujet émergeant --souvent c'est après coup.

Après on s'étonne du «retard» dans la perception des gens face aux changement causé par le numérique...

Je soupçonne que les journalistes ont accès à un outil de recherche plus performant à l'interne. Mais pourtant régulièrement ils citant des sources hors de leur journal, hors du pays.

Le New York Times, par exemple.

Juste avec ce journal américain, dans la dernière semaine, avec les requêtes «web» et «internet», on trouve des articles stimulants sur la compréhension d'internet et de leur impact sur nos vies et la société en général. Juste dans la dernière semaine!

- The Defense of Computers, the Internet and Our Brains.
- Internet Breathes New Life Into Clock Radio.
- 22 Percent of Internet Time Is Social, Nielsen Says.
- South Korea Expands Aid for Internet Addiction.
- Book Review - The Shallows - What the Internet Is Doing to Our Brain.

[5 liens parmi les seuls 10 que le NYTimes affichait ce matin pour «internet», dont 2 étaient des liens vers les catégories pertinentes. Pour en avoir plus, il faut passer par la recherche avancée par date]

Je peux comprendre la quantité --l'argent explique beaucoup de chose--, mais qualitativement, on devrait retrouver ça aussi chez nous, des articles de réflexion (Il n'y a que se pencher pour en ramasser à la pelle dans les bon réseaux sur la blogosphère)

Et on s'étonne qu'on ne cite pas souvent nos journaux francophones...

Et on s'étonne que le pays a du retard face au numérique.

Au fait... Je me demande s'il y a pas un lien de cause à effet à faire?

PS: Allez, les bleus?
- Le Monde
, pour le mot «internet» : 10 / 10
- Libé, pour le mot «internet»: 0/10
Comme pour leur équipe de foot, il faut en prendre et en laisser...

TechTOC.tv: réalité augmentée

Une émission TechTOC.tv sur la «réalité augmentée». 40 minutes de discussion et critique, en français, pour réfléchir sur ce thème.



De nombreuses questions d'ordre philosophique, fonctionelle, inspirationelle, sémantique et technique sont abordées dans l'émission,

La réalité augmentée est encore au stade du tape-à-l'oeil mais propose réellement un très fort potentiel pour bouleverser notre rapport au monde

Intéressé par le thème? Voyez plus d'exemples sur mon Introduction à la réalité augmentée

Viral Québécois (2)

Deuxième tir de Fred Poirier, bien inspiré! Voici un autre échantillon d'éléments viraux traditionnels tirés de la culture québécoise et diffusé sur Internet.

Speak White Reggae est un montage réalisé à partir d'extraits du célèbre poème engagé Speak white de la Québécoise Michèle Lalonde et remixé pour en faire une chanson reggae.


Après un des discours fondateurs de la cause souverenainiste au Québec, passé au mixeur musical de Fred Poirier, voilà un autre moment culturellement relié à la réalité québécoise des années 60.

C'est donc un sujet très marqué socialement qui peut servir de balise pour évaluer la «viralité» sur le territoire québécois -- on peut parier que le reste de la Francophonie et encore moins les autres continents linguistiques ne seront pas les principaux vecteurs de propagations de cette vidéo sur les réseaux.

On se rappelle qu'une vidéo virale se répand sur des terreaux fertiles déjà sensibles au message. C'est donc ici une façon de mesurer (1) la réceptivité de tel message culturellement chargée et (2) le potentiel technique viral sur le territoire québécois.

Je vais colliger ici les statistiques de temps en temps:
15 juin: 384 vues

Speak white est une injure proférée aux Canadiens français par les Canadiens anglais lorsqu'ils parlaient français en public, jusque dans les années 60, à la Révolution tranquille.

Le 27 mars 1970, l'Office Nationale du Film a enregistré les images que vous voyez dans la vidéo lors de la célèbre nuit de la poésie. Michèle Lalonde, l'auteure du poème, a lu celui-ci devant le public. Ce poème devint un phare pour la cause du mouvement souverainiste au Québec.

Le retour d'un tel sujet dans le contexte actuel (anglicisation galopante de Montréal et la domination sans équivoque de l'anglais sur toutes les tribunes globales) donne à penser que les préoccupations du passé trouveront écho aujourd'hui.

Les transhumains

Dans son livre Une brève histoire de l'avenir Jacques Attali raconte la fabuleuse histoire du prochain siècle. Un passage m'a intéressé, parmi des dizaines d'autres. Il me semble que cette citation fait partie du présent et qu'elle décrit ce qui se passe dans la blogosphère.
«Alors que, dans le monde de la rareté, c'est-à-dire dans le marché, autrui est un rival (l'ennemi qui vient disputer les biens rares, celui contre qui se construit la liberté et avec qui il ne faut partager aucun savoir), l'autre sera d'abord pour le transhumain le témoin de sa propre existence, le moyen de vérifie qu'il n'est pas seul. L'autre lui permettra de parler, transmettre, se montrer généreux, amoureux, de se dépasser, de créer plus que pour ses propres besoins et plus que pour ce qu'il croit capable de créer. L'autre lui permettra de comprendre que l'amour d'autrui, et donc d'abord de soi-même, est la condition de la survie de l'humanité.

Les transhumains mettront en place, à côté de l'économie de marché où chacun se mesure à l'autre, une économie de l'altruisme, de la mise à disposition gratuite, du don réciproque, du service public, de l'intérêt général. Cette économie que je nomme «relationnelle» n'obéira pas aux lois de la rareté : donner du savoir n'en prive pas celui qui le donne. [...]

Les transhumains formeront une nouvelle classe créative, porteurs d'innovations sociales et artistiques et non plus seulement marchandes.

Jacques ATTALI, Une brève histoire de l'avenir, Fayard 2006 P.273-274
On dirait que ce qui se construit dans la blogosphère est une amorce de ce que les transhumains d'Attali souhaitent bâtir.

Yann Leroux a laissé entrevoir, à mon avis, une telle émergence quand il parle sur son blogue du choc que produisent les techniques numériques.

«Nous sommes aujourd’hui au bout de quelque chose et les ordinateurs y ont leur rôle. Après avoir prolongé tous nos corps dans nos outils, nous avons fini par jeter notre système nerveux “comme un filet sur l’ensemble du globe” (McLuhan, Comprendre les médias). La dématérialisation portée par cette technique apporte et traduit des changements profonds dont nous ne percevons que les prémisses.»

Yann Leroux, La plume est une vierge, posté le 11 juin, 2010 sur Psy et geek

Réalité augmentée expliquée aux enfants

J'adore les présentations de Commons Craft. Lee LeFever a le don de simplifier (dans le fond et la forme) des sujets autrement complexes. Aujourd'hui, il explique la réalité augmentée (in english) [via Laurent Maisonnave sur FaceBook]



Le concept de réalité augmentée («augmented reality» en anglais), où on superpose une couche virtuelle d'information sur une image/vidéo de la «réalité», via des appareils mobiles composés d'écrans et de caméras, commence à se répandre et à intégrer le monde d'internet et «l'hyperlocal» (le web de proximité)

Le concept est assez abstrait pour ceux qui ne le connaissent pas. Il peut même, au contraire, paraître futile pour ceux qui ont eu l'occasion d'entrer en contact avec un exemple superficiel.

J'ai écrit 5 billets cet hiver, avec une série d'exemples vidéo qui saura mettre en perspective avec des exemples concrets la présentation ci-dessus de Lee LeFever

Référence : mes 5 billets d'introduction à la réalité augmentée

1- Intro: appréhender le monde en réalité augmentée . De simple gadget, voici un outil important d'accès aux informations de façon plus intuitive et en contexte
2- Catégorie 1: du réel dans le virtuel . L'effet «nouveauté» fait son chemin, c'est le premier contact pour le grand public.
3- Catégorie 2: du virtuel dans le réel . La naissance des fureteurs géolocaux, une sorte de révolution dans notre mobilité en temps réel.
4- Catégorie 3: objets communicants . Les «médias hyperlocalisés» résident dans des objets bavards communiquant leur «statut».
5- Conclusion: la décennie RA . Les téléphones «intelligents» sont le cheval de Troie de la réalité augmentée

Le cerveau fluide

Petite discussion hier autour de la machine à café virtuelle (Twitter): y a-t-il un impact neurologique à utiliser le web?

Cerveau fluideEn lisant l'article du NYTimes, «Your Brain on Computers - Attached to Technology and Paying a Price», qui rappelle un débat épique entre Clay Shirky et Nicholas Carr (qui a écrit l'article Is Google Making Us Stupid?), le journaliste souligne, preuves scientifiques à l'appui que des «rebranchements» de neurones se font quand on utilise (trop?) Internet.

Principalement, le temps d'attention semble avoir diminué et les oublis semblent plus fréquents. “It seems like he can no longer be fully in the moment”. Et en plus, la (sur)stimulation provoque une excitation - un boost de dopamine - que les chercheurs considèrent comme créant une forme de dépendance. En son absence, on ressent de l'ennui.
yannleroux : @martinlessard nos amis américains manquent tt de même sacrément d'arrière plan théorique http://nyti.ms/cbSuTH

Martinlessard : @yannleroux Le journaliste pressent le thème de l'heure: pcq N.Carr va sortir bientôt ça: http://j.mp/a4WPjS *. Un pavé dans la marre!

*Nicolas Carr va sortir bientôt un nouveau livre The Shallows: What the Internet Is Doing to Our Brains

sylvaincarle : @martinlessard lu ton dernier mot avec un "d" - c'est parce que je pense que Carr c'est juste de la provoc (mais je vais le lire quand même)

Emergent007 : @sylvaincarle @martinlessard Faut lire avant «The Big Switch» pour mettre en perspective...

martinlessard : @sylvaincarle @Emergent007 @yannleroux PVI Nicholas Carr: The Web Shatters Focus, Rewires Brains http://bit.ly/9Y7gqO (Wired Juin 2010)

sylvaincarle @martinlessard je sais, mais dans mon cas, le web ne "rewire" rien du tout, ça fonctionnait déjà comme ça avant, c'est le contraire!

yannleroux : @martinlessard Nicolas Carr is an agent provocateur ;-) Nous savons depuis Leroi Gourhan que la technologie nous change. Nous ne sommes d'ailleurs que cela. Et l'exemple de la machine à écrire de Nietzche est vraiment un contre-exemple*.

* référence au fait que Nietzsche aurait été influencé dans son style par la dactylo.

yannleroux : tools rewires brains.

OlivierAuber : brains rewires tools

yannleroux : Brains are tools :-)
Je ne suis pas en mesure de contester les données scientifiques que Carr apportera dans son livre (ça reste à voir) mais si les cerveaux sont des outils (Brains are tools), alors, comme pour l'adage «Quand on a un marteau, tout ressemble à un clou», on pourrait dire quand on a un cerveau, tout ressemble à des outils. Internet en est un.

J. Cascio a écrit l'an passé «Get Smarter» (dans The Atlantic, un an après Carr) un article qui a fait moins de bruit.

«Pandemics. Global warming. Food shortages. No more fossil fuels. What are humans to do? The same thing the species has done before: evolve to meet the challenge. But this time we don’t have to rely on natural evolution to make us smart enough to survive. We can do it ourselves, right now, by harnessing technology and pharmacology to boost our intelligence. Is Google actually making us smarter?»

Il y donne une définition de l'intelligence comme étant «fluide». Une intelligence fluide est l'habilité de trouver du sens dans le chaos et de résoudre de nouveaux problèmes sans nécessairement faire appel à des connaissances antérieures. Ce qui veut dire que ce n'est pas la capacité de mémoriser ni de réciter par coeur...

Internet et cerveau fluide vont-ils de pair?

[MàJ du lendemain: tiens, justement, BlokNot vient de publier ce matin un long billet sur un thème similaire: Overload, symptôme de la surconsommation d’un newsjunkie et parle de certains effets secondaires de la surconsommation de contenu...]

Réalités augmentées: retour d'expérience et futurs usages

Le 29 juin 2010, démonstration du potentiel de la réalité augmentée à L'Échangeur, Métro Arts et Métiers à Paris. Il y aura des conférences et des tables rondes sur ce sujet émergeant et très porteur dans le domaine marketing récemment (et qui a été le sujet d'une série de 5 billets détaillés ici sur Zéro Seconde). (via Julien Bonnel)

Réalité augmentéeOri Inbar, le président du Augmented Reality Consortium sera l'invité du jour («Historique, état des lieux et perspectives de la Réalité Augmentée»).

La première table ronde portera sur les usages, les bénéfices et la place de la RA dans le marketing expérientiel. J'imagine que le marketing est effectivement le vecteur porteur pour le RA.

Claire Boonstra, la cofondatrice de Layar fera une intervention («La Réalité augmentée, mass média de demain ?»). Layar est derrière les premiers fureteurs de réalité augmentée.

La seconde table ronde portera sur les données géolocalisées, les smartphones et fin des écrans.

Les démos interactives prévues: Immersion, int13. Metaio, Mobil'Factory, Nomao, ogmento, Projet Reves, previznet, Total Immersion. Je ne connais pas, mais Julien Bonnel a les liens vers la compagnies pour que vous puissiez juger par vous même.

Si vous êtes dans le coin et avez un peu de temps libre (et d'argent de poche), ça vaut peut-être le détour.

Pour vous inscrire : L'échangeur Augmente la Réalité (350 euros, tout de même)

Pour suivre l'évènement : @AREchangeur
Référence : mes 5 billets d'introduction à la réalité augmentée:

1- Intro: appréhender le monde en réalité augmentée . De simple gadget, voici un outil important d'accès aux informations de façon plus intuitive et en contexte
2- Catégorie 1: du réel dans le virtuel . L'effet «nouveauté» fait son chemin, c'est le premier contact pour le grand public.
3- Catégorie 2: du virtuel dans le réel . La naissance des fureteurs géolocaux, une sorte de révolution dans notre mobilité en temps réel.
4- Catégorie 3: objets communicants . Les «médias hyperlocalisés» résident dans des objets bavards communiquant leur «statut».
5- Conclusion: la décennie RA . Les téléphones «intelligents» sont le cheval de Troie de la réalité augmentée