ZEROSECONDE.COM: Carton rouge (par Martin Lessard)

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Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Carton rouge

La mise hors ligne précipitée cette semaine de ConstellationW par son géniteur a provoqué bien quelques hauts commentaires d'indignation. Je persiste et siffle : carton rouge!

Zinédine Cartier à quelques minutes de la fin du match de la Coupe de la Retraite assène un coup de boule à ConstellationW Materazzi. En mettant ainsi le site K.O., il quitte le match sur une faute.

N'interprétez pas ça comme un (arrière-)parricide, car je me pose, ici, tout de même, en arbitre. D'aucuns peuvent me reprocher ma rude franchise de refuser que l'on puisse qualifier ConstellationW d'insuccès : ce mauvais diagnostic jette le bébé avec l'eau du bain. Comme le dit Olivier Zara "[m]obiliser l'intelligence collective en face à face, en virtuel, en RSS est toujours un défi quels que soient les outils, les méthodes,..." (source)

Scoop
Mais il faut savoir ici que cette saga se termine par le scoop de Michel Dumais, qui n'oublie jamais qu'il est un journaliste avant tout : Michel Cartier prend sa retraite complète et a quitté définitivement le monde du multimédia qu'il a suivi depuis des décennies.

"Michel Cartier nous a laissé un héritage considérable, malgré des erreurs qu’il est, soit dit en passant, le premier à reconnaître. Maintenant à nous de s’emparer de ce qu’il nous a donné. Le message que Cartier nous envoie n’est pas celui d’un homme aigri, en colère. Orgueilleux selon certains? Non, au contraire, jamais je n’ai vu “pépère” aussi heureux d’une décision." (source Michel Dumais)

"Maintenant à nous de s’emparer de ce qu’il nous a donné." Difficile quand le site n'est plus accessible. Il va à l'encontre de la pérennité de l'information qui fait la force du web.

Sortie de piste
On peut penser que j'ai été intransigeant pour dénoncer le geste de l'homme qui mérite tout notre respect. Je vais le répéter ici, une troisième fois : son héritage, l'industrie complète du multimédia québécois doit le reconnaître, consiste en une carrière de théoricien qui a su galvaniser des hordes successives d'étudiant(e)s dans les 3 dernières décennies à entrer dans le champ des communications et de ce qui ne s'appelait pas encore le multimédia.

Si l'atteinte des objectifs derrière l'ultime projet de M. Cartier n'a pas été réalisée, son projet, son dernier héritage, n'est pas un 'insuccès" pour autant. Son site, auquel plusieurs ont collaboré, a une grande valeur. L'accès à ces "papiers de recherche" (à défaut d'être une oeuvre achevée) peut être considéré, s'il le désire, comme un bien commun de la Cybérie qui inspirera les générations futures.

Ceci dit, chapeau bas, toute mon admiration à celui qui quitte la scène.

Je termine sur une anecdote
Dans les années 80, il avait développé une grille dans laquelle il avait placé toutes les formes de communication sur deux axes : l'axe de vitesse de propagation et l'axe de la quantité de gens rejoint. Par exemple, le cinéma propose des messages qui mettent beaucoup de temps à produire et à distribuer, mais rejoint une très grande quantité de gens. À l'opposée, la parole est quasi instantanée, mais rejoint peu de gens. La radio un peu plus et ainsi de suite.

Tous les médias connus à l'époque couvaient entièrement sa grille. À l'exception d'une zone à peu près au centre, un gros trou dans lequel il avait mis un point d'interrogation.

Une décennie plus tard, je retombe sur le même tableau, qu'il avait remis à jour. Le point d'interrogation avait disparu et, à la place, trône maintenant ce qui fait vivre aujourd'hui la quasi-majorité de ceux que je côtoie quotidiennement ou qui lisent ces lignes : Internet.

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