ZEROSECONDE.COM: novembre 2006 (par Martin Lessard)

ZEROSECONDE.COM

Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

5 réflexions sur l'intégration des TIC en pédagogie

Robert Bibeau nous offre cinq "légendes urbaines" sur l'intégration des technologies de l'information et de la communication (TIC) en pédagogie. (via Mario tout de go)
  1. Les TIC favorisent naturellement la coopération, le "partage des découvertes et des savoirs". Faux.
  2. On utilise l'ordinateur en classe si et seulement si il est prouvé qu'il améliore les résultats scolaires des élèves. Faux.
  3. Les jeunes de la génération « Y » sont nés avec les TIC et maîtrisent instinctivement les TIC. Les jeunes sont des mutants dotés d'un gène TIC à la naissance. Faux.
  4. Innover c'est intégrer les TIC dans mes cours ou dans ma classe. Faux.
  5. Il y aurait une pédagogie des connaissances et une pédagogie des compétences. Faux.
Et en passant, voici quelques sites d'intérêt:
Learning styles and strategies, suivi d'un test pour connaître son Index of Learning Styles (questionnaire)
Le Illinois Online Network : Instructional Design : learning Styles ans Online Environnement et aussi le Instructional Strategies for Online Courses

Les verbes du savoir

Jean Trudeau commentait dans mon dernier billet sur les mythes de la connaissance :

"Grâce à Internet, nous assistons au déclin d'un certain 'fondamentalisme' de la connaissance car nous pouvons maintenant comparer, confronter, apprécier l'information, bref, relativiser et humaniser la vérité (ce qui est à l'opposé du fondamentalisme dogmatique rassurant auquel nous avons été habitués)."

Je m'intéresse beaucoup à l'apport d'internet dans notre rapport à la connaissance. Nous serons amener tôt ou tard à concevoir l'acquisition du savoir comme une tâche autodidacte ou du moins comme un processus en continu (comme dans "formation continue"). Il est utile de trouver des outils pour s'aider.

Hep Taxo!
Le Illinois Onlne Network propose la taxonomie de Bloom comme une catégorisation utile pour évaluer la connaissance acquise. Il commence par classer des types de compréhension et les types de compétence associé.

En anglais "connaissance" et "savoir" se traduident par "knownledge". En français nous avons une distinction : connaissance est le fait de savoir et le savoir est défini comme un ensemble de connaissances. ;-).
Connaître
  • comprendre l'information
  • saisir le sens
  • adapter la connaissance dans un nouveau contexte
  • interpréter des faits, les comparer et les mettre en relief
  • ordonner, regrouper, faire des inférences
  • prévoir les conséquences
  • Type de verbes associés: résumer, décrire, interpréter, distinguer, associer, différencier, estimer, comparer, discuter, projeter
Appliquer
  • Utiliser l'information
  • Utiliser des méthodes, des conceptes, des théories dans de nouvelles situations
  • résoudre des dilemnes en recournat aux bons outils et aux bonnnes comptences
  • Type de verbes associés: appliquer, démontrer, claculer, compléter, illustrer, montrer, résoudre, examiner, modifier, relier, changer, classifier, expérimenter, découvrir
Analyser
  • identifier des "patterns"
  • orgnaiser des parties dans un tout
  • Reconnnaître des sous-entendus
  • identifier des sous-partiesdentification of components
  • Type de verbes associés: Analyser, séparer, mettre en ordre, expliquer, conecter, classifier, arranger, diviser, comparer, sélectionner, inférer
Synthétiser
  • réutilsier de vieilles idées pour en trouver de nouvelles
  • Généraliser à partir de faits
  • faire des liens entre divers connaissances
  • prédire et tirer des conclusion
  • Type de verbes associés: combiner, intégrer, modifer, réarranger, substituer, plannifier, créer, designer, inventer, composer, formuler, préparer, généraliser, recomposer
Évaluer
  • Comparer et discréminer entre des idées
  • évaluer l.importance d'une théorie et de représentations
  • faire des choix basés sur un argumentation raisonnée
  • évlauer le fondement d'une certitude
  • reconnaître etr identifier la subjectivité
  • Type de verbes associés: évaluer, décider, classifier, grduer, tester, mesurer, recommander, convaincre, sélectionner, juger, expliquer, discréminer, défendre, conclsure, comparer, résumer
(Source)
Un peu plus loin sur le site, on définit le terme apprendre (to learn) de 5 façons:
Apprendre
  • une incrémentation quantitative de la connaissance
  • une mémorisation et l'emmagasinage d'information qui peut être récupérer
  • une acquisition de faits, de compétences ou de méthodes
  • une abstraction du sens ou une connexion entre des concepts abstraits entre eux et / ou avec le monde réel
  • une interprétation ou une compréhension de la réalité sous un nouvel angle
(source)

Mythologies de la connaissance [3]

Le Petit Larousse définit, je crois, le mythe comme un système de communication, un message ou une construction de l'esprit qui ne repose pas sur un fond de réalité.

Je me suis attardé dans mes deux derniers billets sur des publicités bien banales trouvées dans le New York Times. Être tombé coup sur coup sur elles, en quelques pages, malgré leurs inoffensives apparences me fit penser que l’accès à la connaissance participe à une mythologie qui ne date pas de l’arrivée d’Internet.

Boule à mythes
Après m’être interrogé sur le mythe de l'apprentissage à distance puis le mythe de l'apprentissage en tout temps, il ne me reste plus qu’à soulever, oh juste le coin, d'un dernier mythe tenace alors même que déferle en Occident un déluge d’information de toute sorte permettant, théoriquement, de mettre tout le monde (branché) à un clic de tout le savoir.

3- Le mythe de tout apprendre
Attardons-nous en premier au titre du livre que vante cette publicité : " Comment presque faire un million de dollars". Notez l’hilarité de l’adverbe. Alors, il a fait faillite ou il a réussi? Le sous-titre n'est pas plus rassurant, "Je l'ai presque fait. Vous pouvez presque, vous aussi, le faire". On se demande s’il le fait exprès. Décontextualisé ainsi, le titre ne fait pas grand effet, mais ce n’est pas le but ce mon propos. C’est le genre auquel il appartient qui m’intéresse ici.

Cette mode de livre « how-to » (surtout quand on propose au quidam une façon de devenir riche) semble prendre le lecteur pour un imbécile qui s'ignore. Toi, dit-on, qui lis ma couverture, tu n’as pas encore compris? La recette est dans le livre, idiot !

Comme si le statut économique dépendait de la possession d'une information --ce qui ne veut pas dire que ce n’est jamais le cas, mais statistiquement ce n'est pas le cas pour tout le monde--.

Dans le cas présent, l'annonce ajoute que "la moitié du monde peut lire ce livre dans leur propre langue". Si tout ce beau monde pouvait le lire, ç'en serait fini de la pauvreté!

On oublie vite que dans un système capitaliste, quand tout le monde « s’enrichit », ça crée de l’inflation - - ce qui annule toute richesse!!

À moins que ce soit un appel à faire vite : devenez riche avant que l'autre moitié de l'humanité le devienne (notre système capitaliste récompense toujours ceux qui vont plus vite que les autres).

Learn everything
Mais voilà, ce livre, et tous les livres de ce genre (le « how-to » du savoir pratique) -- et dont certains sont certainement très utiles -- joue sur la possibilité de « comprendre » en « possédant ». Si de tels livres existent, c’est qu’il y a une très grande propension du public à croire que l’information pour apprendre quelque chose de pratique se fait par la simple acquisition de l’information.

En possédant ce livre -- ou plutôt, en achetant ce livre-- on se fait croire que le savoir va suivre.

On vous vend que vous allez "comprendre" les mécanismes de la bourse. Fera-t-il automatiquement de vous un bon investisseur? "Devenir riche", est-ce une connaissance que l'on peut enseigner? Il ne s'agit pas ici de savoir comment planter un clou. Il s'agit d'un état d'esprit.

Les bonnes compétences
La clef de l'apprentissage est la maîtrise efficace d'aptitudes d'apprenant. Ce qui n'est pas inclus dans le livre. La patience que demande la pratique qui fortifie les compétences ne relève pas de la magie, mais bien de l'endurance, du temps et d'une bonne connaissance du type d'apprenant que nous sommes (par exemple, visuel, auditif, déductif, linéaire, etc) et du type d'environnement formateur (solitaire, en groupe, en classe, en labo, etc.).

Alors, "Ne pas pouvoir tout apprendre" peut se comprendre de deux façons :
  1. il y a des savoirs qui dépassent vos compétences
  2. l'acquisition d'un savoir étant longue, vous êtes limité dans le nombre de savoirs que vous pouvez acquérir
La toile de tous les savoirs
Le web semble offrir le phantasme ultime dans ce domaine. Tout est virtuellement accessible (ou le deviendra). Remplissez del.icio.us, gonflez vos signets, abonnez-vous à tous les fils web, imprimez toutes les pages web que vous voulez, vous n’arriverez pourtant pas à retenir le dixième de ce que vous avez lu.

Pour apprendre, il faut se concentrer, prendre du temps. Et inéluctablement cela veut dire rejeter certaines connaissances et en retenir d’autres. Nul ne peut faire le grand écart et donc, à la fois, critiquer Kant, jouer à la bourse, programmer en Java et s’occuper d’un bonzaï. (ou alors si vous y réussissez, vous n'avez jamais lu Duras, ne parlez pas italien et ne savez pas piloter un avion).

Getting things learnt
Il est rare que l’on puisse plonger facilement dans un livre et en sortir expert. Ceux qui ont lu Getting Things Done, dont pourtant de grands pans de la théorie sont accessibles sur le web, comprennent de quoi je parle.

Il faut assimiler, digérer, pratiquer. Et pratiquer encore. Ainsi deviendrez-vous un bon gestionnaire de votre temps. Mais pas en même temps un bon jardinier de Bonzaï. Ni un "day trader". Car le temps passé à bien appliquer vos nouvelles connaissances n’a pas été passé à faire autre chose.

Additionnez tout ce temps et vous verrez qu’une vie n’est pas assez pour apprendre l’ombre de la poussière du début de toute la Connaissance. Mais nul n'est tenu de tout savoir...

Bloguer pour apprendre
J’ai commencé à bloguer quand j’ai compris que tout ce que je savais était supérieur à ce tout ce que je pouvais exprimer oralement. Et que ce que j’exprime oralement est supérieur à tout ce que j’ai le temps d’écrire. Et que tout ce que j’écris est supérieur à tout ce qu’un lecteur peut lire. Et ce qu’il peut lire est inférieur à ce qu’il peut retenir. Et ce qu’il a retenu est inférieur à ce qu’il peut exprimer, ensuite, à d'autres.

J’ai ainsi compris qu’il ne fallait pas avoir peur de retransmettre ses savoirs. Que personne n'allait me déposséder de mes connaissances. Et que le meilleur qu’il pouvait m'arriver, c’est que cela engendre l’émulation et que moi en retour j’apprenne éventuellement quelque chose.

Et quand le niveau ambiant augmente, tout le monde y gagne.

Mythologies de la connaissance [2]

(2ième de 3) Voir première partie : Le mythe de l'apprentissage à distance

Nous sommes dans un monde où la production, le traitement et la diffusion d’informations exponentielles nous font subir une surcharge informationnelle intolérable. Il est normal que l'on doive se fier à des tiers pour se tenir au courant.

Le New York Times fait partie de ces joueurs sur lesquels on peut compter. Mais quand ils emploient des méthodes marketing pour nous inciter à nous abonner, ils utilisent une méthode qui joue sur notre faiblesse à évaluer la valeur des choses en quantité de temps.

Hier j'abordais la mythologie de la connaissance en pointant du doigt ceux qui pensent que l'apprentissage peut se faire n'importe où. Aujourd'hui, je pourfends ceux qui pensent que l'on peut apprendre tout le temps.

2-Le mythe de l'apprentissage en tout temps.

Par apprentissage, j'entends cet acte d'apprendre une nouvelle information, de la digérer et de pouvoir la placer correctement dans sa carte mentale afin de faire coïncider le monde perçu avec notre vision a priori. Je dépasse en fait largement le cadre pédagogique.

Mais cette invitation à un abonnement à domicile ci-jointe, trouvée dans l'édition du New York Time de dimanche dernier, insiste sur le bénéfice de "rester au courant grâce au journal". Comme si le contraire, le fait de l'acheter sporadiquement le journal, faisait de moi une épave à la dérive dans le déluge informationnel.

Il apparaît clair pourtant "qu'être dans le courant" nous force à rester à fleur d'eau, alors que de la rive il nous semble qu'on possède une vue d'ensemble plus stable.

La source qui donne toujours soif
S'abreuver d'information demande du temps pour digérer. Il est peut-être derrière nous le temps où "il était possible de tout suivre l'actualité". Et non devant. Aujourd'hui on oublie que si l'accès à l'information n'est plus un frein, le temps lui, mes respects à Einstein, n'est pas extensible.

Si absorber l'information prend déjà une certaine somme de temps en soi, il y a nécessairement un autre moment supplémentaire qu'il faudra dédier pour analyser, réfléchir et emmagasiner l'information correctement. On oublie vite que si nous sommes entrés dans la soi-disant 'société de l'information', il n'y a pas eu d'extension à l'horaire pour consommer et digérer toute cette nouvelle information.

Les médias ont décuplé leurs offres depuis les deux dernières décennies. Les outils de communications ont envahi chaque pli de notre sphère privée. La quantité d'information retournée sur un sujet dans les moteurs de recherche est elle-même impossible à digérer (aux dernières nouvelles, il y avait 88 900 résultats pour "zéro seconde" sur Google).

Le temps ce n'est pas de l'argent
Le mythe qu'apprendre ne prend pas de temps est faux. Vous avez tous expérimenté l'achat d'un livre, d'une revue ou d'un journal, (ou l'impression de grande quantité de pages web) pour vous rendre compte que vous n'aviez pas plus de temps pour le lire. L'avoir dans les mains ou sur les tablettes du marchand ne change strictement rien au fait que votre horaire est inextensible, même si votre budget financier peut l'être : la compréhension du contenu du livre vous est aussi inaccessible que si le lanciez au fond du plus profond des ravins. Le temps n'est pas monnayable. (La raison que vous ne vous donnez pas le temps pour le lire relève d'un autre ordre).

Learn anytime
Comment peut-on rester ainsi toujours "au courant" ("in the know")? Nécessairement, il nous manquera toujours quelques choses à savoir. C'est infini. L'accroche de la pub joue sur la tendance très humaine à ne pas maîtriser le calcul avec les "infinis".

Si vous manquez 5 jours de nouvelles, rapporté sur l'infini, ce n'est pas vraiment moins que manquer une journée: ce n'est toujours qu'une différence de degré d'infini. La différence entre 1 divisé par l'infini et 5 divisé par l'infini tend vers zéro.

Faites le calcul, il y a 86400 secondes dans une journée, divisée par toute l'information disponible en ligne et ailleurs (simplifions : une infinité d'informations), le temps consacré pour chaque information tend vers... Zéro Seconde.

Prochain billet : 3- Le mythe de tout apprendre

Mythologies de la connaissance [1]

Il faut reconnaître que la production, le traitement et la diffusion d’informations numériques exponentielles que l’on observe aujourd’hui représentent une vague de fond sans précédent qui nous fera émerger dans une nouvelle société, dans un monde où l'accès à l'information n'est plus un obstacle.

On a tendance à penser que l'apprentissage de n'importe quelle connaissance peut se faire n'importe où, n'importe quand. Si l'accès n'est plus un frein, l'acquisition de la connaissance n'est pourtant pas devenue facile pour autant. Si toutes les informations du monde sont disponibles, se dit-on, il n'y a plus aucune raison de rester ignorant! Et pourtant si. Nous sommes encore aux prises avec d'anciens réflexes.

Par un heureux hasard commercial, j'en tiens pour preuve 3 publicités anodines dénichées hier dans le New York Times (papier) du dimanche. Des pubs banales, comme on peut en trouver ailleurs, pas nécessairement les meilleures, mais suffisamment adéquates pour le besoin de ma démonstration

1. Le mythe de l'apprentissage à distance

Regardez cette pub. Elle reprend un thème qui a émergé dès l'apparition des premiers appareils de communication à distance. "Apprenez n'importe où". "Étudiez avec les meilleurs professeurs sans vous rendre aux cours!". "Apprenez à votre propre rythme, quand vous voulez, où vous voulez".

L'enseignement à distance utilise ensuite une image forte : un adulte dans le métro de banlieue, question d'optimiser son downtime quotidien dans les transports infernaux. La variante que vous avez peut-être vu près de chez vous : une étudiante en pantoufle évaché auprès du foyer hivernal, un étudiant avec son café sur son balcon, ou écoutant son cours sur le sable chaud ...(ajoutez ici les autres lieux de vos rêves)...

L'enfer c'est les cours
Cette image est insidieuse. Tout étudiant sérieux sait que l'environnement le plus sain est celui qui n'offre aucune tentation. Pour se concentrer, ironiquement, il faut faire abstraction de l'environnement. Un bon endroit pour apprendre est souvent hors de chez soi, à la bibliothèque, ou... dans les cours. La cause d'une concentration réussie est une volonté. Mais avoir de la volonté ne s'achète pas. Avoir les CD ne veut pas dire que l'on va comprendre comment fonctionne le mystérieux mécanisme de la volition.

Quelqu'un qui a bien compris ça et qui possède le savoir-faire du savoir-apprendre est complètement indifférent face à cette annonce, car l'accroche vise une autre clientèle: celle qui pense que savoir c'est posséder.

Mais posséder un CD, un livre, c'est comme avoir des signets dans son navigateur web. Ce ne sont que des pointeurs. Sous l'avalanche de signes, ils n'ont pas appris que l'acquisition de connaissance se fait avec effort. Que même si le savoir (savant) possède des ressemblances structurelles avec l'opinion (intuitive), il s'en distingue par sa persistance et sa cohérence.

Learn anywhere
Un cours appris dans un métro bondé, évaché sur un sofa près du foyer, ou sur le balcon au dessus du trafic ne peut rien faire transcender. Ces poses sont celles du repos ou de la rêvasserie. Or apprendre ne se fait pas en étant sur la lune.

Accéder à toute la connaissance du monde, via le web (ou ici avec des CD de cours à distance), n'est le gage de rien sinon d'une apparence de pouvoir. Le pouvoir de posséder une information. Mais le vrai pouvoir résidera toujours dans l'acte d'appréhender la surcharge informationnelle et de filtrer intelligemment l'information.

L'illusion tient dans le fait que l'on n'apprend jamais "à son rythme" (moi mon rythme naturel, c'est les orteils en éventail avec un bon rhum épicé). C'est l'apprentissage qui demande son propre rythme : de l'effort et du temps. Ce qui n'a rien à voir avec un quelconque rythme vacancier.

Prochain billet : 2-Le mythe de l'apprentissage en tout temps.

Complot du complot

Évoquez la théorie du complot du 11-septembre sur votre blog et vous verrez augmenter vos visites. La porno --autre mot qui compte double-- est en passe de se faire recaler.

Je reçois de la visite sur ces mots de façon régulière et croissante. Depuis peu, j'ai droit à des commentaires (automatiques) m'invitant à connaître la vérité sur tel ou tel site. J'ai écrit à quelques reprises sur le sujet et je m'intéresse à l'impact d'Internet dans la diffusion des idées. Il est intéressant de voir l'impact de l'accès en mode "pull" par opposition au mode "push".

Mes billets qui me valent tant de visites:
- 11 septembre reloaded
- avant le 11 septembre
- la toile du 9/11

Mes billets concernant la crédibilité sur Internet (et qui ne me valent aucune visite ;-)
- Croire/berner : les "demandeurs de connaissance" doivent définir la crédibilité d'une page web
- Le problème du filtrage de l'information sur Internet : Umberto Eco sur l'impact de l'Internet sur la diffusion du savoir
-Qui croire quand informations et connaissances circulent librement ? : Knowledge Management et Autorité Cognitive

Le choix des mots
Évoquer autrefois la "théorie du complot" indiquait une prise de distance, souvent sceptique, normalement explicitant le désaccord avec une touche hautaine. L'expression rimait avec rumeur. Aujourd'hui, il n'est pas si sûr que cette distance soit conservée. Les "théoristes" utilisent positivement cette expression. Ils la revendiquent presque.

Sur Wikipédia, excellent endroit pour prendre le poul de l'intersubjectivité populaire, l'article sur la théorie du complot du 11 septembre [fr] utilise l'expression "théorie du complot" sans distance condescendante habituelle mais plutôt dans le sens de "théorie alternative à la théorie officielle".

WikiRumeur
Les rumeurs existent. Dans le sens qu'elles ont une existence réelle. Ce à quoi elles font référence n'est pas nécessaire la vérité. Wikipédia collige les "théories alternatives" sur le 11 septembre et elles ne sont pas toutes à mettre sous la catégorie délire de pananoïaques. Wikipedia a tout de même une tradition de "neutralité" dans sa rédaction et l'article n'essaye pas de faire passer des "faits" (non-vérifiés) pour des "preuves".

Mais avec Internet , nous sommes face à une horde d'enquêteurs de BD, des chercheurs de vérité dans une base de donnée. Nous avons accès à une somme énorme d'information, rapidement et de qualité (technique). Mais comment distinguent-ils le vrai du faux? La rhéthorique n'est plus enseigné, avec quels outils interprêtent-ils alors les informations trouvées sur Internet ? Le sens commun? Mais elle bien mauvaise quand il s'agit de science ou de justice...

Self-learning
À l'ère du "Columbo sur Internet", lister les doutes sur un site web revient à les légitimer. Même si c'est pour son côté ludique, s'intéresser à la chose peut devenir une caution. Je reste sceptique face à ces thèses, même si je me régale de leur ingéniosité, de leur finesse dans les détails logiques et de leurs emboîtements machiaveliques. Pourtant, en faire un billet, c'est en donner un certain echo.

Mais quand Wikipedia commence une phrase avec "Certains observateurs, comme Thierry Meyssan dans son livre (...)", je dis arrêtons de nous monter le bourrichon.

Meyssan, n'est PAS un obervateur. Il n'a rien observé, il n'était pas sur place. Il n'est qu'un "théoricien" du complot et sa thèse n'a que soulevé des suspicions et une suspicion n'est pas une preuve. Une preuve a un lien causal démontrée avec l'effet et ne peut être soumis à un jugement avec le pouce mouillé.

Le pentagone ne répond plus.
Meyssan est celui qui a soulevé le premier la théorie qu'un missile (et non un avion) ait touché le pentagone. Son explication force l'admiration et nous empêche de penser en rond.

Mais l'apparence d'impact de missile N'EST PAS une preuve que c'est un missile. Voler à une basse altitude N'EST PAS une preuve que ce ne pouvait pas être un avion : les avions volent à quelques pieds d'altitude à deux reprises --au décollage et à l'atterrissage --. Ce n'est donc pas impossible.

Un vidéo permet de simuler --sans musique et sans scénarisation dramatique-- les derniers instants du vol 77 qui a percuté le pentagone. Ici, aussi, ce n'est pas une preuve. Seulement une illustration. Elle a l'avantage d'illustrer la version officielle. Peut-être est-ce là son défaut?

Le FBI doit rendre public de nouveaux vidéos de l'écrasement sur le Pentagone le 22 decembre 2006 (source Judicial Watch). C'est un rendez-vous, donc.

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Dessine moi le web 2.0

Lancé il y a une semaine par l'agence web Groupe Reflect, ce site Dessine moi le web 2.0 réunit des visions du Web de demain sur un même blogue, expliqué par des gens importants de la blogosphère francophone. via Écran (Libé)
Ce projet, www.deuxzero.com, est une belle initiative pour retrouver, en français, des arguments pour -- et contre -- ce buzz-word qui est enfin entrée dans la sphère marketing depuis quelques temps et qui contamine tout le vocabulaire à la sauce 2.0. Le site permet en tout cas de lire d'autres point de vue, utiles ensuite pour tenter d'expliquer le phénomène de cette sixième culture du web...

(Les américains, eux, sont déjà à parler web 3.0 (le web sémantique). Ah! serions-nous toujours un browser de retard? Moi, ce que j'en dit, "pis alors! Pourquoi pas un web 3.1416 tant qu'à y être?")

Le chiffre de la bête
A ma connaissance, la numérotation est une convention geek mais qui a depuis longtemps été repris par les commerciaux (changer le digit pour faire vendre est une pratique courante en marketing de logiciel). Il ne faut pas s'étonner de l'engouement actuel pour nommer le métamorphose en cours. Ce n'est qu'un nom de code...

(et si vous êtes intéressé au web sémantique, ça se discute déjà en français sur une planète près de chez vous...)

Bug sur Google map

Google map possède de très bons satellites avec une précision au milimètre ou cette bestiole fait 50 mètres!


Source : Geekzone

Il sera une fois...la vie

Documentaires du futur. via Hubert de InternetActu.

Metalosis Maligna est un documentaire sur une étrange maladie qui affecte des patients qui ont reçus des implants artificiels. "Les implants, pareils à des tumeurs, se recombinent et se décomposent pour transformer les corps malades en d’improbables constructions mécaniques". Pays bas. 7 min, anglais.

The Order Electrus est un documentaire sur des espèces mutantes d’insectes électroniques nées sur des sites industriels abandonnés. Leur vie, leurs moeurs, leur habitat. Pays bas. 7 min, anglais.

Dois-je préciser qu'ils sont fictifs? Ou alors Youtube, depuis qu'il ont été achetés par Google, indexe aussi tous les vidéos dans le futur aussi... ;-)


Moteur de recherche des meilleurs blogs francophones

Vincent Abry vient de mettre en ligne un moteur de recherche parmi les carnets en français les plus populaires (actuellement les requêtes fouillent 200 blogs) basé sur Google Co-op.

Pour monter sa liste de blogs, il a utilisé ces classements :

-Le classement des blogs francophones Top100 de Alianzo
-Le classement Top100 Edelman/Technorati
-Le classement des 50 premiers blogs québécois de HouHou Blog

Très pratique si l'on veut savoir ce qui s'est dit d'important parmi la blogosphère vedette sur un sujet donné. Question parfois de ne pas répéter ce qui s'est dit et qui a déjà eu un écho. Ou l'inverse si vous êtes en marketing: pour savoir ce que la caisse de raisonnance a à offrir!

À propos des "classements" de blogues (et sa relative complexité et subjectivité), voir un billet d'Éric Baillargeon ou les commentaires sous le billet de Houhou.

Internet , la contre-démocratie

Internet modifie en profondeur les pratiques, mais aussi nos définitions de la démocratie. (...) Mais Internet ne sera pas la nouvelle Agora démocratique, cette fonction qui relève du Parlement. Source ntiourtite de Place de la Démocratie

Internet et démocratie. Hum! Un regard rafraîchissant à lire sur PdlD: on y découvre que Pierre Rosanvallon sépare les éléments de la démocratie en trois temps.

1. La prise de parole
"Internet diminue le coût d’accès à l’expression". L’opinion publique émerge d’une opinion individuelle, et non plus organisée et structurée.

2. Le débat
"La délibération est le pouvoir de changer son point de vue après s’être confronté aux opinions contradictoires". Or Internet nous permet d'échapper à la confrontation. Il y a toujours une communauté qui peut énoncer nos intérêts.

3. L’agir en commun
"Internet facilite plus facilement les actions en opposition que la construction d’enjeux positifs.
Internet serait au service de la Contre-démocratie, thème de son dernier ouvrage où il poursuit sa réflexion sur la citoyenneté et la participation."

C'est le livre que je me suis procuré hier: La contre-démocratie : La politique à l'âge de la défiance, de Pierre Rosanvallon, Et je compte bien le dévorer rapidement.

La contre-démocratie, ce n'est pas le contraire de la démocratie; c'est plutôt la forme de démocratie de suspicion organisé face à la démocratie de la légitimité électorale. Elle vise à prolonger et à étendre les effets des institutions démocratiques légales. Mais pas à lui donner des chèques en blanc.

Suspicion comme dans théories du complot mais aussi comme dans forum et discussion.

Un certain usage d'Internet semble donc émerger comme un pouvoir contre le pouvoir. Serait-ce la blogosphère? La blogosphère ce n'est pas juste des opinions polarisées comme l'on retrouve dans la sphère publique. Il y a une réelle diversité. Intéressant. A suivre

Changement d'humanité

J'ai brisé mon ordinateur portable il y a 3 semaines. Je me suis retrouvé tout à coup prisonnier dans une faille espace-temps en trois dimensions où le temps se déroule linéairement, les distances se subissent par le déplacement et la lecture s'effectue sur des arbres morts.

Avouons tout de même que le papier a l'avantage d'être multiplateforme, sans problème de batterie et de n'avoir aucun délai de boot.

Et c'est comme ça que je me suis acheté "Les bienveillantes" de Jonathan Littell. 900 pages. Bien tassé. Sans paragraphe. Et une grosseur de police à faire froncer un aigle. Mais une fresque colossale à couper le souffle!

Si je garde un silence-blog, c'est qu'il m'est impossible de lâcher le livre. Que je lis à petite dose chaque fois que je peux. Au grand dam de ma douce qui attend impatiemment pour me le voler...

"Frères humains, laissez-moi vous raconter comment ça s'est passé..."
Nous sommes dans la marge de l'humanité, mais au coeur de l'Histoire du XXe siècle, ce tournant où l'humain entrait par la mauvaise porte dans la société de masse. Nous voilà du côté des bourreaux, dans cette machine administrative effrayante, dépassée par cette logistique sophistiquée de la "solution finale". Nous le vivons de l’intérieur, mais du mauvais côté, en suivant le sinistre destin d'un SS dans un Einsatzgruppen (groupes mobiles derrière l’armée allemande, occupés à exterminer les communistes et les juifs des territoires conquis).

Le résultat est littéralement saisissant. La documentation et la préparation de l'auteur laissent pantois et ajoute au réalisme de la description. On a le souffle coupé : sommes-nous sur la planète Terre?


"Les bienveillantes" de Jonathan Littell
- un extrait
- la critique de télérama
- le compte-rendu de Buzz Littéraire
- des commentaires sur Milles-feuilles
- 280 000 copies vendues en 6 semaines.
- en lice pour le Goncourt
- et battera-t-il Da Vinci Code? (en chiffre, car en littérature, c'est déjà gagné à la première page)

Le régime sans extérieur
Il m'est apparu à la lecture que chaque régime (le nazisme, le fascisme, le stalinisme, le maoïsme...le capitalisme) apporte son lot d'horreurs et d'incohérences. Mais que prisonnier dans un, il nous semble impossible de comprendre la logique de l'autre. La cohérence de l'être est tributaire du régime dans lequel on évolue. De l'extérieur du capitalisme, on pourrait peut-être dire à quel point nous sommes fous et avons laissé la "machine" écraser tant de gens sans réagir. Quand on regarde le nazisme, c'est ce que l'on se dit. Ce livre nous montre un monde incompréhensible. C'était pourtant il n'y a que 60 ans.

Mais aujourd'hui, c'est nous qui sommes dans un tout nouveau monde.

Je comprends maintenant avec étonnement pourquoi l'humanisme s'est brisé dans cette catastrophe. C'est au nom de l'Homme que l'on a tenté de créer une société qui s'est finalement déshumanisée elle-même. L'héritage humaniste de la modernité s'est retrouvé dans un cul de sac. Mais je vois aussi pourquoi nous laissons aujourd'hui tant de place au "marché" et à l'idéologie de la machine et de la communication. La "cybernétique" a pris son envol au lendemain de la Seconde guerre mondiale. En réaction contre cet humanisme qui s'est fourvoyé. Nous ne voulons plus faire confiance à l'humain. Tous nos problèmes sociaux, bureaucratiques et politiques y trouvent origine.

Mais alors qui lira mes billets quand nous serons tous des machines?